lundi 28 mai 2012

Irak : L’Irak, en quête d’unité, songe à rétablir le service militaire

Pour apaiser les tensions confessionnelles, toujours à vif en Irak, tout en occupant des jeunes chômeurs de plus en plus nombreux, des députés proposent de ressusciter l’une des politiques les plus impopulaires de Saddam Hussein : le service militaire obligatoire.

Deux élus, membres de la commission de sécurité et de défense au Parlement irakien, soutiennent cette mesure, qui a pourtant toutes les chances de susciter la colère au Kurdistan et dans le sud chiite, régions qui ont beaucoup souffert d’exactions de la part de l’armée de conscrits de l’ex-dictateur.

"Les circonstances sont bonnes pour appliquer une loi comme celle-là et il y a de bonnes raisons de le faire", explique Ammar Tohma, un membre du parti chiite Fadhila.

"Le régime irakien actuellement repose sur la volonté de la nation. Nous n’avons plus affaire à la folie et l’aventurisme d’un dictateur", selon lui.

Le rétablissement du service militaire (introduit en 1935) réduirait le taux de chômage des jeunes hommes, qui s’établit officiellement à 12% mais est considéré comme beaucoup plus élevé, et encouragerait la notion d’identité nationale après les années de violences qui ont suivi l’invasion américaine de 2003, souligne-t-il.
La proposition n’en est encore qu’au stade des discussions à la commission, mais Ammar Tohma admet que l’idée de la conscription est toujours mal perçue par beaucoup d’Irakiens en raison "des erreurs de l’ancien régime et de la pression exercée sur les individus et les familles".

L’armée irakienne a compté jusqu’à 1 million de soldats avant la chute du régime en 2003. Les conscrits devaient accomplir un service de respectivement 3 ans, 2 ans ou 18 mois selon qu’ils avaient ou non achevé leurs études secondaires ou étaient détenteurs d’un diplôme universitaire.

Mais en réalité, beaucoup d’entre eux étaient contraints de rester bien plus longtemps sous les drapeaux et nombre d’étudiants rataient volontairement leurs examens pour repousser l’échéance.

Après l’invasion américaine, l’Autorité de coalition provisoire (CPA) a dissous l’armée et l’appareil de sécurité irakiens, ce qui aurait poussé des milliers d’hommes à rejoindre les rangs de la violente insurrection contre les forces américaines qui a suivi. Une armée de métier a depuis été reconstituée de zéro. Elle compte actuellement environ 300 000 hommes.

"Sentiment de citoyenneté"
"Le service militaire crée un sentiment de citoyenneté", estime Hamed al-Moutlak, un député sunnite et ancien chef de brigade dans l’armée.
"Lorsqu’un fils de (la province occidentale) d’Anbar fait son service à Bassora (sud) et inversement, et que la même chose se passe dans toutes les provinces d’Irak, cela suscite des sentiments de loyauté pour le pays", souligne-t-il.
"Autrefois, le service militaire était trop long et impliquait l’Irak dans des guerres. A l’époque, on n’avait pas à combattre le chômage ou les sentiments confessionnels comme maintenant", note-t-il.
Le chômage en Irak est estimé à environ 30% de la population. Le pétrole, principale richesse du pays, ne représente que 1% des emplois du pays selon les Nations unies.
La violence, si elle a nettement reculé depuis le pic atteint en 2006-2008, lorsque le pays était au bord de la guerre civile, les tensions demeurent vives, notamment en raison du conflit politique opposant depuis décembre le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki à plusieurs dirigeants sunnites.
Hamid Fadhel, professeur de Sciences politiques à l’université de Bagdad, estime qu’un retour à la conscription pourrait contribuer à assurer une représentation équitable des différentes confessions dans les forces armées, mais aussi nuire à leur qualité.
"La participation au service militaire obligatoire renforcerait le sentiment d’appartenance à l’Irak (mais) je pense que l’on devrait conserver l’idée d’une armée professionnelle", dit-il.

(27 mai 2012)

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