Quand les partisans d’Al-Qaïda ont déferlé il y a un an sur la province
d’Abyan dans le sud du Yémen, ils ont jeté sur les routes des milliers
de civils cherchant à se mettre à l’abri des violences.
Ils sont aujourd’hui quelque 160 000 à vivre dans des conditions
difficiles, selon des statistiques des Nations unies et ont peu d’espoir
de regagner vite leurs demeures avec la nouvelle offensive de l’armée
contre Al-Qaïda.
Les organisations internationales, sans fonds et sans personnels
suffisants, ont du mal à répondre aux besoins des déplacés partis sans
rien emporter.
"Nous n’avons plus rien", se lamente Arwa, mère de deux enfants qui a fui sa ville de Jaar lorsqu’elle a été prise par Al-Qaïda.
Elle vit actuellement dans le laboratoire de sciences de l’école
publique Al-Masmoum dans la ville portuaire d’Aden et partage les lieux
avec son mari, leurs deux enfants et une autre famille de trois
personnes.
Les sept personnes ne disposent que de cinq matelas posés à même le sol
et se relayent pour dormir. Ils se lavent et font la vaisselle dans les
éviers du laboratoire et se plaignent de l’insuffisance des rations
alimentaires de l’ONU.
Lorsque ses enfants sont tombés malades, Arwa a dû vendre le savon
fourni par un organisme d’aide pour leur acheter des médicaments. "Ce
n’est pas une vie", dit-elle, même si sa situation semble plus
supportable que celle d’autres.
Dans les 78 écoles d’Aden abritant des déplacés, quatre familles en
moyenne s’entassent dans une même salle de classe. Certains arrivés
récemment se sont installés dans les couloirs ou sur les cours de
récréation.
"Ils vivent dans des conditions très difficiles et c’est le cas dans
toutes les écoles", déclare Sara Suleiman de l’organisation d’aide
OXFAM.
Au niveau national, plus de 535.000 Yéménites ont été déplacés par les
conflits passés et en cours dans le pays. Seul un nombre limité a pu
rentrer chez lui et la majorité compte sur l’aide internationale,
lorsqu’elle est disponible, pour survivre.
"La situation est vraiment sombre", déplore Alison Parker, de fonds des
Nations unies pour l’enfance, UNICEF, qui évoque d’énormes insuffisances
de l’assistance internationale.
A Aden, où vivent la plupart des 35.000 familles déplacées d’Abyan, le
plus difficile est de fournir un abri, explique Tareq Talahma du service
de coordination des affaires humanitaires de l’Onu (OCHA).
Environ 20.000 déplacés vivent dans les écoles publiques d’Aden,
empêchant des milliers d’enfants locaux d’assister régulièrement aux
cours.
A Al-Masmum, un bâtiment a été réservé aux écoliers tandis que les deux
autres sont utilisés comme logements pour les personnes déplacées.
Les salles de classe sont bondées tandis que les bâtiments des écoles se sont dégradés.
Selon l’UNICEF, la présence de déplacés dans les écoles d’Aden perturbe
l’apprentissage de plus de 100.000 écoliers dont beaucoup ont déjà perdu
tout ou partie de l’année scolaire. Les enfants des déplacés ne
reçoivent quant à eux aucune éducation, selon le représentant d’OXFAM.
L’installation des déplacés à Aden fait l’objet d’un bras de fer entre
le gouverneur qui veut les regrouper dans des camps gérés par les
Nations unies et l’organisation internationale qui est réticente à le
faire.
"Ce n’est pas une option car de tels camps ne seront pas sécurisés et
cela ne fera qu’ajouter aux tensions existantes", plaide Tareq Talahma.
"Tout ce qu’on demande c’est un peu de sécurité et le monde entier est
incapable de nous l’assurer", déplore Nimah Mansur, qui a fui sa
province d’Abyan et qui n’a même pas de salle de classe pour s’abriter
avec sa famille.
Elle vit sous une tente dans la cour de l’école avec deux autres familles.
Dans la chaleur étouffante de l’été, ces déplacés préfèrent passer le
plus clair de leur temps à l’extérieur. "On peut à peine respirer sous
la tente", dit Mme Mansur en demandant quand est-ce qu’elle pourra
"rentrer à la maison".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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