Cela fait trente-six jours que Mazen Darwich est détenu à l’aéroport militaire de Mazzé, à Damas, principal lieu de détention des services de renseignements de l’armée de l’air, les plus redoutés de Syrie. Le directeur du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM), âgé de 38 ans, a été arrêté le 16 février, entre midi et 14 heures, avec quatorze de ses collaborateurs dans les bureaux de son ONG, dont tous les ordinateurs ont été saisis.
"Les dernières informations sont alarmantes, explique Soazig Dollet, responsable Maghreb et Moyen-Orient à Reporters sans frontières (RSF). Nous savons par des gens qui sont sortis de ce lieu de détention que Mazen Darwich est à l’isolement et qu’il a été sévèrement torturé, de manière récurrente." Les interrogatoires portent notamment sur les données trouvées au SCM. Les proches de M. Darwich, dont sa femme Yara qui travaille aussi au SCM, sont d’autant plus inquiets qu’il souffrait déjà de sérieux problèmes de santé.
"Nous ne connaissons toujours pas, aujourd’hui, les raisons de son arrestation. Personne n’a pu le rencontrer et aucune communication n’a été possible avec lui, malgré les tentatives répétées", s’inquiète l’opposant Louaï Hussein, un ami de M. Darwich. Joint par téléphone à Damas, le dirigeant du mouvement laïque Construire l’Etat syrien estime que le militant est détenu "parce qu’il s’est beaucoup investi depuis le début du soulèvement". "Il n’a jamais craint de s’exprimer dans les médias. Son association est membre consultatif au Conseil économique et social de l’ONU, elle est très visible", poursuit M. Hussein.
"OBJECTIVITÉ ET BON SENS"
M. Darwich n’avait pas hésité à révéler, début janvier, à des médias libanais que les victimes d’un attentat étaient "des policiers pour la plupart", contredisant la version officielle selon laquelle il s’agissait de civils. M. Hussein le décrit comme un "homme de terrain, courageux, qui travaille avec objectivité et bon sens". "Il est très jeune, et pourtant il est engagé depuis des années pour la liberté de la presse et le droit des Syriens à accéder à une information libre", ajoute-t-il.
M. Darwich diffusait des informations sur les arrestations de blogueurs et de journalistes, et menait campagne pour leur libération.
Figure estimée en Syrie et à l’étranger, Mazen Darwich est interdit de sortie de son pays depuis 2007. Son centre, officiellement fermé depuis 2008, a continué, depuis, à fonctionner sans autorisation. Depuis mars 2011, M. Darwich a été brièvement interpellé à deux reprises, au tout début du soulèvement syrien, avant son arrestation, le 16 février.
Sur les quatorze collaborateurs arrêtés en même temps que Mazen Darwich, sept hommes sont toujours incarcérés. Les sept femmes, relâchées au bout de quarante-huit heures, doivent se rendre quotidiennement au siège des renseignements de l’armée de l’air, où elles sont interrogées de 9 heures à 14 heures.
(23 mars 2012 - Christophe Ayad et Laure Stephan - Le Monde du 23 mars 2012)
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