Le premier Parlement tunisien depuis la révolution de janvier 2011 a
pris ses fonctions mardi, un moment clé de la transition du pays
référence du Printemps arabe avant le second tour de l'élection
présidentielle.
Le président de l'ancienne Constituante, Mustapha Ben Jaafar, a donné le
coup d'envoi de cette première réunion des 217 membres de l'Assemblée
des représentants du peuple (ARP) élus le 26 octobre, un scrutin
remporté par le parti anti-islamiste Nidaa Tounès (86 élus) devant les
islamistes d'Ennahda (69 députés), majoritaires jusqu'alors.
"Nous ouvrons avec la bénédiction de Dieu cette première séance de
l'Assemblée des représentants du peuple et j'appelle à sa présidence Ali
Ben Salem", président de droit de la première séance en tant que doyen
du Parlement, a dit M. Ben Jaafar avant de céder sa place au perchoir.
Très ému, M. Ben Salem a essuyé quelques larmes sous les
applaudissements des députés et d'un parterre d'invités. Le chef de
Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi, a salué une "journée formidable", et
celui d'Ennahda, Rached Ghannouchi, a loué "un autre jour victorieux
pour la démocratie".
Mais premier couac, les partisans du chef de l'Etat Moncef Marzouki ont
dénoncé le fait qu'il n'avait pas été invité en bonne et due forme, si
bien qu'il était absent.
Les députés doivent élire dans la journée le président de l'assemblée.
Les candidatures n'ont dans l'immédiat pas été annoncées et la séance a
été levée à la mi-journée jusqu'au milieu d'après-midi.
Si le parti anti-islamiste constitue la principale force au Parlement,
il devra composer avec les autres partis pour dégager une majorité
absolue et constituer un gouvernement.
Outre Ennahda et Nidaa Tounès, le Parlement compte 16 élus de l'Union
patriotique libérale (UPL), parti inclassable du richissime homme
d'affaires Slim Riahi. Derrière, le Front populaire, une coalition de
gauche et d'extrême gauche, dispose de 15 sièges. Les 31 députés
restants sont répartis entre une kyrielle de formations.
Nidaa Tounès a pour sa part indiqué qu'il ne s'attèlerait pas à former
de majorité avant la tenue du second tour de la présidentielle qui
opposera son président M. Essebsi, 88 ans, au chef de l'Etat sortant.
Selon l'instance électorale (ISIE), la "date la plus probable" pour le
second tour est le 21 décembre, mais des recours en justice doivent
encore être examinés avant d'annoncer le jour du scrutin.
Afin d'éviter l'instauration d'une nouvelle dictature, l'essentiel des
prérogatives exécutives ont été confiées au chef du gouvernement,
responsable devant les députés.
Depuis fin 2011, le pouvoir législatif était exercé par l'Assemblée
nationale Constituante (ANC) dominé par Ennahda. Elle a achevé après
plus de deux ans de débats et de disputes en janvier 2014 une
Constitution consensuelle en Tunisie et largement considérée comme un
modèle de libéralisme dans le monde arabe.
Malgré une transition chaotique de près de quatre ans marquée notamment
par des crises politiques et l'essor d'une mouvance jihadiste armée, la
Tunisie a réussi à organiser des élections générales considérées comme
démocratiques par la communauté internationale.
La situation tranche avec l'essentiel des pays du Printemps arabe,
déclenché par la révolution tunisienne, qui ont basculé dans le chaos ou
la répression, à l'instar de la Libye ou de l'Egypte.
M. Ben Jaafar a d'ailleurs souligné l'exception tunisienne.
"La Tunisie a réussi à assurer une alternance pacifique au pouvoir d'une
manière fluide, civilisée et à assurer l'instauration progressive de
traditions démocratiques", a-t-il souligné.
"Elle a réussi à organiser les législatives du 26 octobre 2014 et cela a
été le couronnement d'un long processus lors duquel nous avons surmonté
les entraves et fait prévaloir le dialogue et le consensus", a-t-il
encore dit, appelant à ce que la présidentielle s'achève aussi dans un
climat "propice".
Les deux finalistes se sont invectivés par médias interposés depuis le premier tour.
M. Caïd Essebsi a pointé du doigt le président sortant, élu en 2011 par
la Constituante avec l'appui d'Ennahda, l'accusant de compromissions
avec les islamistes et de courtiser même les voix des jihadistes.
M. Marzouki considère de son côté son concurrent comme le représentant
du régime déchu, Béji Caïd Essebsi ayant servi comme ministre sous le
régime autoritaire du père de l'indépendance Habib Bourguiba puis au
début des années 1990 comme président du Parlement de Zine El Abidine
Ben Ali, renversé par la révolution de 2011.
(02-12-2014)
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