Au moins deux personnes ont été tuées et près de trois cents blessées
vendredi au Caire dans des heurts entre manifestants hostiles au
pouvoir militaire et soldats, près du ministère de la Défense, faisant
encore monter la tension à l’approche de la présidentielle prévue à la
fin du mois. Le pouvoir militaire a annoncé un couvre-feu pour la nuit,
et le parquet militaire l’arrestation de 170 personnes. Les manifestants
ont échangé des jets de pierres avec les forces anti-émeutes de
l’armée, qui ont aussi utilisé un canon à eau, des gaz lacrymogènes et
chargé la foule à plusieurs reprises. Un journaliste de l’AFP a vu
plusieurs manifestants blessés évacués sur des motos ou à bord
d’ambulances, et la télévision égyptienne a également montré des
militaires blessés portés par d’autres soldats.
Les affrontements se sont transformés en courses-poursuites dans de
nombreuses rues du quartier d’Abbassiya, à proximité du ministère, où
des tirs nourris ont été entendus. Les services de sécurité ont assuré
qu’il s’agissait de tirs de semonce pour tenter de disperser la foule.
Des responsables de l’hôpital universitaire Al-Zahra ont déclaré avoir
reçu les corps de deux personnes. Des médecins sur place ont dit que ces
deux personnes avaient été tuées par des tirs. Selon le ministère de la
Santé, les affrontements ont fait un mort, un militaire. Dans un
communiqué publié par l’agence officielle MENA, le ministère a également
fait état de 296 blessés, dont 131 ont dû être conduits à l’hôpital. Le
responsable d’un grand hôpital du quartier a fait état plus tôt de 130
blessés.
Un couvre-feu sera imposé à partir de 23 heures locales vendredi jusqu’à
samedi matin dans le secteur du ministère, a déclaré le général
Mukhtar al-Mulla, membre du Conseil suprême des forces armées (CSFA),
dans une allocution télévisée. Les forces de l’ordre "s’opposeront de
manière décisive" à toute tentative de violer ce couvre-feu, a-t-il
ajouté. Le parquet militaire a annoncé de son côté que 170 personnes
avaient été arrêtées pendant les affrontements. Selon la chaîne
satellitaire Al Jazeera Misr, des soldats ont arrêté une équipe de la
chaîne 25 janvier, affiliée aux Frères musulmans. Environ 2 000
manifestants se sont aussi réunis à Alexandrie (nord), deuxième ville du
pays et fief islamiste, selon un photographe de l’AFP.
Ces rassemblements étaient soutenus par plusieurs mouvements
pro-démocratie ainsi que par des organisations islamistes comme les
Frères musulmans, première force politique du pays. Ces derniers jours,
la contestation a été largement alimentée par des partisans de Hazem
Abu Ismaïl, un responsable salafiste dont la candidature a été
invalidée pour la présidentielle. Mais de nombreux manifestants
exprimaient vendredi la crainte plus large de voir l’armée chercher à
manipuler l’élection présidentielle historique dont le premier tour est
prévu les 23 et 24 mai. Mercredi, des affrontements entre des
manifestants réunis près du ministère de la Défense et des assaillants
en civil avaient fait neuf morts selon les autorités, vingt selon des
sources médicales.
L’Égypte a connu de nombreuses manifestations, parfois meurtrières,
contre le pouvoir militaire depuis la chute de M. Moubarak en février
2011 et la prise de contrôle du pays par le CSFA. Le CSFA a promis jeudi
que cette présidentielle, la première depuis le départ de Moubarak,
serait "100 % transparente". Il a aussi rappelé son engagement de
revenir à un pouvoir civil avant la fin juin, dès que le nouveau chef de
l’État aurait été élu. Deux des principaux candidats sont des anciens
de l’ère Moubarak : l’ex-ministre des Affaires étrangères et ancien chef
de la Ligue arabe Amr Moussa, et le dernier Premier ministre du régime
déchu, Ahmad Chafik. Le camp islamiste est principalement représenté par
un candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, et un dissident de la
confrérie, Abdel Moneim Abul Futuh, soutenu par un large éventail
politique allant des salafistes à de jeunes militants pro-démocratie.
***
179 personnes en détention après les violences du Caire
Le parquet militaire égyptien a placé 179 personnes en détention
préventive pour 15 jours à la suite des affrontements meurtriers entre
manifestants et soldats vendredi près du ministère de la Défense au
Caire, a-t-on appris samedi de source militaire. Après l’arrestation de
320 personnes, le parquet de la justice militaire "a décidé de maintenir
179 personnes, dont 13 femmes, en détention pour 15 jours en attendant
les résultats de l’enquête", a indiqué cette source. Après cinq heures
d’interrogatoires dans la nuit, les détenus ont été accusés d’agressions
contre des soldats et officiers de l’armée, de rassemblement dans une
zone militaire et d’entrave au travail des forces armées, selon la même
source. Ils ont tous rejeté les accusations.
Le calme est revenu samedi dans le secteur du ministère de la Défense au
Caire, où un couvre-feu nocturne a été imposé après des affrontements
entre manifestants et militaires qui ont fait deux morts, dont un
soldat, et près de 300 blessés. Le chef du pouvoir militaire, le
maréchal Hussein TantaWi, a assisté aux obsèques du soldat, donnant une
solennité particulière à la cérémonie. A la tête du Conseil suprême des
forces armées qui dirige le pays depuis la chute de Hosni Moubarak, le
maréchal TantaWi est le chef d’État de fait du pays. Les manifestants
protestaient contre le pouvoir militaire en place qu’ils accusent de
chercher à influencer l’élection présidentielle dont le premier tour est
prévu les 23 et 24 mai.
(05 mai 2012)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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