Quelque 42 % des électeurs algériens ont participé jeudi aux élections
législatives, premier scrutin organisé dans ce pays depuis le Printemps
arabe, un taux contrastant nettement avec la méfiance affichée durant la
très brève campagne électorale. Les quelque 21,6 millions d’électeurs
ont voté pour élire 462 députés, bien plus massivement qu’au dernier
scrutin législatif de 2007 où le taux de participation avait atteint
35,67 %, mais les résultats du scrutin ne seront connus que vendredi
après-midi à 16 h 30 (heure de Paris), selon des sources officielles.
"La participation globale - territoire national plus communauté
nationale à l’étranger - est de 42,90 %", a déclaré le ministre de
l’Intérieur Daho Ould Kablia, précisant que ce taux était bien plus
élevé sur le territoire national atteignant 44,38 %, alors qu’il n’a été
que de 14 % pour les Algériens de l’étranger.
Le président Abdelaziz Bouteflika, initiateur de réformes destinées à
parer le pays de la révolution qui a balayé les régimes de Libye, de
Tunisie, d’Égypte et du Yémen notamment, avait appelé à plusieurs
reprises ses compatriotes à voter, tout comme nombre de dirigeants
politiques. Mais, inversement, le taux d’abstention aura atteint 57,1 %.
Il a surtout été marquant dans la capitale kabyle, Tizi Ouzou,
atteignant 80,16 %, à la suite du boycottage mené par l’un des partis
dominants, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). À
Alger, forte d’environ trois millions d’habitants, l’abstention a
atteint 69,1 % des électeurs.
Sans crier victoire, Daho Ould Kablia a souligné que les problèmes
"constatés ici et là ont été contenus et ne peuvent avoir en aucun cas
d’incidence sur la crédibilité des élections". Lui emboîtant le pas, le
chef de la mission des quelque 150 observateurs de l’Union européenne à
ce scrutin José Ignacio Salafranca a jugé que le vote s’était déroulé
dans des conditions "généralement satisfaisantes, sauf de petits
incidents très limités". Les autres observateurs, sur un total de 500
venus en Algérie à la demande de la présidence et issus de la Ligue
arabe, de l’OCI ou de l’Union africaine et d’ONG américaines, n’avaient
fait aucun commentaire jeudi.
La Commission nationale de surveillance des élections législatives
(CNSL) a pourtant répertorié 150 plaintes d’irrégularités du scrutin,
dont une trentaine relevant du pénal. Deux de ces dernières impliquent
directement deux ministres en exercice, candidats à la députation. Il
s’agit de Chérif Rahmani, ministre de l’Environnement du Parti national
démocratique (RND) du Premier ministre Ahmed Ouyahia et de Tayeb Louh
ministre du Travail du Front de libération nationale (FLN, parti
présidentiel). Tous deux sont accusés d’avoir visité les centres de vote
pour inciter à un vote en leur faveur.
Le président Abdelaziz Bouteflika avait pressé à plusieurs reprises,
dont mardi après-midi, la population, et en particulier les jeunes, à
voter massivement. Dans le tiers des communes - 543 sur 1 541 -, le vote
a été prolongé d’une heure à 20 heures locales (21 heures à Paris),
alors que les bureaux de vote avaient ouvert à 8 heures (locale) pour ce
scrutin à la proportionnelle à un tour destiné à élire 462 députés. À
Bab El Oued, le coeur traditionnel d’Alger, la plupart des habitants
interrogés se disaient indifférents et parlaient d’abstention. "Je ne
voterai pas, car la Constitution ne donne aucun pouvoir au Parlement",
expliquait Hamid, 50 ans, ancien militant du Front islamique du Salut
(FIS), dissous en mars 1992, après l’annulation des premières
législatives pluralistes de décembre 1991 que ce parti était en passe de
remporter. L’annulation du scrutin avait plongé le pays dans une
"guerre civile" qui a fait près de 200 000 morts.
Quarante-quatre partis - dont 21 nouveaux, sept formations islamistes et
plus d’une centaine de listes d’indépendants - étaient en lice pour ce
scrutin. En appelant mercredi les jeunes à aller voter, ce dernier, âgé
aujourd’hui de 75 ans, les avait assurés que "sa génération avait fait
son temps". L’Algérie fête cette année ses 50 ans d’indépendance, mais
ces dernières années avaient vu une multiplication des mouvements
sociaux, menant à un pic en janvier 2011 avec des émeutes sanglantes,
durant la période de la chute du régime Ben Ali en Tunisie. Confortés
par la victoire des islamistes dans les pays de la Révolution arabe,
ceux d’Algérie étaient très optimistes. "Nous sommes certains de notre
victoire que ce soit par K.-O. ou aux points", déclarait l’un d’eux,
Bouguerra Soltani, chef de file du Mouvement de la société pour la paix
(MSP).
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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