vendredi 13 avril 2012

La Syrie a un besoin urgent d’"aide humanitaire massive"

La Syrie, déchirée par plus d’un an de violences, a un besoin pressant d’"aide humanitaire massive", a estimé vendredi à Oslo le conseiller technique de l’émissaire international Kofi Annan. "Si les parties continuent de respecter l’accord de cessez-le-feu, il est extrêmement important d’ouvrir la voie à une aide humanitaire massive aussi rapidement que possible", a déclaré le général norvégien Robert Modd, affirmant qu’un million de Syriens étaient privés de nourriture, de couvertures, d’eau. "Mais il y a aussi un besoin de reconstruction. Les destructions sont tellement importantes dans certaines de ces villes qu’écoles, cliniques, institutions publiques sont totalement démolies et doivent être reconstruites", a-t-il dit lors d’un point de presse. Ses propos font écho à ceux de Kofi Annan qui a demandé le même jour, par la voix de son porte-parole, l’ouverture de "couloirs humanitaires". Sur le terrain, conformément au plan de paix de Kofi Annan, le régime du président Bashar el-Assad et les forces d’opposition observent depuis jeudi 5 heures un cessez-le-feu même si quelques violations ont été rapportées. "Le cessez-le-feu semble être respecté avec quelques nuances. Il est inquiétant de voir des informations non confirmées faisant état de violences à Homs et dans la zone frontalière, mais l’impression principale, c’est que la trêve est respectée", a précisé l’officier norvégien. "Le fait qu’on observe aujourd’hui une quasi-cessation des opérations de combat est le signe que les parties sont bien déterminées à basculer sur une autre voie" que celle de la violence, a-t-il ajouté.

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Les manifestants à nouveau pris pour cible
Trois manifestants ont été abattus par les forces de sécurité selon une ONG, tandis que des dizaines de milliers de Syriens défilaient contre le régime vendredi, journée-test pour le fragile cessez-le-feu instauré la veille. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a fait état de la mort d’un civil tué par les forces de sécurité à Hama (centre), théâtre de manifestations géantes à l’été 2011, ajoutant que deux autres civils avaient été abattus dans les régions d’Idleb (nord ouest) et de Deraa (sud).
Cette organisation basée en Grande-Bretagne a fait état de manifestations dans plusieurs quartiers de Damas, qui ont également essuyé des tirs, et de manifestations "massives" dans la région d’Idleb et dans la province de Deraa, berceau de la contestation dans le sud du pays. La communauté internationale souhaite malgré tout profiter de l’accalmie constatée jeudi pour envoyer des observateurs dans le pays afin d’évaluer l’application sur le terrain du plan de paix de l’émissaire international Kofi Annan, qui a demandé vendredi l’ouverture de "couloirs humanitaires" en Syrie.
Pouvoir et opposition ont signalé des violations du cessez-le-feu. Les militants soulignent notamment qu’en dépit du plan Annan, chars et troupes sont toujours déployés dans les villes, bloquant en certains endroits les accès aux mosquées, point habituel de départ des manifestations en Syrie. Pour les militants comme pour les experts, cette journée placée sous le slogan de "la Révolution pour tous les Syriens" est un test pour le régime, qui a réprimé pendant plus d’un an la contestation dans le sang.
"Dès lors que les troupes sont obligées d’alléger la pression, les Syriens peuvent décider par eux-mêmes de se joindre ou pas à cette révolution populaire", estime Karim Bitar, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste du Proche et Moyen-Orient. Le plan en six points de Kofi Annan prévoit, outre la cessation des hostilités, le retrait de l’armée des villes et le "droit de manifester pacifiquement" notamment. Damas a toutefois rappelé que toute personne souhaitant manifester devait en demander l’autorisation au préalable.
Le Conseil national syrien (CNS) a appelé à poursuivre la mobilisation pour obtenir la chute du président Bashar el-Assad, seul chef d’État contesté dans le cadre du Printemps arabe toujours en place. Après une journée relativement calme jeudi, des combats à l’arme lourde ont eu lieu vendredi dans la province d’Idleb, à la frontière avec la Turquie, selon l’OSDH, fragilisant un peu plus la trêve. L’agence officielle syrienne Sana a annoncé l’assassinat d’un officier dans la nuit de jeudi à vendredi à Jaramana, dans la banlieue de Damas, perpétré par des "terroristes" - terme utilisé par les autorités pour désigner les rebelles.
Devant le Conseil de sécurité de l’ONU, Kofi Annan a estimé que, techniquement, Damas n’avait pas respecté son plan mais que le fragile cessez-le-feu était "une chance à saisir", tandis que le patron des Nations unies, Ban Ki-moon, a dit vouloir "envoyer une équipe d’observateurs le plus rapidement possible". Le général norvégien Robert Mood, à la tête d’une mission technique de l’ONU, sera à nouveau en Syrie vendredi pour préparer leur arrivée, après qu’un projet de résolution en ce sens a été déposé jeudi soir l’ONU. Le Conseil de sécurité de l’ONU pourrait l’adopter vendredi, a précisé l’ambassadeur russe Vitali Tchourkine.
Le projet prévoit l’envoi d’une "équipe avancée de quelques dizaines d’observateurs dans les jours qui viennent et dans la foulée d’une force qui pourrait être de plusieurs centaines" d’observateurs, a détaillé le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé. Le texte "exige en plus que le gouvernement syrien retire ses troupes et ses armes lourdes des agglomérations et les cantonnent dans leurs casernes". Le président français Nicolas Sarkozy, disant ne pas croire à la "sincérité" de Bashar el-Assad ni au cessez-le-feu, a estimé qu’il fallait "absolument déployer des observateurs", avis partagé par les ministres des Affaires étrangères du G8.
Jeudi, l’OSDH a fait état de 10 morts, dont sept civils, un bilan qui marque une nette rupture avec ces derniers mois, au cours desquels l’ONG recensait chaque jour plusieurs dizaines de morts. Moscou, grand allié de Damas, va déployer "en permanence" des navires de sa flotte près des côtes syriennes, a indiqué l’agence d’État Ria Novosti.

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