La visite du mufti d’Egypte Ali Gomaa à Jérusalem a fait des remous dans son pays, où la normalisation des relations avec Israël reste une question ultra-sensible.L’institution islamique d’al-Azhar, la plus prestigieuse de l’islam sunnite, devait se réunir jeudi pour évoquer cette visite, tandis que les Frères musulmans l’ont condamnée en la qualifiant de "catastrophe" pour la cause palestinienne.
L’Egypte est le premier pays arabe à avoir signé la paix avec l’Etat hébreu en 1979, mais la population comme l’intelligentsia restent largement opposées à toute normalisation des relations bilatérales tant que la paix n’aura pas été réalisée avec les Palestiniens.Le mufti Ali Gomaa, accompagné du prince jordanien Ghazi ben Mohammad, a visité mercredi pour la première fois l’esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est, occupée et annexée par Israël. Il s’est aussi rendu au Saint-Sépulcre et au Patriarcat grec-orthodoxe.
Cité par le quotidien gouvernemental Al-Ahram, il s’est défendu en assurant qu’il ne s’agissait pas d’une visite officielle. La visite "s’est déroulée sous l’entière supervision des autorités jordaniennes, sans obtenir de visa ou de tampon d’entrée israélien", a-t-il dit.La Jordanie est traditionnellement la gardienne des Mosquées d’Al-Aqsa et du Dôme du Rocher, dont elle assure l’entretien en coordination avec l’Autorité palestinienne.
"L’occupant israélien organise de nombreuses visites de juifs du monde entier à Jérusalem", a souligné le mufti, l’une des plus hautes autorités religieuses d’Egypte."Le refus de l’injustice et de l’occupation augmentera chez toute personne visitant Jérusalem, qui en reviendra avec un réveil de la cause (palestinienne) dans le coeur", a-t-il plaidé.Le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed al-Tayyeb, également cité par Al-Ahram, a indiqué ne pas avoir été consulté sur la visite et l’avoir appris par les médias. "Al-Azhar n’a jamais donné son accord aux visites à Jérusalem sous occupation israélienne", a-t-il affirmé. Le Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), issu des Frères musulmans, première force politique d’Egypte, a indiqué dans un communiqué "rejeter catégoriquement la visite du mufti Ali Gomaa à Jérusalem quelles qu’en soient les causes".
"C’est une véritable catastrophe et un coup porté à la lutte nationale qui a réussi à faire échouer toutes les tentatives de normalisation par le passé", affirme le parti, en demandant que le mufti rende des comptes afin que ce genre de visite "nuisant à la cause palestinienne" ne se répète pas.
En Jordanie, seul autre pays arabe signataire de la paix avec Israël, le ministère des Biens religieux a expliqué que la visite visait à "encourager les musulmans qui le peuvent à visiter la mosquée Al-Aqsa" et répondait à un récent appel en ce sens du président palestinien Mahmud Abbas.
En 2009, le ministre égyptien des Biens religieux de l’époque, Mohammed Hamdi Zaqzuq, avait appelé les musulmans à se rendre "en pèlerinage à Jérusalem et à la mosquée Al-Aqsa par centaines de milliers chaque année, pour obliger Israël à reconnaître la ville sainte comme capitale palestinienne".
Mais l’appel avait peu de chances d’être entendu dans un pays où la population, dans sa grande majorité, est opposée à la normalisation. L’Egypte a des relations politiques et sécuritaires avec Israël, mais les autres échanges, notamment culturels, sont bloqués.
L’Eglise copte orthodoxe d’Egypte a récemment rappelé qu’elle interdisait à ses fidèles de se rendre à Jérusalem, en réaction à la visite de centaines de chrétiens égyptiens en Terre sainte à l’occasion des fêtes de Pâques.
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