dimanche 29 avril 2012

Libye : le torchon brûle entre le gouvernement et le CNT

À deux mois des élections, la rupture semble être consommée entre le gouvernement libyen et le Conseil national de transition (CNT), qui se réunit dimanche pour décider du sort du cabinet d’Abdel Rahim al-Kib. "Le sort du gouvernement sera discuté", a déclaré à l’AFP le porte-parole du CNT, Mohammed al-Harizi, peu avant la réunion qui se tient à huis clos après des déclarations virulentes de Abdel Rahim al-Kib qui avait accusé le Conseil d’"entraver" le travail de son cabinet.

Clairement vexé, le Premier ministre libyen s’en était pris mercredi au CNT, l’accusant d’"attaquer" son gouvernement au risque de compromettre la tenue en juin des élections d’une assemblée constituante. "Nous sommes bloqués par les membres du Conseil qui continuent à attaquer le gouvernement et à menacer de lui retirer leur confiance, ce qui entrave nos efforts dans l’accomplissement de nos devoirs au service de la révolution, avec en priorité la tenue des élections à la date prévue", avait déclaré Abdel Rahim al-Kib.

Le CNT n’a pas tardé à répondre, déplorant notamment "la faiblesses du rendement du gouvernement" ainsi qu’un "manque de courage dans la prise de décision", provoquant un retard dans les dossiers de sécurité, de l’intégration des ex-rebelles dans la société et le traitement des blessés du conflit libyen. Samedi soir, le porte-parole du gouvernement, Nasser al-Manaa, a dénoncé la "pression exercée par le CNT qui affecte le travail du gouvernement".

"Le CNT a le droit de retirer sa confiance du gouvernement ou d’opérer un remaniement ministériel. Mais ceci ne doit pas être fait par le biais des médias", a-t-il dit à l’AFP, ajoutant que M. al-Kib prévoyait "un remaniement ministériel très bientôt".

Des membres du CNT ont annoncé la semaine dernière à des médias l’intention du Conseil de limoger le gouvernement, certains ayant affirmé que la décision avait été déjà prise, sans qu’aucune annonce officielle soit faite. Abdel Rahim al-Kib et cinq ministres, dont ceux de la Défense et de l’Intérieur, seraient dans le collimateur, selon ces membres. La ministre de la Santé, Fatima al-Hamruch, avait indiqué vendredi sur sa page Facebook qu’une décision avait été prise par le CNT pour limoger le chef du gouvernement et cinq de ses ministres.

Abdel Rahim al-Kib avait défendu son gouvernement qui a réussi, selon lui, à améliorer la sécurité dans tout le pays, à rétablir une vie normale après un conflit armé de plusieurs mois et à résoudre les problèmes de financement en obtenant notamment le dégel des avoirs de l’ancien régime de Muammar Kadhafi, bloqués par l’Occident. Selon lui, le principal objectif de son gouvernement est la tenue des élections à la date prévue. Il avait affirmé avoir "essayé de coopérer avec le CNT pour concentrer les efforts sur les élections et atteindre ce but". "Malheureusement la priorité du Conseil ou certains de ses membres est de limoger le gouvernement", avait-il déploré dans des déclarations inédites, étalant pour la première fois sur la place publique ses différends avec le CNT.

Le président de la Haute Commission électorale chargée de préparer le scrutin de juin a, quant à lui, claqué la porte pour dénoncer un manque de collaboration du CNT, qui retarderait les préparatifs, selon un des membres de la Commission. Jason Pack, analyste à l’université de Cambridge et président de Libya-analysis.com, estime que les deux camps "se renvoient la balle" et évitent d’assumer la responsabilité d’un éventuel report des élections. "Les Libyens sont uniques dans leur incapacité d’assumer la responsabilité de quoi que ce soit", a-t-il ajouté.

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