L’arrestation de Hana’ Shalabi par l’armée sioniste il y a deux semaines pose de manière urgente le problème de la protection des prisonniers libérés au cours de l’opération d’échange d’octobre dernier, qui avait réussi à libérer 1054 prisonniers et prisonnières contre le soldat sioniste Shalit capturé sur son char dans la bande de Gaza.
Hana’ Shalabi faisait partie des prisonnières libérées. Elle avait été arrêtée avant d’être placée sous détention administrative. Elle est libérée deux mois et demi plus tard, dans le cadre de cette opération d’échange. Il y a plus de quinze jours, elle est à nouveau arrêtée et menacée d’être placée en détention administrative, une nouvelle fois. Depuis, elle mène une grève de la faim, refusant le principe de cette forme de détention arbitraire et des traitements humiliants que subissent les prisonniers et prisonnières, notamment lors de leur arrestation et interrogatoire. Elle poursuit la lutte menée par le dirigeant Khodr Adnane qui, après 66 jours de grève de la faim, a réussi à arracher la promesse de sa libération le 17 avril prochain.
Mais Hana’ Shalabi n’est pas la seule prisonnière à être de nouveau jetée en prison, après sa libération. Trois autres prisonniers libérés au cours de l’opération d’échange ont été arrêtés dans la région d’al-Khalil, au cours des mois précédents. Il s’agit de Ayman Isma’il Sherwane, arrêté au mois de janvier, et placé en détention administrative pour 6 mois, de Ayman Abou Daoud, arrêté en février, alors qu’il s’était déplacé au siège du gouverneur militaire sioniste pour signaler sa présence, selon l’obligation faite par l’occupation à tous les prisonniers libérés vivant en Cisjordanie, al-Qods y compris. Et récemment, Azzam Ahmad Abou Arqoub est arrêté et placé en détention administrative pour la sixième fois.
D’autres prisonniers libérés ont été menacés et convoqués aux postes militaires. L’un d’eux, dans la province de Nablus, Nassim Hilmi Karkari, 40 ans, a récemment fait l’objet d’une incursion dans sa maison, par une patrouille de l’occupation, pour lui remettre un ordre de convocation. Plusieurs prisonniers ont été interdits de voyager pour se faire soigner, alors que leurs maladies sont dues aux mauvaises conditions de détention.
Membre du bureau politique du Hamas et ancien prisonnier responsable du dossier des prisonniers, M. Saleh Aruri a récemment mis en garde contre la vague d’arrestation qui touche les prisonniers libérés. Il a déclaré dans une interview avoir rencontré les responsables égyptiens pour en discuter, étant donné que l’Egypte a supervisé l’accord d’échange. Pour lui, trois questions urgentes demeurent et doivent faire l’objet de l’intervention égyptienne : l’arrestation des libérés, la libération des prisonnières et la fin de la mise en isolement des dirigeants de la résistance. Quant à Ahlam Tamimi, prisonnière libérée qui avait été condamnée à 16 perpétuités, et membre du Hamas, elle a récemment évoqué un plan sioniste visant à assassiner les prisonniers libérés déportés hors de Palestine, en Turquie notamment.
De son coté, Riad Achkar, chercheur dans la question des prisonniers, a indiqué que l’occupation procède par petits pas, kidnappant les prisonniers libérés les uns à la suite des autres, afin de ne pas soulever des vagues de protestation populaire ou d’attirer l’attention des médiateurs arabes, notamment l’Egypte. Il a également lancé un appel aux responsables égyptiens, leur réclamant de faire appliquer les termes de l’accord avec les forces de l’occupation.
L’Egypte et l’Autorité palestinienne
Il est vrai que l’Egypte post-révolutionnaire a joué un rôle important dans l’accord d’échange des prisonniers, mettant fin aux pressions exercées sur la résistance palestinienne, représentée par le Hamas, pour permettre la libération de plusieurs centaines de prisonniers, condamnés à perpétuité. L’ancien régime égyptien avait refusé d’aller dans ce sens. Mais des questions se posent cependant sur la volonté du nouveau régime de faire respecter cet accord, qui a été violé par les sionistes dès le premier jour : toutes les prisonnières ne furent pas libérées, notamment celles qui sont originaires des territoires palestiniens occupés en 48, Wouroud Kassem et Lina Jarbouni, la première étant accusée de faire partie du FPLP et la seconde du mouvement du Jihad islamique. A présent, c’est la vague des arrestations des prisonniers et prisonnières libérés dans cet échange. Que fait le régime égyptien ? Superviseur de l’accord, c’est lui qui devrait exercer des pressions, et il en a les moyens, pour faire respecter par les sionistes les termes de l’accord.
Certains ont vite accusé la résistance islamique du Hamas de n’avoir pas négocié, par l’Egypte interposée, un véritable échange, qui protègerait les résistants libérés, comme lors des précédents échanges. Mais ils oublient de prendre en considération la présence de l’Autorité palestinienne à Ramallah qui joue un rôle non négligeable, du moins par son attitude passive, dans cette question.
Il est vrai que le président de l’Autorité palestinienne, M. Abbas, avait reçu les prisonniers libérés dans une ambiance de joie et d’allégresse, que les sionistes n’avaient pas réussi à gâcher, malgré tous leurs efforts. Mais au-delà de cette reception et au-delà de l’aide matérielle accordée aux libérés, l’Autorité palestinienne de Ramallah n’a pas cherché à assurer la protection des prisonniers libérés. Elle n’a pas tiré la sonnette d’alarme en ce qui les concerne devant les organisations internationales, devant la « communauté internationale » et tous les visiteurs étrangers qui se rendent à Ramallah, alors qu’elle s’appuie sur ses relations internationales pour faire valoir sa légitimité. Le ministère chargé des prisonniers et libérés, du gouvernement de Ramallah, reste actif et mobilise de son mieux, mais il assiste impuissant aux enlèvements répétés et au durcissement des conditions de détention. Si le dossier des prisonniers libérés et même de tous les prisonniers n’est pas pris en compte par les responsables de l’Autorité palestinienne, si celle-ci ne mobilise pas ses ambassades et ses relations internationales, si elle ne soulève pas la question devant les visiteurs étrangers, l’Etat de l’occupation risque là aussi de poursuivre sa politique criminelle.
Quant au peuple palestinien, dans les territoires occupés en 67 ou en 48, et dans l’exil, il est mobilisé autour de la question des prisonniers. Il poursuit les manifestations, réclamant à présent la libération de Hana’ Shalabi, après s’être mobilisé pour le prisonnier Khodr Adnan (tous les deux appartiennent au mouvement du Jihad islamique). Les prisonniers également se mettent en grève en soutien à Hana’ Shalabi et protestent contre leurs conditions de détention. Certains analystes annoncent une révolte dans les prisons, d’autres considèrent que la situation explosive dans la ville d’al-Qods risque d’allumer une nouvelle « intifada ». Quant aux prisonniers détenus administratifs, qui sont au nombre de 320 environ, ils préparent la grève des tribunaux, comme première mesure pour une campagne de longue haleine contre la détention administrative, la détention la plus arbitraire qui soit, dans un pays sous occupation.
(03 mars 2012 - Fadwa Nassar)
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