La fête a commencé hier au soir dans le grand Tunis. Feux d’artifices
improvisés sur les toits, aux ronds-points de certaines villes, une
fanfare de klaxons a ponctué la nuit au Lac, siège du QG de Nidaa
Tounes, à huit kilomètres de Tunis. Des milliers de sympathisants ont
célébré "Bajbouj", le surnom de BCE. Ce matin, dans les cafés, on ne
parlait que de cela. De la victoire de BCE annoncée quasi simultanément
par les trois instituts de sondages (3C, Sigma conseil, Emrhod). Les
plus fervents partisans du patriarche ("notre grand père à tous" disait
hier affectueusement un serveur au Kram) se félicitent de la défaite des
islamistes aux législatives et de celle de Moncef Marzouki qui fut
trois années durant le président provisoire de la république.
Une autre partie qui a voté BCE sans engouement réel espère qu’il "va
se mettre au travail tout de suite" et "qu’il va tenter de réunir tous
les tunisiens" confie un cadre, la trentaine. Car le taux de
participation plafonne à 60% selon l’Isie (l’Instance indépendante qui
organise les élections). Une baisse de quatre points par rapport au 1er
tour. Et de huit points quant aux législatives d’octobre. Le corps
électoral compte 5,4 millions d’inscrits sur les listes électorales sur 8
millions en âge de voter. Trois millions de Tunisiens se sont rendus
aux urnes ce jour de deuxième tour de présidentielle. Une faible
participation pour un scrutin jugé "historique".
Le nouveau Président est élu avec un tiers des inscrits, un cinquième
des adultes du pays. Un socle fragile pour quelqu’un qui devra affronter
de très nombreux défis durant les cinq prochaines années, durée du
mandat de l’exécutif et du législatif. Défi premier, la fracture
géographique des résultats. Les centres urbains, les côtés ont voté BCE.
Le sud, les régions intérieures ont coché Marzouki. Les sondages
diffusés par les médias dimanche soir ont provoqué des débuts d’émeutes à
El Hamma, à proximité de Gabès, dans le sud-ouest de la Tunisie. La
crainte d’une contagion dans d’autres villes du sud, qui a voté en masse
pour Moncef Marzouki, est réelle. Haythem Waderni, un journaliste
présent à Gabes, note que "la situation ne se calme pas" et estime que
"les jeunes qui ont manifesté n’accepteront pas le résultat". Pour
l’heure, la police a quitté la ville. L’armée a pris position. A suivre.
(22-12-2014 - Benoît Delmas)
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