Documentaire réalisé en 2014 par Oussama Mohamed , Wiam Simav Bedirxan
Nous ne sommes pas sans nouvelles de la guerre en Syrie, qui sévit
depuis maintenant trois ans. Au début rares, les images ont percé peu à
peu, puis déferlé sur YouTube. Certaines d'une violence presque
insoutenable, filmées par des milliers de Syriens : scènes de combats de
rue, de deuil, mais aussi de tortures, d'humiliations. Comment s'y
retrouver dans un tel chaos visuel ? Cette question, Ossama Mohammed ne
cesse de se la poser, dans un murmure, une sorte de recueillement qui
amortit les déflagrations. Lui reste invisible, mais on entend sa voix, à
la fois lueur, plainte, baume. Auteur reconnu de plusieurs films (dont Étoiles
de jour), ce Syrien, en exil à Paris depuis ses prises de position en
2011 contre le régime de Bachar al-Asad, confie, face aux vidéos qui
défilent, son tourment de ne pas être au côté du peuple qui se soulève.
A travers tel ou telle qu'il repère et singularise, il reconnaît sa
propre peur, ou son courage, sa vigueur, son chagrin.
Un cortège d'hommes en colère grossit, devient marée humaine. De la
neige tombe sur un cercueil ouvert et transporté à bout de bras. Un
adolescent prisonnier est contraint de lécher la botte de son bourreau.
Le cadavre d'un proche est traîné sur le sol, ramené au moyen d'un
grappin de fortune pour éviter les snipers. Qu'elles témoignent d'un
réalisme brutal ou étrange, toutes ces images nous touchent, parce que
Ossama Mohammed fait en sorte d'y inscrire son propre regard. Il monte
et démonte, compose une mosaïque de l'oraison et de la méditation.
Autour de l'horreur de la guerre et de la fascination qu'elle exerce
malgré tout.
En la personne de Wiam Simav Bedirxan, il trouve un appui inespéré.
Cette jeune femme, dont le prénom kurde signifie « eau argentée », est,
elle, plongée au coeur du conflit, à Homs. Elle entre en contact avec
lui. Un lien se crée, elle lui écrit, lui envoie ce qu'elle filme, au
jour le jour, de sa ville assiégée : un enfant qui fleurit la tombe de
son père avec un bouquet de coquelicots, des chats estropiés, dont les
va-et-vient dans les rues désertes sont un encouragement à tenir.
Fragments de poésie arrachés au réel, traces d'espoir et de larmes, sur
fond de bâtiments éventrés. De confession solitaire, le film glisse
alors vers la correspondance inédite en temps de guerre : un journal
puissant à deux voix, harmonisé de manière très fine — entre les « cling
» des mails reçus et le lamento envoûtant de la diva Noma Omran. Des
milliers de kilomètres séparent Simav et Ossama, mais les rapproche leur
amour d'un cinéma qui croit aux noces de la beauté et du combat
politique. — (Jacques Morice)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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