mercredi 23 mai 2012

Egypte : Les chrétiens d'Egypte votent pour barrer la route aux islamistes

Ils se disaient déjà victimes de discrimination sous le régime laïque de Hosni Moubarak. Aujourd’hui, beaucoup de chrétiens d’Egypte votent pour barrer la route aux islamistes, de peur de ne plus trouver leur place dans une société de plus en plus islamisée.

A Chobra, un quartier populaire du Caire où vivent de nombreux Coptes, les queues sont aussi longues qu’ailleurs dans la capitale. Mais chez beaucoup d’électeurs chrétiens, l’inquiétude, et même la tension, sont palpables.

"Je ne veux pas des islamistes. S’ils arrivent au pouvoir et que je m’oppose à eux, ils vont dire que je critique leur religion et qui sait ce qu’ils me feront ? On ne peut pas discuter avec eux", affirme Sanaa Rateb, 57 ans, collier de perles et veste fleurie.

Elle s’insurge également contre ceux d’entre eux, comme les Frères musulmans, qui s’opposent à ce qu’un chrétien ou une femme se présente à la présidence de la République.

"C’est une erreur. Où est le principe de citoyenneté dans tout ça ? J’ai le droit, en tant que femme ou en tant que Copte, de me présenter à la présidence si je le veux", dit-elle.

"Que Dieu nous protège si les islamistes arrivent au pouvoir et contrôlent à la fois le Parlement et la présidence", lâche Nassim Ghaly, un jeune homme qui arbore une croix tatouée sur le poignet, signe distinctif des chrétiens d’Egypte.

Comme tous les Coptes interrogés mercredi dans le quartier, Mme Rateb et Mr. Ghaly ont voté pour le dernier Premier ministre de Moubarak, Ahmad Chafiq, dont les affiches électorales sont le plus visibles à Chobra.

"Chafiq est un homme respectable, qui saura redresser le pays", dit Mary, une quinquagénaire qui ne souhaite pas donner son nom de famille. L’Eglise copte orthodoxe d’Egypte, dont le patriarche s’est éteint en mars, s’est officiellement abstenue de donner toute consigne de vote, mais Mary affirme que dans la communauté "tout le monde donne sa voix à Chafiq".

Est-ce parce qu’elle le considère comme celui qui saura mieux défendre les droits des chrétiens ? "Nous ne voulons pas qu’on nous défende. Nous ne voulons juste pas de problèmes et qu’on nous laisse tranquilles", répond-elle.

La communauté copte, qui représente de 6 à 10% des plus de 80 millions d’Egyptiens, est traditionnellement discrète et peu présente dans les cercles du pouvoir.

"Nous, ce qu’on veut, c’est un Etat non religieux" pour qu’il garantisse les droits de toutes les confessions, dit Sanaa Halim, une sexagénaire.

"Les courants islamistes sont inquiétants", ajoute l’une de ses amies qui refuse d’être identifiée. "Et puis qu’ont-ils fait au Parlement ? Rien, sauf parler de femmes et d’excision", dit-elle.

Elle explique qu’elle pensait d’abord voter pour l’ancien ministre des Affaires étrangères et ex-patron de la Ligue arabe Amr Moussa "parce que c’est un homme expérimenté", mais qu’elle a fini par jeter son dévolu sur Ahmad Chafiq "parce que tout le monde vote pour lui".

L’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, nommé Premier ministre dans les derniers jours au pouvoir de Moubarak, est abhorré par les jeunes qui ont lancé la "révolution" —musulmans comme chrétiens— qui le qualifient de "fulul", terme péjoratif utilisé par les Egyptiens pour décrire les "restes" de l’ancien régime.
"Si Chafiq est un fulul, alors nous sommes tous des fulul", lance crânement Nassim Ghaly.

Mais le sujet reste sensible. Beaucoup des personnes interrogées préfèrent rester anonymes, fait inhabituel depuis le soulèvement qui a renversé Hosni Moubarak, et la plupart chuchote pour ne pas être entendue par le reste des électeurs.

Interrogée sur sa position vis-à-vis des islamistes, une jeune chrétienne a sèchement répondu : "Désolée, je ne souhaite pas m’exprimer sur ce sujet".

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