L’invalidation de dix candidatures, dont celle d’Omar Suleimane, l’ancien chef des services de renseignement d’Hosni Moubarak, a totalement modifié la donne de l’élection présidentielle en Egypte.
Les exclusions confirmées par la commission électorale concernent également l’un des favoris du scrutin, le candidat des Frères musulmans Khaïrat al Chater qui aurait pu être porté par le récent succès du parti Liberté et Justice (PLJ) aux législatives.
Avant même que le moindre bulletin soit déposé dans les urnes, les grands bénéficiaires de ces rebondissements semblent être Amr Moussa, ancien chef de la Ligue arabe, et l’islamiste modéré Abdel Moneim Abol Futuh.
Les grands perdants de cette redistribution des cartes sont les Frères musulmans qui ne peuvent plus compter sur leur premier choix avec l’homme d’affaires al Chater et vont devoir miser sur son remplaçant.
Ce dernier sera Mohamed Morsi qui avait fait acte de candidature et remplit les formalités administratives dans l’éventualité où al Chater serait disqualifié.
"Le groupe et le parti annoncent qu’ils restent en compétition pour le poste de chef de l’Etat avec leur candidat le Dr. Mohamed Morsi", précisent les Frères dans un communiqué.
Bien que choisi par défaut, cet ingénieur de 60 ans peut compter sur la machine électorale et les relais dont dispose son mouvement et cela suffit à en faire un prétendant à surveiller pour le premier tour en mai et le second tour en juin.
"Morsi était seulement remplaçant pour une raison", explique Chadi Hamid, spécialiste du mouvement. "Chater était le seul d’entre eux qui avait vaguement une stature présidentielle. C’est un énorme revers pour les Frères".
Chater n’a guère eu de temps pour faire entendre sa voix dans la campagne mais le ton employé semblait de nature à susciter un soutien au sein du mouvement salafiste ultra-orthodoxe.
Pour cette frange de l’opinion, les choses se sont encore un peu plus compliquées avec l’exclusion du prédicateur Hazem Salah Abou Ismaïl, écarté au motif que sa mère décédée en 2010 possédait la double nationalité égyptienne et américaine.
"Ce qui faisait de Chater un candidat d’avenir était qu’il pouvait unir les factions islamistes, il pouvait rallier les salafistes. Avec Morsi, cela reste possible mais cela sera plus difficile", estime Hamid.
La candidature de Morsi pourrait également avoir pour conséquence d’affaiblir la discipline au sein du mouvement des Frères musulmans et que certains rejoignent Abol Fotuh, exclu l’an dernier et qui a décidé de tenter seul sa chance.
"Il va récupérer de nombreuses voix qui se seraient portées sur Chater et Abu Ismaïl parce que beaucoup ne sont pas convaincus par Morsi qui a été absent de l’actualité de l’Egypte au cours de la période récente", analyse le politologue Nabil Abdel Fattah.
Abol Futuh, médecin de 60 ans, appartenait à l’aile modérée des Frères jusqu’à son exclusion. Sa candidature a reçu le soutien du cheikh Youssef al Karadawi, religieux égyptien installé au Qatar dont l’influence dépasse le strict cadre du mouvement.
Abol Futuh semble également commencer à s’attirer des soutiens en dehors de la confrérie parmi les Egyptiens qui souhaitent un représentant déterminé à mener les réformes démocratiques.
Sur ce terrain électoral, il se trouve en concurrence avec Amr Moussa qui se définit lui-même comme un nationaliste libéral et qui a les faveurs de ceux qui s’inquiètent de la place grandissante prise par les islamistes depuis la chute de Moubarak il y a plus d’un an.
A 75 ans, l’ancien ministre égyptien des Affaires étrangères se retrouve au plein milieu de la bataille électorale, profitant de la cascade d’exclusions.
Moussa aurait pu souffrir de la concurrence d’Omar Suleiman, mais celui-ci étant désormais hors course, le champ apparaît libre. L’ancien secrétaire général de la Ligue arabe a prévu de lancer mercredi sa campagne dans un quartier défavorisé du Caire.
"Ces disqualifications vont certainement bénéficier à Amr Moussa et Abdul Moneim Abol Futuh qui faisaient figure de candidats de premier plan avant l’entrée en lice de Souleimane et avant que la course ne vole en éclats", a résumé Mustafa al Sayyid, professeur de science politique à l’université du Caire.
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