Au milieu d'un camp misérable dans l'est du Liban, un tableau vert et
des casiers multicolores ont été installés sous une tente pour offrir
l'apparence d'une école normale à de petits réfugiés syriens.
Située dans la région pittoresque de Qaraoun, cette école de fortune
fait partie des 47 centres éducatifs supervisés par l'ONG International
Rescue Comittee (IRC) au Liban, où se sont réfugiés 1,1 million de
Syriens ayant fui la guerre.
Farouq Salkhadi, 11 ans, rêve de devenir médecin et est ravi d'apprendre
l'anglais, une des trois matières enseignées avec les mathématiques et
l'arabe.
Ce garçon au teint clair et aux yeux gris verts a fui avec sa famille la
localité de Jassem, dans la province méridionale de Deraa, après un
bombardement qui a endommagé leur maison.
"Depuis un an, j'étais sans école. Mes parents n'avaient pas les moyens
de payer la scolarité au Liban pour moi et mes trois soeurs", confie à
l'AFP le garçon.
Farouq fait partie des 5.000 chanceux qui fréquentent les écoles de
l'IRC au Liban. Chanceux, car sur les 470.000 enfants en âge d'être
scolarisés, près de la moitié ne le sont pas, selon le Haut Commissariat
pour les réfugiés (HCR).
"Ce projet vise à éviter qu'une génération d'enfants syriens ne soit
perdue", explique le coordinateur du programme Jeffrey Dow. "Sinon
l'alternative, pour ces enfants, c'est de rester oisifs ou de travailler
dans les champs".
Chaque jour, la tente blanche de 72 m2 accueille 90 élèves, 60 en matinée et 30 dans l'après-midi.
Très propre et chauffée grâce à une soubia, réchaud traditionnel au
mazout, son confort rudimentaire contraste avec la misère et le froid
environnants, dans une région située à 1.100 m d'altitude.
A proximité, une femme sort des matelas, une chaise et des vêtements
d'une tente au toit perforé. "Nous avons été inondés par la pluie", se
désole-t-elle.
"C'est la misère ici. Nous vivons grâce aux aides", témoigne Leila, 33
ans, mère de quatre enfants dont trois fréquentent cette école
improvisée. "Il faut qu'ils aillent à l'école. Plus ils seront éduqués,
plus ils seront maîtres de leur avenir", lance cette femme originaire
d'Idleb (nord-ouest), portant un voile blanc.
Non loin, un bâtiment également aménagé en école par l'IRC accueille 317
élèves âgés de six à 13 ans. Un des deux étages est utilisé comme cour
de récréation.
"Moi, je veux étudier l'anglais pour devenir pilote", annonce Mohammad, 11 ans.
Pourtant, l'armée de l'air du régime dans sa Syrie natale lui a laissé
un mauvais souvenir. A Hama (centre), "on faisait la moitié, voire le
quart de l'horaire à l'école. Quand un avion frappait, on rentrait
immédiatement chez nous".
La guerre a laissé ses séquelles, avec des élèves absents ou agressifs,
comme en témoignent les instituteurs libanais et les volontaires syriens
du centre, formés pour enseigner mais aussi aider psychologiquement les
enfants.
"Certains élèves préfèrent s'isoler, d'autres pleurent quand on leur
pose une question", explique Abir Kharfane, une institutrice de 29 ans.
"Quand le tonnerre a grondé, beaucoup d'enfants ont éclaté en sanglots.
Ils m'ont dit que cela leur rappelait les barils explosifs" lancés par
le régime contre les secteurs rebelles en Syrie.
Avec cinq heures par jour, les élèves suivent le programme libanais
"allégé" qui peut leur permettre éventuellement d'intégrer les écoles
publiques.
Là, ils doivent s'adapter aux différences de programmes: les matières
scientifiques sont enseignées en français et en anglais au Liban, et en
arabe en Syrie.
Les ONG louent le gouvernement libanais pour avoir ouvert les portes de
190.000 écoles publiques et centres éducatifs aux enfants syriens.
"C'est du jamais-vu qu'un pays hôte ouvre autant ses écoles à des
réfugiés", affirme M. Dow.
Le
coordinateur du programme s'étonne par ailleurs du nombre d'élèves
entre 10 et 14 ans "qui ne sont jamais allés à l'école", même avant la
guerre. "C'est surprenant car le gouvernement syrien annonçait tout le
temps que 98% des enfants en primaire étaient scolarisés. Ces chiffres
étaient faux".
Alia, 37 ans, est soulagée de voir ses quatre enfants à l'école. "Un
enfant dans la rue me fait mal au coeur. Ne lui suffit-il pas d'être
apatride, faut-il qu'il soit aussi privé d'éducation?".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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