D’abord plutôt indifférente, la révolution de la place Tahrir ayant
été marquée par l’absence quasi totale de la rhétorique
anti-israélienne, l’opinion égyptienne manifeste depuis une hostilité
croissante à la paix avec Israël.
La rupture du contrat gazier entre Israël et l’ Égypte constitue une
nouvelle étape dans la dégradation progressive des relations entre les
deux pays depuis la révolution égyptienne de février 2011. Un incident
frontalier ayant occasionné la mort de plusieurs soldats égyptiens en
août 2011, tués par l’armée israélienne lancée à la poursuite d’auteurs
d’un attentat terroriste sur une route du sud d’Israël, avait déclenché
de violentes manifestations, qui avaient culminé par le sac de
l’ambassade israélienne au Caire en septembre. Depuis, les diplomates
israéliens n’assurent plus qu’une présence symbolique quatre jours par
semaine dans la capitale égyptienne, où ils n’arrivent plus à trouver à
louer de locaux.
Le traité de paix entre Israël et l’Égypte, signé par Begin et Sadate en
1979 à la Maison-Blanche, n’a jamais été guère plus qu’une « paix
froide » entre les deux voisins. Outre la coopération sécuritaire, et
quelques contrats tels que l’accord gazier, les deux pays n’ont jamais
établi de réelles relations commerciales ou culturelles.
Trahison de la cause arabe Si l’armée égyptienne, principale
bénéficiaire d’un accord qui lui assure depuis 1979 une colossale aide
militaire américaine, a toujours défendu le traité, l’opinion égyptienne
n’a jamais vu de réels avantages à cette paix. La rétrocession du Sinaï
par Israël n’a engendré des bénéfices que pour les puissants
investisseurs, proches de Moubarak ou généraux à la retraite, qui ont
depuis développé des stations balnéaires dans la péninsule.
Les islamistes, opposants historiques au régime Moubarak, n’ont cessé de
dénoncer la normalisation des relations avec Israël comme une trahison
de la cause arabe. Aujourd’hui majoritaires au Parlement égyptien et aux
portes du pouvoir, les islamistes ont multiplié les assurances qu’ils
ne remettraient pas en question la paix avec Israël, mais en les
assortissant de déclarations ambiguës. En coulisse, les Américains
tentent de sauvegarder un traité qui a longtemps constitué un élément
essentiel de leur politique au Moyen-Orient.
Mais l’époque de l’étroite coopération entre le Mossad et les services
de sécurité égyptiens est révolue, et les deux voisins se regardent
désormais avec une méfiance accrue. Israël a lancé au printemps dernier
des travaux de construction d’une barrière de sécurité le long de sa
frontière désertique avec le Sinaï. La région sud, longtemps l’une des
plus sûres d’Israël, connaît depuis plusieurs mois des états d’alerte
réguliers. Les vacanciers israéliens, qui se rendaient régulièrement sur
les plages du Sinaï égyptien, ont presque totalement déserté la
péninsule, les autorités israéliennes déconseillant à présent
formellement à leurs ressortissants de se rendre en Égypte.
L’armée égyptienne, avec l’accord tacite d’Israël, a quant à elle
considérablement renforcé son dispositif militaire dans le Sinaï, ce
qu’interdisait expressément le traité de paix de 1979, qui prévoyait que
seules des forces de police réduites soient stationnées dans cette
région.
Dimanche dernier, le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor
Lieberman, a expliqué avoir mis en garde Nétanyahou contre le danger
que représente à présent l’Égypte, et demandé que le commandement sud de
l’armée israélienne soit renforcé de trois divisions. « La question
égyptienne est un danger plus préoccupant que l’Iran », aurait affirmé
dans une réunion le chef de la diplomatie israélienne.
Le maréchal Tantaoui, le chef de la junte au pouvoir en Égypte depuis la
chute de Moubarak, a répliqué indirectement lundi au cours de manœuvres
dans le Sinaï en faisant savoir : « Si quelqu’un s’approchait des
frontières de l’Égypte, nous lui casserons la jambe. »
(23 avril 2012 - Adrien Jaulmes "Le Figaro")
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