jeudi 11 décembre 2014

Liban : Au Liban, un jardin fleurit sur une montagne d'ordures

Saïda, la capitale du Liban-sud, est célèbre pour ses forteresses croisées, son vieux marché mais aussi pour sa vertigineuse montagne d'ordures... qui va finalement disparaître pour devenir un vaste parc avec vue sur mer.
Durant des décennies, les habitants de Saïda ont souffert des terribles odeurs dégagées par cet énorme amoncellement de détritus, qui dégageait une fumée nauséabonde parfois jusqu'à Chypre, provoquant la colère dans l'île.
En été, des incendies obligeaient les hélicoptères à intervenir tandis qu'en hiver les tempêtes emportaient les ordures dans les rues de la ville ou au large.
Mais ce cauchemar environnemental ne devrait bientôt être qu'un mauvais souvenir grâce à un ambitieux projet.
"Imaginez-vous: une montagne d'ordures de 58 m de haut avait poussé à côté de nos maisons. Nous l'avons réduite aujourd'hui à huit mètres et recouverte de gazon. Nous pouvons dire qu'elle a disparu", explique fièrement le maire de Saïda, Mohamed al-Saoudi, qui avait fait la promesse d'en finir avec cette excroissance monstrueuse.
Le projet a débuté avec l'élévation d'une digue autour de la décharge et de la côte environnante. Puis la municipalité a fermé le site, les ordures étant dirigées vers un nouveau centre de traitement au sud.
Les engins de déblaiement sont alors intervenus pour répartir les déchets, en bonne partie des gravats accumulés depuis le milieu de la guerre civile (1975-1990). Aplanis, ils ont permis de récupérer 550.000 m2 de sur la mer, dont 33.000 m2 deviendront un parc qui ouvrira l'an prochain.
Planté de gazon, cet immense espace sera interdit au public durant les huit prochaines années, jusqu'à ce que les déchets sous terre se décomposent. Un réseau de tuyaux filtreront le gaz s'échappant du dépotoir.
Il s'agit de transformer "la montagne de la honte en un projet dont Saïda sera fier", explique Edgard Chehab, du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui supervise le plan. "Dans huit ans, la zone sera reliée à l'espace vert que nous sommes en train de construire et Saïda jouira d'un parc de 100.000 m2".
Mais tous ne partagent pas son enthousiasme.
Mohamed Sarji, fondateur de l'ONG Bahr Lubnan (Mer du Liban), regrette que la municipalité n'ait retenu son plan, qui prévoyait le recyclage de la quasi-totalité des ordures en trois ans pour 10 millions de dollars, soit moins cher que l'actuel projet.
En fait, selon lui, le plan mis en oeuvre vise à gagner du terrain sur la mer en poussant "tout simplement la moitié de la montagne de déchets" vers la digue.
Il regrette aussi qu'une grande portion de la plage de sable de Saïda sera recouverte et s'interroge sur les futurs bénéficiaires de ce nouveau front de mer qui pourra déboucher sur un projet immobilier très lucratif.
Pour sa part, Adam Read, de la société d'études britannique Ricardo-AEA sur le recyclage, s'avoue surpris par le prix annoncé de 25 millions de dollars auquel s'ajoutent les 20 millions dépensés pour la digue.
Mais ces critiques sont balayées par le maire, qui affirme que "le projet le moins cher présenté par une compagnie qualifiée" a été sélectionné.
Et de nombreux habitants saluent la réalisation d'un projet qui était "promis depuis des années", selon Tarek Hassan, un garagiste. Hassan Arnaout, commerçant de 58 ans, espère ne plus connaître ces étés où "la ville suffoquait dans la fumée qui s'échappait du dépotoir, avec une insupportable odeur".
Le maire souhaite désormais que son projet soit reproduit dans tout le Liban, où existent 650 décharges de diverses tailles. "Je dis aux gens: +venez voir ce que nous avons réalisé et faites-le ailleurs+".

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