La contestation menée par des opposants chiites au Grand Prix de Formule 1 de Bahreïn a pris une tournure plus violente à la veille des essais devant débuter vendredi dans un contexte de sécurité renforcée.
Un calme apparent régnait cependant jeudi autour du circuit de Sakhir, au sud de Manama et le pilote espagnol Pedro de la Rosa (HRT), président de l’Association des pilotes de Grand Prix (GPDA), a déclaré ne pas être inquiet.
"Notre opinion, c’est que nous ne connaissons pas assez bien la situation ici à Bahreïn pour avoir une opinion et nous faisons confiance aux gens qui se sont renseignés, c’est-à-dire la FIA", a affirmé de la Rosa qui dit "n’avoir pas cherché d’autres détails. Nous faisons confiance aux gens qui l’ont fait".
"Nous sommes des sportifs et notre objectif est d’être bons sur la piste, point final", a ajouté de la Rosa, qui n’a pas adopté de mesures de sécurité particulières par rapport à ses précédentes visites dans le Royaume.
Avant l’aube, de nombreux villages chiites ont connu de violents heurts entre manifestants et policiers, avec le début de "trois jours de colère" coïncidant avec ceux de la course, à la suite des appels lancés par un mouvement d’opposants baptisé les "Jeunes du 14 février".
Selon des témoins, des centaines de manifestants se sont rassemblés à l’entrée de villages chiites, scandant "le peuple veut le chute du régime", ou encore "A bas Hamad", en référence au roi Hamad ben Issa Al-Khalifa.
Les forces de l’ordre ont utilisé des bombes lacrymogènes et des bombes assourdissantes pour les disperser. Les manifestants ont répliqué par des jets de cocktails Molotov, ont ajouté les témoins.
"Le village de Sanabès (près de Manama) a connu les affrontements les plus violents", a indiqué l’un d’eux, Mohamed Jassem, assurant que la police avait tiré avec des cartouches de chevrotine, blessant de nombreuses personnes.
Sur les réseaux sociaux, les "Jeunes du 14 février", sans lien organique avec le Wefaq, principal mouvement de l’opposition chiite, qui a également appelé à une mobilisation à l’occasion de la course, ont posté des slogans hostiles au Grand prix de dimanche.
Le Wefaq n’a jamais appelé clairement, comme les "Jeunes du 14 février", à annuler la course qui a été supprimée l’an dernier en raison de violentes manifestations. Pourtant, il n’a pas reçu l’autorisation d’organiser jeudi une manifestation dans le centre de Manama, selon le ministère de l’Intérieur.
"Le Grand Prix est perçu comme lié aux figures du régime et comme un évènement qui ne profite pas aux gens ordinaires", analyse l’opposant Nabil Rajab. Il dit craindre une escalade de la violence avec la participation aux manifestations de groupes de jeunes qui ne sont pas encadrés politiquement et qui, pour défiler, ne demandent aucune autorisation aux autorités.
Les mesures de sécurité ont été renforcées autour de cet évènement sportif dont la tenue en pleine crise politique a été aussi critiquée par des organisations des droits de l’Homme internationales.
Les organisateurs ont accroché des milliers d’affiches proclamant : "Bahreïn, une seule nation (le GP) une seule célébration".
Les opposants ont, eux, peint sur des murs : "Non à la Formule 1 du sang", ou "Nous demandons la liberté, non la Formule 1" et "Nous sommes des humains sans droits".
En rentrant du circuit mercredi soir, des mécaniciens de l’écurie indienne Force India ont été pris dans un affrontement. Un cocktail Molotov a explosé devant leur voiture mais aucun des occupants n’a été blessé.
Bahreïn est la seule monarchie du Golfe où les chiites sont majoritaires. La répression du mouvement de contestation de février à mars 2011 avait fait 35 morts, dont cinq sous la torture, selon une commission d’enquête indépendante.
Amnesty International parle de 60 morts depuis le début de la contestation, les manifestations antigouvernementales ayant repris en juin après la levée de l’état d’urgence, malgré la répression.
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