jeudi 10 mai 2012

Algérie : L'abstention, vainqueur des législatives ?

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Dessin de Dilem paru dans Liberté, Alger.

Vote ou abstention ? Pour beaucoup d’observateurs, la question est déjà tranchée : le camp des abstentionnistes l’emportera sans aucun doute. Le chef de l’Etat, les membres du gouvernement et les partis du pouvoir, quant à eux, ont tout fait pour que la participation atteigne un taux acceptable. Ils veulent encore y croire, d’autant que le président de la République a multiplié les appels, comme jamais président de la République ne l’avait fait auparavant, pour convaincre les Algériens de se rendre aux urnes.

Mais ce taux acceptable, Abdelaziz Belkhadem, le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), le situe à 45 %. Pas plus. Il serait donc satisfait d’une élection boycottée par 55 % de l’électorat ! Pour un scrutin déclaré d’égale importance que le 1er novembre 1954 [des dizaines d'attentats revendiqués par les indépendantistes eurent lieu ce jour-là dans tout le pays – c'est la Toussaint rouge, qui marque le début de la guerre d'Algérie], ou que, le 5 juillet 1962 [proclamation de l'indépendance de l'Algérie], par Bouteflika et le Premier ministre Ahmed Ouyahia, le chef du FLN aurait dû placer la barre un peu plus haut, ne serait-ce que par égard au 1er novembre et au 5 juillet. S’il n’a pu le faire, c’est que les prévisions ne sont pas optimistes et que, même dans le camp des défenseurs de ce scrutin, l’espoir de voir les bureaux de vote pris d’assaut aujourd’hui est faible, trop faible. Et cela rend la question d’autant plus cruciale pour le pouvoir.

Un fort taux de participation donnerait quitus à la conduite d’un processus politique ultérieur. Peu importe, ici, qu’un tel processus ait pour objectif de répondre à la demande populaire de changement ou de contourner cette demande, le temps que s’estompe l’onde du "printemps arabe" qu'Ahmed Ouyahia a qualifié de "déluge", trahissant un affolement avéré et, du reste, compréhensible.

 A l’inverse, un taux d’abstention et de boycott élevé disqualifierait le pouvoir dans son ensemble, son bilan, les "réformes" engagées par le chef de l’Etat et, par anticipation, toutes les actions et opérations projetées, à commencer par cette révision constitutionnelle qui impliquerait alors une Assemblée nationale non représentative.

L’enjeu est de taille. Le pouvoir joue son va-tout. Cela ne va pas, par ailleurs, sans accroître les appréhensions exprimées ici et là quant à un recours possible aux malversations classiques, notamment le bourrage des urnes dont l’abstention pourrait être, dans une certaine mesure, un facilitateur.

(10 mai 2012,Saïd Chekri pour Liberté,Alger)

Ndlr : Près de 22 millions d'électeurs algériens se rendent aux urnes ce jeudi 10 mai pour élire 462 députés, contre 389 que compte l'actuelle Assemblée nationale. Tout au long de l'année écoulée, le pouvoir algérien a réussi à calmer les tensions sociales notamment en distribuant des subventions et en augmentant les salaires. Ces législatives ont valeur de test pour montrer l'adhésion des Algériens au processus politique. Pour garantir la transparence du scrutin et gagner la confiance des électeurs, le pouvoir a accepté la présence de 500 observateurs internationaux.

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