mardi 6 mars 2012

Somalie : Pourquoi les Somaliens du Royaume-Uni sont sous pression ?

Alors que Londres accueillait en février la Conférence internationale sur la Somalie destinée à construire un «futur stable» pour Mogadiscio, l'Angleterre s'inquiète devant la menace d'attentats sur son sol de la part des Shebaab.

 
Rencontre du Premier ministre britannique David Cameron et du Premier ministre somalien Abdiweli Mohamed Ali (REUTERS)

Combien sont-ils? Peuple de marins, les premiers Somaliens seraient arrivés en Angleterre de par l'océan il y a plusieurs siècles. «Certains de nos ancêtres se sont battus aux côtés des Britanniques lors de la bataille de Trafalgar», affirment sans douter les anciens de la Diaspora.
Un recensement de 1991 évaluait la population somalienne au Royaume-Uni à 43.500 personnes. «Mais depuis les chiffres ont explosé», a déclaré Omer Ahmed, directeur du Conseil des organisations somaliennes, dans une interview récente accordée à The Guardian.
«Certains experts évaluent même qu'un million d'immigrés venus de la Corne de l'Afrique peuplent le pays», a t-il ajouté.
Des chiffres difficiles à vérifier. Le Bureau national des statistiques a même employé un Somalien pour surmonter les difficultés de recensement de la diaspora, sans plus de résultats.
À l'heure où, le 23 février à Londres, les délégués de 50 pays, parmi lesquels la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton et le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, s'accordaient pour définir un nouveau plan d'aide économique à Mogadiscio et un renforcement de la lutte militaire contre les Shebaab, cette importante communauté s'inquiète de son sort.
Selon les agences de renseignements occidentales, près de 200 étrangers sont connus pour s'entraîner et combattre aux côtés des milices islamiques en Somalie, dont une cinquantaine de ressortissants britanniques.
Jermain Grant, un Anglais de 29 ans, est ainsi actuellement jugé à Nairobi pour détention de matériel explosif et planification d'actes terroristes. Sa compatriote Nathalie Faye Webb, 26 ans, est quant à elle activement recherchée par la police kenyane.
Selon les agences de renseignements, seuls quelques uns ont été arrêtés et «ce n'est qu'une question de temps avant que l'un d'eux apporte la terreur dans son pays d'origine.»
Une donnée qui a encouragé le Premier ministre de la Couronne David Cameron à militer en faveur de bombardements ciblés de l'Otan sur les positions des Shebaab. Mais ce qui fait peur aux Somaliens d'Angleterre, c'est l'éventuel amalgame qui pourrait être fait avec les leurs.
Souvent en marge de la société britannique, les exilés de la Corne de l'Afrique «sont pris au piège dans un cercle de dépression et de pauvreté», selon un rapport du Département des communautés du Royaume-Uni.
Une diaspora touchée par le plus haut taux de chomâge des populations migrantes dans le pays. Seuls 3% des immigrés somaliens ont un haut-niveau d'éducation et 50% non aucune qualification.

 

Rencontre à Downing Street

Avant le grand sommet de Londres, le Premier ministre David Cameron a reçu au Numéro 10 de Downing Street, les représentants de la communauté somalienne. Pour entendre leurs inquiétudes.
«Nous sommes attaqués car nous sommes musulmans, et attaqués parce que nous sommes noirs, mais la population noire ne nous soutiendra pas», lance Sabra Mohamed, le directeur de Nomad, «la radio somalienne numéro un» avec 75.000 auditeurs sur les ondes britanniques.
Isolés, les Somaliens ont besoin de voix influentes pour gommer les méfiances des Anglais à leur égard. À Londres, c'est d'abord les attaques à la bombe de 2005 qui ont jeté le trouble.
Deux semaines après les meurtriers attentats dans le métro de la capitale, une attaque à la bombe avortée —les engins n'avaient pas explosé— sème la panique dans les rues londoniennes. Deux Somaliens étaient impliqués.
«Après cela, tous les regards se sont tournés vers nous», note Omer Ahmed. «Une personne fait quelque chose de mal et voilà ce que deviens notre image», lui répond en écho Sabra Mohamed, qui poursuit: «je n'ai jamais vu un article positif sur nous dans la presse. Nos auditeurs haïssent le Daily Mail.»
Un sentiment anti-Somalien qui ne date pas d'hier. En 1919 déjà, la communauté de Cardiff, l'une des plus importantes du pays avec celles de Liverpool et Londres, était visée dans des émeutes.

 

La fierté des Somaliens

Si beaucoup de Somaliens de Grande-Bretagne sont dans une situation difficile, des lueurs d'espoirs existent.
«Ahmed Omer était le premier maire somalien dans le pays, après son élection dans l'arrondissement de Tower Hamlets à Londres. Et nous avons aussi quatre conseillers qui siègent dans la capitale», note Ahmed, un avocat somalien. «Nous sommes fiers d'eux, mais leur nombre reste scandaleusement faible.»
En première ligne dans le processus visant à construire une «Somalie stable», David Cameron et l'establishment britannique doivent aussi régler les problèmes de la communauté qui vit à l'intérieur de leurs frontières.
«Si nous ne pouvons aider le peuple somalien à construire un futur stable, les problèmes resteront récurrents» a déclaré le Premier ministre du Royaume-Uni au sommet de Londres.
Pensait-il aussi aux Somaliens du Royaume-Uni ?

Camille Belsoeur


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