mercredi 3 décembre 2014

Syrie : Le régime et des opposants prêts à dialoguer sous les auspices russes

De récentes visites en Russie de responsables et d'opposants syriens ont permis à Moscou d'arracher un accord sur une relance des discussions pour tenter de mettre fin à la guerre en Syrie, selon des participants des deux bords.
Il s'agit d'une acceptation de principe des deux parties sans qu'une date ne soit encore avancée pour lancer les négociations.
La Russie a reçu tour à tour en novembre un groupe d'opposants civils et militaires mené par l'ancien chef de la Coalition Moaz al-Khatib, puis une délégation du régime conduite par le ministre syrien des Affaires Étrangères Walid Mouallem.
"Les réunions avec (le président russe Vladimir) Poutine et (son ministre des Affaires étrangères Sergueï) Lavrov ont été très positives", a affirmé à l'AFP Bouthaina Chaabane, conseillère du président Bashar al-Assad et membre de la délégation.
"La Russie a pris l'initiative de rechercher sérieusement une solution politique via le dialogue avec l'opposition. Elle a reçu l'accord du gouvernement syrien", a-t-elle ajouté, jointe à Damas par téléphone.
Moscou est avec l'Iran le principal allié du régime syrien face à une rébellion armée appuyée par les pays occidentaux et arabes.
Selon une source proche de la délégation, "il n'y a pas encore de calendrier pour une discussion avec l'opposition. Les Russes voulaient savoir si nous acceptions l'idée et nous leur avons répondu qu'il n'y avait pas de problème de notre côté".
"Les Russes sont en contact avec des personnes mais nous n'avons même pas discuté de qui il s'agissait. Ils nous ont dit: 'Nous avons des contacts et si vous acceptez l'idée, nous voulons commencer à préparer un dialogue à Moscou'", a ajouté ce responsable sous couvert d'anonymat.
Au début de l'année, deux réunions s'étaient tenues à Genève sous le parrainage conjoint des États-Unis, qui soutiennent l'opposition, et de la Russie. Mais elles avaient lamentablement échoué, butant sur le maintien d'Assad au pouvoir, la lutte contre le terrorisme et le gouvernement transitoire.
- 'Moscou veut aller de l'avant' -
La situation a changé. Bachar al-Assad a été réélu en juin pour un nouveau septennat lors d'un scrutin contesté par les Occidentaux et l'opposition. La lutte contre les jihadistes du groupe État islamique, qui contrôlent une partie de la Syrie et de l'Irak, est devenue une priorité.
Dans ce contexte, le dirigeant de l'opposition modérée Moaz al-Khatib a affirmé mardi à l'AFP être prêt à discuter avec le régime pour mettre fin au carnage alors que le cap des 200.000 morts est désormais franchi.
"Pour nous, c'est dans l'intérêt du peuple syrien que nous nous asseyions une bonne fois pour trouver le moyen de mettre fin à la souffrance du peuple", a déclaré celui qui fut le président de la Coalition syrienne avant de démissionner de son poste en 2013, tout en restant une figure influente de l'opposition.
Joint au Qatar, il insiste sur la nécessité de résoudre le problème car il "affecte chaque Syrien: le régime souffre, l'opposition souffre et les gens souffrent".
Pour cela, il a décidé de faire un pas vers le régime en acceptant un maintien temporaire d'Assad au pouvoir. "Bien sûr qu'il doit partir mais l'idée que son mandat finisse à une date précise a du sens. S'il y a une vision claire à annoncer au peuple syrien, il peut y avoir un arrangement sur sa personne".
Parmi les personnes à la manoeuvre pour réunir des membres de l'opposition, outre Moaz al-Khatib, figurent Qadri Jamil, ancien figure de l'opposition et ancien vice-Premier syrien résidant à Moscou, ainsi que Haytham Manna, un opposant de longue date basé à Paris, même si chacun agit séparément.
Joint mardi par l'AFP à Moscou, M. Jamil a confirmé l'invitation de la diplomatie russe aux discussions. "Mais je ne peux pas confirmer qu'une rencontre est prévue en décembre à Moscou", a-t-il précisé, en indiquant qu'il y avait "encore des nuances à régler".
La Coalition de l'opposition est opposée à cette approche, mais elle a perdu beaucoup d'influence sur le terrain.
Pour Waddah Abdel Rabbo, rédacteur en chef du quotidien al-Watan, proche du pouvoir syrien, "il est clair que Moscou veut aller de l'avant". "Il a désormais entre ses mains une grande partie des cartes syriennes et jouit d'un poids au niveau mondial".
La situation difficile que traverse la Coalition, tiraillée entre ses deux parrains, le Qatar et l'Arabie Saoudite, combinée à la focalisation de Washington sur la lutte contre les jihadistes de l'EI ont poussé Moscou à avancer ses propres pions.
Dans ce processus, quel rôle jouent les Etats-Unis? "Nous n'avons pas posé la question à nos interlocuteurs russes mais je ne pense pas qu'ils iraient de l'avant sans en faire part aux Américains. Ils veulent essayer d'obtenir l'agrément de tous", a souligné une source proche de la délégation syrienne.

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