Envie de tourner la page. Quatre ans après la fin de
la dictature de Zine El Abidine Ben Ali, une nouvelle étape majeure de
la transition démocratique tunisienne se joue dimanche 21 décembre avec
le deuxième tour de l’élection présidentielle. C’est en effet la
première fois que les Tunisiens élisent librement leur chef de l'Etat
alors que l’ancien dictateur se faisait réélire régulièrement avec des
scores dépassant les 90%.
«Le moment est historique. Après la Révolution, c’est la reconfirmation
de la démocratie. C’est la première fois qu’on ne connaît pas le
résultat à l'avance», estime Amel Karboul, la ministre du Tourisme.
«Nous sommes en train de faire quelque chose d'aussi important que la
chute du mur de Berlin. Nous sommes en train de construire la démocratie
la plus rapide de l’Histoire de la démocratie et la moins chère en vie
humaine, s’enthousiasme Karim Ben Smaïl, le responsable de Cérès
Editions frappé par des décennies de censure. Mais tout est fragile».
La fin de la campagne électorale est en effet très tendue comme
l’illustre la présence importante de forces de l’ordre à Tunis. Selon
les autorités, de nombreux attentats djihadistes ont été déjoués, lors
de ce processus électoral qui a débuté avec les législatives du 26
octobre suivi par le premier tour de la présidentielle le 23 novembre.
Quant aux deux candidats, le président sortant Moncef Marzouki, et le
chef du parti anti-islamiste Nidaa Tounès Béji, Caïd Essebsi, sorti
vainqueur des législatives, ils ne cachent pas leur animosité.
Si le militant des droits de l'Homme, Moncef Marzouki, estime avoir
empêché le chaos par son alliance avec les islamistes d'Ennahda, il
n’hésite pas à accuser son adversaire de 87 ans d'être un représentant
de l'ancien régime. Ce dernier présente son rival comme le candidat des
«islamistes», voire même des «salafistes djihadistes».
Des attaques qui risquent de ne pas mobiliser davantage les 5,3 millions
d’électeurs. Lors du premier tour, l’élection n’avait attiré que 63%
des inscrits. Un score faible qui s’explique notamment par la faible
participation des jeunes. «Ils se sentent délaissés. Ils sont
désenchantés», analyse Neila Ben Zina, jeune chef d’entreprise
spécialisée dans les systèmes d’information. Un jeune diplômé sur trois
est sans emploi.
Malgré tout, Soumaya, 29 ans, ira voter. Elle donnera sa voix «au vieux
plutôt qu’au fou. L’avantage c’est qu’il ne fera pas plus d’un mandat».
Outre la sécurité, le chef de l’Etat et le nouveau gouvernement devront
prendre la situation économique à bras-le-corps. «Pour se faire réélire
ils vont être obligés de s’intéresser aux déshérités et aux jeunes»,
estime Marco Berrebi, un serial entrepreneur féru de dialogue par l’art
et qui a collaboré avec le photographe JR.
Ces nouveaux dirigeants auront cinq ans pour faire leur preuve. Et faire
que la Tunisie, comme le souhaite Amel Karboul, soit bel et bien un
exemple pour la région et «non une exception».
(19-12-2014 - Mathieu Bruckmüller)
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