Le dépouillement des bulletins de vote était en cours dans la nuit de
jeudi à vendredi en Égypte à l’issue du premier tour d’une élection
présidentielle très disputée par douze candidats briguant la succession
de Hosni Moubarak, renversé par une révolte populaire. Quelques heures
après la clôture des bureaux de vote, les Frères musulmans, première
force politique du pays, ont affirmé que leur candidat Mohammed Morsi
était en tête selon les premiers résultats partiels obtenus des bureaux
de vote. La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a de son côté
félicité l’Égypte pour l’élection présidentielle qu’elle a qualifiée
d’"historique", ajoutant que Washington était prêt à collaborer avec le
gouvernement installé au Caire.
"Nous nous attendons à collaborer avec le gouvernement égyptien
démocratiquement élu", a déclaré Mme Clinton dans un communiqué publié
par sa porte-parole. Les résultats doivent être annoncés le 27 mai. Si
aucun candidat ne remporte la majorité absolue, un second tour est prévu
les 16 et 17 juin. Les bureaux de vote ont fermé à 21 heures locales au
lieu de 20 heures comme prévu initialement afin d’accueillir le plus
grand nombre possible d’électeurs. Le dépouillement a commencé aussitôt
après, en présence de représentants des candidats et sous l’oeil
vigilant et parfois fasciné de policiers.
Dans un bureau de vote du quartier populaire de Sayyeda Zeinab, au
Caire, le dernier chef de gouvernement de Hosni Moubarak, Ahmad Chafiq,
était nettement en tête, suivi de près par le nationaliste arabe Hamdeen
Sabbahi.
Venaient ensuite l’islamiste modéré Abdel Moneim Abul
Fotuh, l’ex-patron de la Ligue arabe Amr Moussa et Mohammed Morsi. Au
niveau national, il est presque impossible de prédire une tendance. Les
Frères musulmans ont indiqué lors d’une conférence de presse que leur
candidat menait dans 236 des 13 000 bureaux de vote.
"J’ai confiance dans le fait que, comme le montrent les (premières)
indications, notre candidat est en tête", a déclaré Essam al-Erian,
vice-président du Parti de la justice et de la liberté, issu de la
confrérie islamiste.
L’issue du vote est cruciale pour l’orientation
que prendra le pays le plus peuplé du monde arabe, avec quelque 82
millions d’habitants, partagé entre la tentation islamiste et celle
d’une normalisation incarnée paradoxalement par des personnalités de
l’ère Moubarak. Trois heures avant la fermeture des bureaux de vote, le
président de la Commission électorale Farouk Soltan a estimé le taux de
participation à 50 %. Cité par l’agence officielle Mena, il a également
déclaré que le deuxième jour de vote s’était en général déroulé de
manière "calme et organisée".
"Nous allons voter sans savoir qui va gagner", s’est réjouie Noha Hamdi,
27 ans, rencontrée dans un bureau de vote d’Héliopolis, dans la
banlieue du Caire. "Je n’avais jamais voté avant, parce que le gagnant
était toujours connu d’avance. Cette fois, je sens que mon vote [...]
fera une différence."
Les autorités avaient donné une journée de
congé aux fonctionnaires pour qu’ils puissent voter et le gouvernement
avait demandé aux citoyens de remplir "leur devoir national en cette
étape historique [...] afin que la voix du peuple soit entendue". Plus
de 50 millions d’électeurs étaient appelés à choisir entre 12
candidats : islamistes, laïques, de gauche ou libéraux, partisans de la
"révolution" ou anciens responsables du régime Moubarak. Après des
décennies de scrutins joués d’avance, c’est la première fois que les
Égyptiens choisissent librement leur chef d’État.
La presse égyptienne a salué le scrutin comme "libre et historique", se
réjouissant que la première journée se soit déroulée dans le calme et la
"joie", malgré les incertitudes pesant sur le pays. Pendant la période
de transition, émaillée de violences et de protestations, l’armée au
pouvoir depuis la chute de Hosni Moubarak est devenue la cible de la
colère des militants pro-démocratie qui l’accusent d’avoir continué la
politique de répression de l’ancien régime. Le Conseil militaire s’est
engagé à remettre le pouvoir à un nouveau président avant la fin juin.
De nombreux analystes estiment toutefois que l’armée, épine dorsale du
système depuis la chute de la monarchie en 1952 et qui détient un
patrimoine économique considérable, restera un acteur important de la
vie politique.
Les pouvoirs du futur président restent imprécis, la Constitution en
vigueur sous M. Moubarak ayant été suspendue et la rédaction de la
future loi fondamentale étant au point mort. Et le chef de l’État devra
faire face à une situation économique préoccupante, combinant les
inégalités sociales extrêmes héritées de l’ancien régime et le fort
ralentissement de l’activité, notamment dans le secteur touristique,
depuis la révolte de janvier/février 2011 qui a renversé Moubarak.
Pendant que les Égyptiens votent, Moubarak, qui a gouverné pendant
presque 30 ans, est hospitalisé près du Caire. Jugé pour la mort de
manifestants durant la révolte et accusé de corruption, l’ancien raïs,
âgé de 84 ans, sera fixé sur son sort le 2 juin. Le parquet a requis la
peine de mort.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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