La Tunisie clôt vendredi la campagne pour le second tour de la
présidentielle historique qui opposera dimanche le président sortant
Moncef Marzouki au favori Béji Caïd Essebsi, quelques jours après des
menaces jihadistes.
Près de 5,3 millions d'électeurs sont appelés aux urnes, et les
Tunisiens de l'étranger ont commencé à voter dès vendredi, notamment en
France où ils sont très nombreux.
Pour clore leur campagne, les deux finalistes ont prévu des meetings en
fin d'après-midi et en début de soirée sur l'avenue Bourguiba dans le
centre-ville de Tunis, haut lieu de la révolution, avant le "silence
électoral" samedi.
Arrivé en tête au premier tour avec des voix, l'ex-Premier ministre Béji
Caïd Essebsi, 88 ans et chantre du "prestige de l'Etat", fait figure de
favori. Son parti anti-islamiste Nidaa Tounès est arrivé premier aux
législatives de fin octobre avec 86 sièges sur 217, devant les
islamistes d'Ennahda (69 sièges).
Le président Marzouki, 69 ans, se pose lui en défenseur des libertés et
en rempart contre le retour de l'ancien régime que représente pour lui
son rival, M. Caïd Essebsi ayant servi sous les présidents Habib
Bourguiba et Zine El Abidine Ben Ali.
La campagne a été acrimonieuse, chacun des deux finalistes dépeignant
l'autre comme la pire option pour le pays. "Une guéguerre impitoyable où
tous les coups ou presque sont permis", a jugé vendredi le quotidien Le
Temps.
M. Marzouki a ainsi assuré que le camp adverse se préparait à tricher au
second tour, ce qui lui a valu un avertissement de l'instance
électorale. M. Caïd Essebsi a de son côté lancé que son rival était le
candidat des islamistes et même des "salafistes jihadistes", l'accusant
également d'incompétence et d'avoir "ruiné" le pays avec ses alliés
islamistes.
Aucun débat n'a opposé les deux candidats, M. Caïd Essebsi s'y étant
refusé malgré l'insistance de son rival qui l'y a même invité, non sans
ironie, dans des affiches placardées à Tunis.
C'est la première fois depuis son indépendance en 1956 que la Tunisie vote librement pour son président.
Ce scrutin doit mettre fin à une transition mouvementée quatre ans après
la révolution qui a obligé le dictateur Ben Ali à la fuite en Arabie
Saoudite le 14 janvier 2011, soit 23 ans après son coup d'Etat contre le
premier président tunisien Habib Bourguiba.
Les législatives ainsi que le premier tour de la présidentielle le 23
novembre ont été salués comme "transparents" et "pluralistes" par les
observateurs internationaux, une exception parmi les pays du Printemps
arabe qui pour l'essentiel ont basculé dans le chaos, la guerre ou la
répression.
Des menaces pèsent toutefois sur le pays, confronté depuis la révolution à un essor de la mouvance jihadiste.
Dans une vidéo publiée mercredi soir, des jihadistes ralliés au groupe
Etat islamique (EI) ont pour la première fois revendiqué l'assassinat de
deux opposants anti-islamistes tunisiens en 2013, en menaçant de
nouvelles violences.
"Oui tyrans, c'est nous qui avons tué Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi",
dit dans cette vidéo un jihadiste identifié comme Abou Mouqatel. Ce
Franco-Tunisien, dont le vrai nom est Boubaker El Hakim selon les
autorités, est recherché pour son implication dans ces deux assassinats
en février et juillet 2013.
"Nous allons revenir et tuer plusieurs d'entre vous. Vous ne vivrez pas
en paix tant que la Tunisie n'appliquera pas la loi islamique", a-t-il
menacé, en appelant les Tunisiens à "prendre les armes" et à prêter
allégeance à l'EI, un groupe ultraradical qui sévit en Syrie et en Irak.
Sans faire référence à cette vidéo, le gouvernement tunisien a affirmé
jeudi que "les menaces n'empêcheront pas l'électorat tunisien de se
rendre en masse aux urnes". Comme lors des précédents scrutins, des
dizaines de milliers de militaires et policiers seront déployés.
Le président de l'instance électorale, Chafik Sarsar, a reconnu
l'existence de "dangers possibles et probables", tout en estimant qu'ils
ne devaient "pas porter atteinte à l'ambiance des élections".
Les autorités ont aussi annoncé la fermeture des principaux points de
passage avec la Libye, en proie au chaos, de vendredi minuit (jeudi
23H00 GMT) jusqu'au 24 décembre.
(19-12-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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