L’émissaire international Kofi Annan se rend "bientôt" en Syrie,
théâtre vendredi de manifestations d’une ampleur sans précédent depuis
le début de la révolte contre le régime du président Bachar el-Assad,
notamment dans la deuxième ville du pays, Alep. Les manifestations
rendaient justement hommage à cette grande ville du nord, restée à
l’écart aux premiers mois de la révolte populaire et qui était le
théâtre vendredi des "plus importantes manifestations" depuis le début
du soulèvement en mars 2011, selon des militants. "Des milliers de
personnes manifestent dans plusieurs quartiers malgré la répression",
selon le président de l’Observatoire syrien des droits de l’homme
(OSDH), Rami Abdel Rahman. "Alep connaît un véritable soulèvement",
commente de son côté Mohammad al-Halabi, militant sur place.
Malgré la poursuite des violences et du quadrillage des villes, des
"dizaines de milliers" de personnes sont descendues dans tout le pays
selon l’OSDH, soit les rassemblements les plus grands depuis l’annonce
d’un cessez-le-feu le 12 avril systématiquement violé depuis. "Nous
voulons la liberté que tu le veuilles ou pas, Bashar, ennemi de
l’humanité", ont scandé des manifestants à Deir Ezzor (est). Les troupes
gouvernementales ont une nouvelle fois tiré sur les manifestants à Alep
et dans la province de Damas, faisant plusieurs blessés, et continué de
bombarder violemment les poches rebelles comme la ville de Rastan et
des quartiers de la ville de Homs dans le centre du pays, selon l’OSDH,
qui dénonce "le silence des observateurs" de l’ONU, déployés pour
surveiller la trêve.
Ces violences seront sans doute au centre de la visite de l’émissaire
Kofi Annan à Damas, dont la date n’a pas été déterminée. "On peut
s’attendre à une visite bientôt", selon son porte-parole. Les militants,
qui tentent désespérément de prendre à témoin les plus de 250
observateurs sur le terrain, avaient appelé à manifester comme chaque
vendredi pour réclamer la chute du régime et rendre hommage aux "héros
de l’université d’Alep", en référence aux étudiants de la ville
mobilisés par milliers la veille en présence de casques bleus. "Partons,
partons, ils vont nous arrêter, nous sommes sous ta protection", crient
des jeunes à l’adresse d’un observateur après l’avoir pris à témoin de
forces de sécurité frappant brutalement des étudiants, selon une vidéo.
Le 3 mai, quatre étudiants avaient été tués par les forces
gouvernementales à l’Université d’Alep, centre nerveux de la
mobilisation, laissant les observateurs prédire une mobilisation plus
importante dans cette ville. Par ailleurs, la Ligue syrienne de défense
des droits de l’homme a fait état vendredi de la condamnation à mort
pour "haute trahison" d’un militant syrien, Mohammed Abdelmawla
al-Hariri, "sauvagement torturé" depuis son arrestation en avril. Malgré
ces violations systématiques du cessez-le-feu, les grandes puissances
s’accrochent au plan Annan, faute de plan B, selon des diplomates. La
Mission de supervision de l’ONU (MISNUS) sera bientôt à effectif plein
(300 observateurs militaires) mais les Occidentaux parlent déjà de ne
pas renouveler son mandat de 90 jours, qui expire le 21 juillet. Cette
mission est d’autant plus délicate que des attentats meurtriers à Damas
et Alep revendiqués par des groupuscules obscurs s’ajoutent aux
violences quotidiennes. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a
imputé jeudi au réseau extrémiste al-Qaida la responsabilité de récents
attentats comme ceux qui ont fait 55 morts dans la capitale le 10 mai.
Avec un régime fort du soutien de la Russie et qui s’accroche plus
que jamais au pouvoir, le règlement de la crise semble de plus en plus
éloigné avec les divisions apparues récemment au sein de l’opposition,
déjà fragmentée. Le président Assad, qui se prévaut de ces divisions
pour minimiser l’ampleur de la contestation, avait affirmé cette semaine
à une chaîne de télévision russe que les législatives du 7 mai,
boycottées par l’opposition, avaient montré que les Syriens soutenaient
son régime face aux "terroristes". Dans cette même interview, Assad
avait appelé son nouvel homologue français François Hollande à "penser
aux intérêts de la France" et à changer de politique à l’égard de Damas,
des propos balayés vendredi par Paris. "Ce n’est pas avec de telles
déclarations que Bashar el-Assad fera oublier que ses forces de sécurité
continuent de massacrer son peuple", selon le ministère français des
Affaires étrangères. "Les violences ont-elles cessé ? Les prisonniers
ont-ils été libérés ? L’armée a-t-elle regagné ses casernes ?". En 14
mois, plus de 12 000 personnes ont été tuées en Syrie, en majorité des
civils, selon l’OSDH. Des dizaines de milliers de Syriens se sont en
outre réfugiés dans les pays voisins.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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