Dans une interview accordée à deux quotidiens, al-Qods (Palestine) et al-Ra’y (Koweit), Ramadan Shallah, secrétaire général du mouvement du Jihad islamique en Palestine a décrit la frénésie sioniste de judaïsation de la ville sainte comme un « massacre de l’histoire et de la géographie ».
Ci-joint le texte intégral de l’interview parue le dimanche 4 mars.
Comment évaluez-vous la rencontre de la structure dirigeanet provisoire de l’OLP au Caire ? Qu’y avez-vous proposé ?
Lors de la première réunion, la présence du Hamas et du Jihad et leur participation à cette structure fut la réalisation la plus notable, mais cela ne suffit pas et nous sommes toujours à la recherche de réponses aux nombreuses questions, concernant l’OLP ou la situation palestinienne plus globalement. L’acquis est encore modeste à mon avis et ne répond pas à l’ampleur des défis et des attentes.
La division interpalestinienne est toujours là ?!
La véritable cause de la division entre le Fatah et le Hamas revient à une différence de programmes, d’intérêts et de calculs entre les parties. Nous avons essayé, nous et d’autres, de rapprocher les points de vue, mais la question est complexe. Parfois, les divergences entre deux organisations deviennent des divergences à l’intérieur d’une même organisation, sur différentes questions.
Les accusations réciproques entre le Fatah et le Hamas à propos du report de la formation du gouvernement ne résoud pas le problème, car toute partie avance ses arguments pour défendre ses positions, mais en fin de compte, notre peuple palestinien est le perdant quand la réconciliation est annulée et quand nous n’affrontons pas les défis de l’occupation, notamment dans al-Qods occupée.
Est-ce que vous soutenez un gouvernement palestinien sous la direction de Abu Mazen ?
Concernant la direction du gouvernement, nous ne participons pas au pouvoir ou au gouvernement, c’est pour cela que nous n’avons aucune réserve sur tout accord entre le Hamas et le Fatah, ou toute mesure concernant le gouvernement, tant qu’il n’y a pas remise en cause des constantes palestiniennes.
Quelles sont vos réserves sur le gouvernement de Salam Fayyad et de son rôle ? Quel est le nombre des détenus du Jihad islamique dans les prisons de l’Autorité, et qu’avez-vous proposé au comité des libertés ? Avez-vous senti un progrès dans ce comité ?
Notre position envers les institutions de l’Autorité n’est pas une position envers des individus, mais plutôt une position envers le projet de l’Autorité et des mécanismes de son action sous occupation. N’est-il pas honteux que la liberté soit revendiquée par le Palestinien vis-à-vis de son frère palestinien alors que nous sommes tous sous occupation ?
Quant au nombre des détenus, il change en fonction de la demande et de l’incitation israéliennes. Il y a actuellement sept détenus. La pratique de l’Autorité est curieusement paradoxale, alors que les négociations avec « Israël » sont stoppées, la coordination sécuritaire se poursuit sans relâche.
C’est pourquoi nous tenons, dans le comité des libertés, à remettre en cause la base à partir de laquelle se font les arrestations. Si les causes sont sécuritaires, cela veut dire que ce sont des causes avancées par « Israël » qui réclame de poursuivre la confiscation des libertés d’un nombre de plus en plus élevé de Palestiniens, sans compter nos prisonniers détenus par l’occupation. Mais s’il s’agit de causes politiques concernant les appartenances ou les activités organisationnelles de telle ou telle organisation, ces pratiques auront un effet amer et annulent la réconciliation. Malheureusement, il n’y a jusqu’à présent aucune avancée réelle dans le travail du comité des libertés.
Comment voyez-vous le développement de l’OLP et comment considérez-vous le travail dans le comité de l’OLP ? Quel est le but de votre participation à l’OLP après cette longue période et au moment où elle est marginalisée ?
Le point le plus important sur lequel nous avons insisté dans la structure dirigeante de l’OLP est de définir le but du processus de reconstruction de l’OLP, car le but de toute organisation influe sur sa structure. Quelle OLP voulons-nous ? Est-ce l’OLP exprime le mouvement de libération nationale, ou l’Autorité, ou l’Etat, ou quoi ? Sans une réponse claire et précise à cette question, nous aurons un grand problème, à cause de la confusion et des équivoques des visions et des positions.
Quant à notre participation à ces séances, elle ne signifie pas que nous avons rejoint l’OLP actuellement, nous sommes encore à l’étape de la recherche et des débats. Ce qui se déroule entre les différentes composantes du peuple palestinien qui y participent, c’est poser les questions et attendre les réponses, nous sommes une organisation essentielle sur la scène palestinienne, il faut que nous soyions partie prenante de ce dialogue. Nous participons en posant les questions et contribuons à rechercher les réponses… Quant à la décision finale de notre adhésion ou non à l’OLP, cela dépendra en fin de compte du résultat de ces séances de dialogue, nous évaluerons les résultats et prendrons la décision définitive.
Est-ce que votre non participation à l’Autorité est-elle la cause de votre demande consistant à séparer les élections législatives des élections du conseil national ?
Il ne s’agit pas seulement de notre avis, mais celui des autres organisations, y compris le Fatah et le Hamas. Nous pensons qu’il y a une nécessité nationale à ce que soient séparées l’Autorité de l’OLP, car l’Autorité est un projet passager qui a échoué, et son devenir est incertain, alors que l’OLP doit être conservée pour être un cadre rassembleur et porteur de la cause dans toutes ses étapes et circonstances… A présent, il y a de nouveaux changements dans la région, dans le cadre des révolutions arabes, qui peuvent donner à nouveau à la cause de la Palestine la profondeur et l’environnement arabes et islamiques. Il faut donc une OLP qui ne soit pas entravée par les chaînes de l’Autorité, pour agir dans cette situation.. Tout comme la fusion de l’OLP et de l’Autorité dans le cadre du jeu du règlement signifie insérer l’OLP dans l’Autorité et non le contraire, ce qui veut dire que l’Autorité avale l’OLP, et ceci n’est pas dans l’intérêt de la cause.
Est-ce que vous comptez participer aux élections des conseils national et législatif ?
Nous annoncerons notre position envers les élections générales lorsque le processus des élections se mettra en place ou que nous soyons sûrs qu’elles auront bien lieu.
Ce qui veut dire que vous pensez qu’il n’y aura pas d’élections ?
Nous pensons qu’il y a des entraves qui, même si elles n’empêcheront pas les élections, les reporteront, et elles n’auront pas lieu aussi rapidement ou aux dates prévues.
Qu’en est-il des discussions entre vous et les dirigeants du mouvement Hamas en vue d’unifier les deux mouvements ?
Le sujet de l’unité entre le Hamas et le Jihad est un sujet ancien et nouveau. Le désir et la volonté d’unité existent au sein des deux parties, sur le principe, mais la forme de l’unité et le moment sont toujours objets de recherche et de discussions entre les deux mouvements, et à l’intérieur de chacun des mouvements. Nous espérons que les résultats seront positifs et satisfaisants, si Dieu le veut.
Comment décrivez-vous les relations entre le Jihad et le mouvement Hamas, à l’extérieur (avec Khaled Mechaal) et dans le cadre du gouvernement Hamas dans la bande de Gaza ? Quand est-ce votre participation au gouvernement palestinien sera possible ? Hamas a récemment renouvelé sa vision de la solution avec l’ennemi, en acceptant un état palestinien avec al-Quds pour capitale, dans les frontières de 1967. Quelle est votre position vis-à-vis des projets de règlement qui sont proposés ? Est-ce que vous pensez que les Etats-Unis ou le Quartet dont des intermédiaires honnêtes ? C’est une question à cinq facettes. Je vais essayer d’y répondre en quelques mots. Notre relation avec Abu Walid (Khaled Mechaal) et avec Hamas à Gaza est au mieux. Nous participerons au gouvernement palestinien, par croyance, lorsque Dieu le voudra, et politiquement, lorsque nous aurons la souveraineté. Nous n’acceptons aucune solution ou règlement qui abandonne une parcelle de la terre de Palestine. Les Etats-Unis et le Quartet ne sont pas des intermédiaires, honnêtes ou malhonnêtes, ils ne sont que la couverture et la protection internationale pour le maintien de l’occupation de la Palestine et la violation des droits du peuple palestinien et son humiliation.
Que pensez-vous de la situation sur le terrain dans la bande de Gaza, au moment où le gouvernement israélien menace d’une nouvelle guerre contre Gaza ? Quelle est la réalité de l’accalmie ? L’accalmie à Gaza est fragile.. Dans le cadre de la situation régionale qui exerce des pressions sur l’ennemi, une guerre contre Gaza n’est pas à écarter.
Est-ce que vous êtes prêts pour une guerre contre Gaza ?
Nous connaissons nos capacités en tant que peuple palestinien, mais si la guerre nous est imposée, nous sommes confiants qu’elle ne sera pas comme celle de 2009, et il y aura beaucoup de surprises au profit de la résistance, avec la permission de Dieu.
Certains vous reprochent votre rapprochement de l’Iran. Comment décrivez-vous cette relation alors que l’Occident et « Israël » insistent sur la capacité nucléaire iranienne et évoquent une frappe imminente contre ces capacités ? Dans le cadre d’une crainte du Golfe de la force iranienne et ses répercussions sur son avenir ?
Premièrement, la critique de notre relation avec l’Iran, notamment par ceux qui tournent le dos à la question de la Palestine et de son peuple, est une chose étrange et étonnante. Je comprend qu’un Iranien critique par exemple son gouvernement, lui reprochant l’aide qu’il accorde aux Palestiniens. Mais qu’un Arabe critique les Palestiniens leur reprochant d’accepter l’aide de l’Iran et son soutien, alors que les Arabes et le monde en entier ont abandonné les Palestiniens, est-ce possible ?
Quant aux menaces israéliennes contre l’Iran, c’est la politique de Netanyahu qui a réussi à faire de la prétendue menace iranienne le premier sujet dans l’agenda politique, que ce soit pour l’entité israélienne ou pour les préoccupations internationales au Moyen-Orient. Il n’y a plus rien qui s’appelle la Palestine.. La question palestinienne n’a plus de place chez les « Israéliens » en ce moment. Ceci s’ajoute au fait que les Arabes sont occupés et bloqués par les événements et les révolutions dans les pays arabes.
Comment lisez-vous la situation palestinienne en Syrie ? Quelle est votre position envers ce qui s’y passe ?
En tant que palestiniens, nous nous écartons de toute intervention dans les affaires internes de tout Etat arabe et ceci s’applique à la Syrie et à d’autres.
Ce qui se passe en Syrie est malheureusement triste et dangereux à la fois, et cela peut avoir de graves et immenses répercussions sur l’avenir de la Syrie et de la région. Nous souhaitons que le peuple syrien, dans toutes ses composantes, puisse trouver une solution pacifique syrienne qui évite les bains de sang, qui protège l’unité de la Syrie et réalise les ambitions de son peuple, et se dirige vers une situation meilleure qui corresponde à la Syrie et à sa place et son rôle dans la nation.
Quelles sont les répercussions de la division sur la cause palestinienne et sur al-Quds qui est en cours de judaïsation et sur la mosquée bénie d’al-Aqsa qui subit quotidiennement des attaques et des incursions et qui est menacée par les appels à sa destruction et à la construction du prétendu temple ? Quel est votre rôle et quelle est votre vision ?
Il est très regrettable que nous, les Palestiniens, avions perdu des années, au cours desquelles nous étions occupés par nous-mêmes, alors « qu’Israël » modifie les traits de la terre, de l’histoire et de la géographie, et de la démographie, à chaque instant, pour en finir avec la cause palestinienne et tirer les rideaux sur toute chose concernant la Palestine, et même pour nous couper la route dans l’avenir.
Quant à l’Autorité, aucune attitude négative de sa part envers al-Quds ne m’étonne, car elle a été conçue comme projet pour liquider l’essence de la cause, et al-Quds est au cœur de cette essence. Ce qui se passe dans al-Qods est un massacre réel de l’histoire, de la géographie, de ce qui est sacré dans notre vie, et cela n’atteint pas seulement les Palestiniens, mais tout arabe et tout musulman. Mais où sont les Arabes et les musulmans quant à ce massacre ?
J’espère que nous ne resterons pas trop longtemps préoccupés par nous-mêmes, et s’il y a vraiment quelque chose que nous pouvons appeler « le printemps arabe », nous espérons que le « printemps » palestinien ne tarde pas. Il n’est pas possible que les peuples se réveillent pendant que s’endorme le peuple palestinien, alors que la profondeur de nos blessures et de notre tragédie nous interpelle et dit : le printemps palestinien est inévitable.
Que pensez-vous du ferme combat du dirigeant dans le mouvement du Jihad, Khodr Adnan, et de sa grève de la faim pendant 65 jours ?
La grève de la faim du sheikh Khodr Adnan et sa victoire ont constitué une plus-value qualitative dans l’histoire de la lutte palestinienne. Et l’attitude de notre peuple, toutes catégories et forces, qui ont soutenu sa cause, notamment notre peuple et nos frères dans l’intérieur palestinien, les terres occupées en 48, tout cela a démontré que le sang palestinien ne peut « se transformer en eau » comme on dit, nous sommes toujours capables de nous unir et de remporter des victoires.
Traduction : Rim al-Khatib
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