vendredi 11 mai 2012

Algérie : 57,1 % d’abstention aux législatives !

Quelque 42 % des électeurs algériens ont participé jeudi aux élections législatives, premier scrutin organisé dans ce pays depuis le Printemps arabe, un taux contrastant nettement avec la méfiance affichée durant la très brève campagne électorale. Les quelque 21,6 millions d’électeurs ont voté pour élire 462 députés, bien plus massivement qu’au dernier scrutin législatif de 2007 où le taux de participation avait atteint 35,67 %, mais les résultats du scrutin ne seront connus que vendredi après-midi à 16 h 30 (heure de Paris), selon des sources officielles. "La participation globale - territoire national plus communauté nationale à l’étranger - est de 42,90 %", a déclaré le ministre de l’Intérieur Daho Ould Kablia, précisant que ce taux était bien plus élevé sur le territoire national atteignant 44,38 %, alors qu’il n’a été que de 14 % pour les Algériens de l’étranger.
Le président Abdelaziz Bouteflika, initiateur de réformes destinées à parer le pays de la révolution qui a balayé les régimes de Libye, de Tunisie, d’Égypte et du Yémen notamment, avait appelé à plusieurs reprises ses compatriotes à voter, tout comme nombre de dirigeants politiques. Mais, inversement, le taux d’abstention aura atteint 57,1 %. Il a surtout été marquant dans la capitale kabyle, Tizi Ouzou, atteignant 80,16 %, à la suite du boycottage mené par l’un des partis dominants, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). À Alger, forte d’environ trois millions d’habitants, l’abstention a atteint 69,1 % des électeurs.
Sans crier victoire, Daho Ould Kablia a souligné que les problèmes "constatés ici et là ont été contenus et ne peuvent avoir en aucun cas d’incidence sur la crédibilité des élections". Lui emboîtant le pas, le chef de la mission des quelque 150 observateurs de l’Union européenne à ce scrutin José Ignacio Salafranca a jugé que le vote s’était déroulé dans des conditions "généralement satisfaisantes, sauf de petits incidents très limités". Les autres observateurs, sur un total de 500 venus en Algérie à la demande de la présidence et issus de la Ligue arabe, de l’OCI ou de l’Union africaine et d’ONG américaines, n’avaient fait aucun commentaire jeudi.
La Commission nationale de surveillance des élections législatives (CNSL) a pourtant répertorié 150 plaintes d’irrégularités du scrutin, dont une trentaine relevant du pénal. Deux de ces dernières impliquent directement deux ministres en exercice, candidats à la députation. Il s’agit de Chérif Rahmani, ministre de l’Environnement du Parti national démocratique (RND) du Premier ministre Ahmed Ouyahia et de Tayeb Louh ministre du Travail du Front de libération nationale (FLN, parti présidentiel). Tous deux sont accusés d’avoir visité les centres de vote pour inciter à un vote en leur faveur.
Le président Abdelaziz Bouteflika avait pressé à plusieurs reprises, dont mardi après-midi, la population, et en particulier les jeunes, à voter massivement. Dans le tiers des communes - 543 sur 1 541 -, le vote a été prolongé d’une heure à 20 heures locales (21 heures à Paris), alors que les bureaux de vote avaient ouvert à 8 heures (locale) pour ce scrutin à la proportionnelle à un tour destiné à élire 462 députés. À Bab El Oued, le coeur traditionnel d’Alger, la plupart des habitants interrogés se disaient indifférents et parlaient d’abstention. "Je ne voterai pas, car la Constitution ne donne aucun pouvoir au Parlement", expliquait Hamid, 50 ans, ancien militant du Front islamique du Salut (FIS), dissous en mars 1992, après l’annulation des premières législatives pluralistes de décembre 1991 que ce parti était en passe de remporter. L’annulation du scrutin avait plongé le pays dans une "guerre civile" qui a fait près de 200 000 morts.
Quarante-quatre partis - dont 21 nouveaux, sept formations islamistes et plus d’une centaine de listes d’indépendants - étaient en lice pour ce scrutin. En appelant mercredi les jeunes à aller voter, ce dernier, âgé aujourd’hui de 75 ans, les avait assurés que "sa génération avait fait son temps". L’Algérie fête cette année ses 50 ans d’indépendance, mais ces dernières années avaient vu une multiplication des mouvements sociaux, menant à un pic en janvier 2011 avec des émeutes sanglantes, durant la période de la chute du régime Ben Ali en Tunisie. Confortés par la victoire des islamistes dans les pays de la Révolution arabe, ceux d’Algérie étaient très optimistes. "Nous sommes certains de notre victoire que ce soit par K.-O. ou aux points", déclarait l’un d’eux, Bouguerra Soltani, chef de file du Mouvement de la société pour la paix (MSP).

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