"Il n'y a pas de Noël ici", se désole Ghassan, un chrétien chaldéen de
40 ans qui vit dans une salle de classe humide à Bagdad avec sa famille
ayant fui les persécutions des jihadistes dans le nord de l'Irak.
Avant, Noël était l'un des moments forts de l'année pour Ghassan et ses
proches. "C'était la vie, une fête avec du goût et du sens", se
rappelle-t-il. "On la préparait avec attention", ajoute son épouse,
Basma, âgée de 27 ans.
Dans leur maison, ils décoraient l'arbre de Noël, et la veille du 25
décembre ils dînaient en famille et se rendaient ensuite à la messe de
minuit.
Mais ce jeudi "il n'y a pas de célébration, ni pour les adultes ni pour les enfants", regrette le père de famille.
Car, comme des milliers d'autres chrétiens d'Irak, Ghassan et ses trois
frères ont dû fuir avec femmes et enfants Al-Qosh. Cette cité de la
province de Ninive a été conquise par le groupe Etat islamique (EI) lors
de la vaste offensive qui lui a notamment permis de prendre le contrôle
de Mossoul, la deuxième ville d'Irak, à partir de juin.
Cette fuite a mené la famille de Ghassan au Kurdistan irakien puis
jusqu'à la capitale irakienne, où elle a été accueillie ce mois-ci dans
une école proche de l'église Notre Dame du Perpétuel Secours.
Ghassan, son épouse et leurs deux enfants partagent la même pièce avec
son frère, sa belle-soeur et leurs quatre enfants. Les deux autres
frères et leurs familles sont hébergés dans une autre salle.
Les fenêtres sont recouvertes de vieux morceaux de tissus, les murs sont
gris et des matelas mousse sont empilés au sol avec de nombreuses
chaussures.
"Il n'y a pas d'avenir ici", déplore Ghassan en serrant son fils de sept
ans dans ses bras. "Quel avenir auront mes enfants? Qu'est-ce qui peut
garantir qu'ils vont rester en vie?", s'interroge-t-il, assis à un
pupitre, les yeux remplis de larmes.
L'une des plus anciennes du monde, la communauté chrétienne d'Irak
comptait plus d'un million de fidèles, dont plus de 600 000 à Bagdad,
avant l'invasion américaine de 2003. Le pays est ensuite devenu un champ
de bataille entre insurgés et troupes étrangères avant de sombrer dans
une guerre confessionnelle où les chrétiens, associés aux "Croisés"
occidentaux, ont été visés.
L'attaque la plus meurtrière a fait 46 morts le 31 octobre 2010 en
l'église Notre Dame du Perpétuel Secours, non loin de l'école où est
actuellement réfugiée la famille de Ghassan.
Les violences ont ensuite baissé en intensité avant de repartir depuis
avril 2013 puis d'empirer avec la montée en puissance de l'EI, qui a
pris pour cible les minorités quelque soit leur religion.
Les jihadistes ont ainsi prévenu les chrétiens qu'ils seraient tués
s'ils refusaient de se convertir à l'islam ou de payer une taxe
spéciale. De ce fait, la grande majorité d'entre eux, notamment de
Mossoul, ont fui et leurs maisons ont été saisies par l'EI.
Le patriarche chaldéen Louis Sako a regretté mercredi qu'"aucune
solution rapide" ne puisse être proposée aux 150 000 chrétiens déplacés.
Or "ils ont particulièrement besoin de signes les rassurant du fait
qu'ils ne sont pas abandonnés à leur sort ni oubliés", a-t-il ajouté,
interrogé par l'AFP.
Rassemblés jeudi matin pour la messe de Noël en l'église de l'Ascension à
Bagdad, des fidèles reconnaissaient ne "pas avoir le coeur à la fête".
Car "comment être joyeux lorsque des milliers d'entre nous vivent dans
des conditions tellement précaires dans des écoles ou des camps?",
demandait Rayan Dania Sabri à la fin de la messe.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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