Une semaine jour pour jour après le suicide d’une adolescente contrainte d’épouser son violeur, plusieurs associations féminines marocaines ont organisé samedi un sit-in devant le parlement pour réclamer la réforme d’une loi discriminatoire envers les femmes.
"Nous sommes des Amina", "Halte aux violences contre les femmes", "Abrogez la loi" scandaient les militantes et sympathisantes de ces associations des droits de la femme, rassemblées à l’appel de Woman-Shoufouch, un groupe et réseau social anti-harcèlement.
Les femmes, au nombre de deux cents au début du rassemblement, brandissaient des banderoles réclamant l’abrogation ou la refonte d’un article du code pénal qui punit le violeur d’emprisonnement si la victime est mineure, sauf en cas de mariage.
En cas de mariage, consenti par les parents de la fille violée, l’agresseur n’est plus poursuivi par la justice.
"Amina martyre", "La loi m’a tuer", "Mettons fin au mariage des mineures", pouvait-on lire sur les pancartes tenues par des militantes de plusieurs associations féminines, rassemblées sous la houlette de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes.
"Amina et les autres, victimes de l’article 475 du code pénal", lisait-on sur une banderole d’Anaruz, mot berbère qui signifie espoir. Anaruz est un mouvement d’écoute des victimes d’agressions sexuelles qui travaille en coordination avec l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM).
"En 2008, le gouvernement avait déposé un projet, qui est resté lettre morte, pour réclamer la refonte du code pénal en vue de mettre fin à la discrimination et à la violence", a indiqué à l’AFP Houda Bouzil, présidente du bureau de Rabat de l’ADFM.
Le suicide le 10 mars d’Amina Al Filali, 16 ans, contrainte d’épouser l’homme qui l’avait violée, a fait l’effet d’un électrochoc au Maroc où se sont multipliés les appels à la réforme d’une loi qui bénéficie le plus souvent davantage au violeur qu’à sa victime.
"Je ne voulais pas aller avec eux chez le juge pour les marier. Mais ma femme m’y a obligé. Elle m’a dit qu’il fallait le faire pour que les gens arrêtent de se moquer de nous, pour faire taire la honte", a déclaré il y a quelques jours à l’AFP le père de la victime, Lahcen Al Filali, présent à un premier sit-in dans la localité de Larach, près de Tanger (nord) d’où la famille est originaire.
"Est-ce qu’on peut imaginer qu’un homme qui force une fille à le suivre avec un couteau et qui la viole peut ensuite vouloir l’épouser ?", a-t-il demandé.
Cette affaire est révélatrice des contradictions d’une société à la fois traditionnaliste et aspirant à la modernité, comme en atteste la nouvelle Constitution adoptée en juillet, qui prévoit l’égalité des sexes et bannit "toute discrimination".
Ce drame continue de susciter diverses réactions dans le pays, y compris au sein du gouvernement qui a promis un réexamen de la loi.
"C’est la loi, une règle sociale absurde, grotesque, que celle qui veut remédier à un mal, le viol, par un autre encore plus répugnant, les épousailles avec le violeur (...) Qui punissons-nous au final, la victime ou son bourreau ?", écrit le journal Al Sabah (Le matin, indépendant) dans un long éditorial.
Un article du code de la famille prévoit que la décision du juge autorisant le mariage d’un mineur —comme cela a été le cas dans cette affaire —n’est susceptible d’aucun recours.
L’époux de l’adolescente a été entendu par la police, après le suicide de sa femme qui a absorbé de la mort aux rats, et laissé en liberté.
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