Le Grand Prix de Formule un du Bahreïn va s’élancer dimanche en début
d’après-midi dans une atmosphère tendue après une semaine
d’affrontements entre manifestants et policiers qui ont laissé de marbre
les pilotes, otages des enjeux politiques.
Les opposants bahreïnis dénoncent la tenue de cette course, qu’ils
voient comme une opération de relations publiques de la famille royale
sunnite après plus d’un an de répression du mouvement démocratique
impulsé par la majorité chiite dans l’élan du "printemps arabe" en
Tunisie et en Egypte.
La mort d’un manifestant de 36 ans, dans la nuit de vendredi à samedi
-la 36e victime depuis le début du soulèvement réprimé avec l’aide
militaire des pays voisins, dont l’Arabie saoudite- a ajouté aux
tensions.
Ses funérailles pourraient se dérouler dimanche si son corps est
restitué à sa famille, faisant planer le risque de nouvelles émeutes
après les affrontements qui ont opposé quotidiennement les
protestataires à la police pendant ces "jours de colère", à coups de
cocktails Molotov d’un côté, de gaz lacrymogènes, balles en caoutchouc
et grenaille de l’autre.
Le roi du Bahreïn Hamad bin Issa al Khalifa, qui assistera au Grand
Prix, a réaffirmé dans un communiqué diffusé samedi soir son "engagement
personnel à mener des réformes et la réconciliation dans notre grand
pays".
"La porte est toujours ouverte pour un dialogue sincère", a-t-il ajouté,
une déclaration accueillie avec colère par les manifestants, qui
réclamaient à l’origine de simples réformes, mais veulent désormais
"renverser le régime", a déclaré l’un d’eux samedi.
Sur certaines banderoles brandies par la foule samedi, on voyait des
caricatures de pilotes de F1 portant un uniforme de police et passant à
tabac les manifestants.
Le mutisme du monde de la Formule un, enfermé dans sa bulle du circuit
de Sakhir transformé en camp retranché, et son égoïsme à se préoccuper
de sa propre sécurité avant de penser à celle des Bahreïnis, a écoeuré
les opposants et les militants des droits de l’homme.
Jeudi, le champion du monde Sebastian Vettel a donné le ton en déclarant
peu après son arrivée que tout ce qui se disait sur la situation au
Bahreïn n’était que du battage médiatique et qu’il entendait se
concentrer "sur ce qui compte vraiment : la température des pneus, les
voitures".
L’Allemand a appliqué son programme à la lettre : dimanche, il
s’élancera de la première place sur la grille de départ du Grand Prix
-sa première pole position de la saison-, pendant que dans les villages
voisins et peut-être dans les rues de la capitale Manama, des nuages de
fumée noire continueront à s’élever des pneus incendiés en signe de
protestation.
Devant les images des violences diffusées à la télévision, un certain
malaise a cependant gagné les écuries de Formule un et les annonceurs,
dont Thomson Reuters, qui sponsorise l’équipe Williams, fait partie.
Samedi, le président de la Fédération internationale automobile (FIA),
Jean Todt, a tenté de mettre fin à la "controverse".
"Je ne suis pas sûr que tout ce qui a été raconté (dans les médias)
correspond à la réalité de ce qui se passe dans ce pays", a-t-il
déclaré, mettant notamment en cause les estimations variables du nombre
de manifestants et relativisant les violences.
"C’est quelque chose qu’on peut éviter mais ça peut arriver à n’importe
quel match de football. C’est déjà arrivé en Grande-Bretagne, en
Allemagne, en France, partout dans le monde, mais ça ne veut pas dire
qu’il faut arrêter le sport", a-t-il ajouté, qualifiant le Bahreïn de
"pays démocratique où les manifestations sont autorisées" et où "une
forte majorité de gens souhaite la course".
(22 avril 2012 - Al Oufok)
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