Vingt personnes ont été tuées mercredi au Caire lors d’affrontements
entre des manifestants hostiles au pouvoir militaire et des assaillants,
faisant brusquement monter la tension politique et amenant plusieurs
candidats à la présidentielle à suspendre leur campagne.
Dans un signe d’apaisement, l’armée, qui tient les rênes du pays depuis
la chute de Hosni Moubarak l’an dernier, s’est dite prête à quitter le
pouvoir dès le 24 mai en cas de victoire d’un des candidats dès le
premier tour, sans attendre la fin juin comme initialement évoqué.
Mercredi à l’aube, des assaillants non-identifiés, présentés comme des
hommes de main en civil accusés d’agir sur commande, ont attaqué les
protestataires qui étaient rassemblés depuis plusieurs jours pour
réclamer le départ de l’armée du pouvoir, selon des sources de sécurité
et des témoins.
Les deux camps ont échangé pendant des heures des jets de pierres et des
cocktails molotov, tandis que des personnes, le corps en sang, étaient
battues à coups de barres de fer dans des scènes de lynchage en pleine
rue. Des coups de feu ont également été entendus.
En milieu de journée, l’armée et la police anti-émeutes ont installé un
cordon de sécurité pour séparer les deux camps dans ce secteur du
quartier d’Abbassiya, à proximité du ministère de la Défense.
Le calme est progressivement revenu dans l’après-midi, mais plusieurs
partis et mouvements ont appelé à manifester au Caire en fin
d’après-midi pour protester contre ces violences qui ont fait vingt
morts et des dizaines de blessés, selon les médecins de l’hôpital de
campagne installé non loin de là.
Le ministère de la Santé fait état d’un bilan provisoire de neuf morts.
Parmi les manifestants figurent des partisans du leader salafiste Hazem
Abu Ismaïl qui campaient depuis samedi après l’exclusion de leur
candidat de la course à la présidentielle, dont le premier tour est
prévu les 23 et 24 mai et le second les 16 et 17 juin.
Hazem Abu Ismaïl est l’un des dix candidats sur 23 à avoir été éliminés
en raison d’irrégularités. Selon les autorités, sa mère a obtenu la
nationalité américaine, ce qui contrevient à la loi électorale.
La plupart de ses partisans crient "au complot" et refusent son
exclusion. Dimanche, une personne avait été tuée et 119 blessées dans
des affrontements avec ses partisans dans le quartier d’Abbassiya.
Le chef d’état-major de l’armée et membre du conseil militaire au
pouvoir, Sami Anan, a affirmé que les militaires étudiaient "une remise
du pouvoir le 24 mai en cas de victoire d’un président au premier tour
de l’élection".
L’armée s’en tenait jusqu’à présent à une promesse de remettre le
pouvoir aux civils avant la fin juin, une fois le nouveau président élu.
Les affrontements de mercredi ont amené quatre candidats à suspendre
leur campagne : Mohamed Morsi pour les Frères musulmans, l’islamiste
modéré Abdel Moneim Abul Futuh, et les candidats de gauche Khaled Ali
et Hamdeen Sabbahi.
L’un des favoris à la présidentielle, l’ancien chef de la Ligue arabe
Amr Moussa, a estimé que les violences de mercredi étaient "la preuve de
la nécessité de mettre fin à la période de transition conformément au
calendrier fixé, sans délai".
Le Parti de la justice et de la liberté (PLJ), issu des Frères
musulmans, a annoncé qu’il boycottait une réunion prévue mercredi entre
le maréchal Hussein Tantawi, chef d’Etat de fait de l’Egypte, et les
partis politiques, en raison "des évènements sanglants" d’Abbassiya.
Le PLJ a aussi dénoncé des "tentatives d’entraver la remise du pouvoir conformément au calendrier fixé".
L’opposant Mohamed ElBaradei, qui n’est pas candidat, a dénoncé sur son
compte Twitter un "massacre". "Le Conseil suprême des forces armées et
le gouvernement sont incapables de protéger les civils ou sont de mèche
avec les voyous. L’Egypte va à vau-l’eau", a-t-il ajouté.
La campagne, qui s’est officiellement ouverte lundi, se déroule dans un
climat d’ouverture inédit pour une présidentielle en Egypte, après des
décennies d’élections-plébiscites largement boudées par les électeurs
faute d’enjeu réel.
Le blocage du processus de rédaction d’une nouvelle Constitution et le
bras-de-fer entre les Frères musulmans, qui dominent le Parlement, et
l’armée sur un remaniement du gouvernement nommé par les militaires
maintiennent toutefois un climat politique difficile.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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