Pour apaiser les tensions confessionnelles, toujours à vif en Irak,
tout en occupant des jeunes chômeurs de plus en plus nombreux, des
députés proposent de ressusciter l’une des politiques les plus
impopulaires de Saddam Hussein : le service militaire obligatoire.
Deux élus, membres de la commission de sécurité et de défense au
Parlement irakien, soutiennent cette mesure, qui a pourtant toutes les
chances de susciter la colère au Kurdistan et dans le sud chiite,
régions qui ont beaucoup souffert d’exactions de la part de l’armée de
conscrits de l’ex-dictateur.
"Les circonstances sont bonnes pour appliquer une loi comme celle-là
et il y a de bonnes raisons de le faire", explique Ammar Tohma, un
membre du parti chiite Fadhila.
"Le régime irakien actuellement repose sur la volonté de la nation.
Nous n’avons plus affaire à la folie et l’aventurisme d’un dictateur",
selon lui.
Le rétablissement du service militaire (introduit en 1935) réduirait
le taux de chômage des jeunes hommes, qui s’établit officiellement à 12%
mais est considéré comme beaucoup plus élevé, et encouragerait la
notion d’identité nationale après les années de violences qui ont suivi
l’invasion américaine de 2003, souligne-t-il.
La proposition n’en est encore qu’au stade des discussions à la
commission, mais Ammar Tohma admet que l’idée de la conscription est
toujours mal perçue par beaucoup d’Irakiens en raison "des erreurs de
l’ancien régime et de la pression exercée sur les individus et les
familles".
L’armée irakienne a compté jusqu’à 1 million de soldats avant la
chute du régime en 2003. Les conscrits devaient accomplir un service de
respectivement 3 ans, 2 ans ou 18 mois selon qu’ils avaient ou non
achevé leurs études secondaires ou étaient détenteurs d’un diplôme
universitaire.
Mais en réalité, beaucoup d’entre eux étaient contraints de rester
bien plus longtemps sous les drapeaux et nombre d’étudiants rataient
volontairement leurs examens pour repousser l’échéance.
Après l’invasion américaine, l’Autorité de coalition provisoire (CPA)
a dissous l’armée et l’appareil de sécurité irakiens, ce qui aurait
poussé des milliers d’hommes à rejoindre les rangs de la violente
insurrection contre les forces américaines qui a suivi. Une armée de
métier a depuis été reconstituée de zéro. Elle compte actuellement
environ 300 000 hommes.
"Sentiment de citoyenneté"
"Le service militaire crée un sentiment de citoyenneté", estime Hamed
al-Moutlak, un député sunnite et ancien chef de brigade dans l’armée.
"Lorsqu’un fils de (la province occidentale) d’Anbar fait son service
à Bassora (sud) et inversement, et que la même chose se passe dans
toutes les provinces d’Irak, cela suscite des sentiments de loyauté pour
le pays", souligne-t-il.
"Autrefois, le service militaire était trop long et impliquait l’Irak
dans des guerres. A l’époque, on n’avait pas à combattre le chômage ou
les sentiments confessionnels comme maintenant", note-t-il.
Le chômage en Irak est estimé à environ 30% de la population. Le
pétrole, principale richesse du pays, ne représente que 1% des emplois
du pays selon les Nations unies.
La violence, si elle a nettement reculé depuis le pic atteint en
2006-2008, lorsque le pays était au bord de la guerre civile, les
tensions demeurent vives, notamment en raison du conflit politique
opposant depuis décembre le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki à
plusieurs dirigeants sunnites.
Hamid Fadhel, professeur de Sciences politiques à l’université de
Bagdad, estime qu’un retour à la conscription pourrait contribuer à
assurer une représentation équitable des différentes confessions dans
les forces armées, mais aussi nuire à leur qualité.
"La participation au service militaire obligatoire renforcerait le
sentiment d’appartenance à l’Irak (mais) je pense que l’on devrait
conserver l’idée d’une armée professionnelle", dit-il.
(27 mai 2012)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire