Des dizaines de milliers de Tunisiens ont manifesté dans la nuit de
mardi à mercredi en banlieue de Tunis pour obtenir le départ du
gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda qui sont empêtrés dans
une profonde crise déclenchée par l’assassinat d’un opposant fin
juillet.
Quelques heures plus tôt, le président de l’Assemblée nationale
constituante (ANC), Mustapha Ben Jaafar, annonçait suspendre les travaux
de ce Parlement pour tenter de forcer Ennahda et leurs détracteurs à
venir à la table des négociations.
Les manifestants, qui étaient au moins 40.000 vers 22H30 (21H30 GMT)
selon un responsable policier, scandaient "le peuple veut la chute du
régime" ou encore "le gouvernement va tomber aujourd’hui". Des
représentants de l’opposition ont évoqué dans les médias des chiffres
allant de 100 à 200.000 personnes.
Vers 01H00, aucun incident n’avait été signalé et la manifestation touchait à sa fin.
L’hétéroclite coalition d’opposition, de l’extrême gauche au
centre-droit soutenu par le puissant syndicat UGTT, organise chaque nuit
des rassemblements contre le pouvoir depuis l’assassinat du député
Mohamed Brahmi le 25 juillet, attribué à la mouvance salafiste. Cette
manifestation est de loin la plus importante depuis le début de la
contestation.
De nombreux manifestants tenaient des portraits de cet élu et de l’opposant Chokri Belaïd, tué il y a six mois, le 6 février.
"C’est un rassemblement (...) pour l’espoir pour une deuxième république
dans laquelle les objectifs de la révolution (de janvier 2011) seront
réalisés", a jugé Mohsen Marzouk, un dirigeant du parti Nidaa Tounes.
Les détracteurs d’Ennahda, le parti islamiste au pouvoir accusé d’être
responsable de l’essor des jihadistes, réclament en choeur un
gouvernement de salut national. Une partie d’entre eux veulent aussi la
dissolution de la constituante dont les travaux sont paralysés depuis
des mois.
Les islamistes ont rejeté ces revendications, proposant en retour
d’élargir la coalition gouvernementale et des élections en décembre.
"Dans les régimes démocratiques, les manifestations ne changent pas les
gouvernements", a jugé Rached Ghannouchi, chef d’Ennahda dans le journal
La Presse.
Tentant d’arracher l’ouverture de négociations, le président de l’ANC a
annoncé à la télévision geler les travaux de cet organe qui ne parvient
pas à achever la constitution 21 mois après son élection et deux ans et
demi après la révolution.
"J’assume ma responsabilité de président de l’ANC et suspends les
travaux de l’assemblée jusqu’au début d’un dialogue", a dit cet allié
laïque d’Ennahda, estimant que "les Tunisiens en ont marre".
Ni le gouvernement, ni la présidence, ni Ennahda n’avaient réagi dans la
soirée, alors que dans les rangs de l’opposition on évoquait une
initiative positive mais insuffisante.
"C’est une victoire pour la rue, mais ce n’est pas suffisant", a jugé la député Maya Jribi, du Parti républicain.
"C’est un premier pas vers l’apaisement (...) mais ce n’est pas
suffisant, il faut aller jusqu’à la dissolution de l’ANC et la chute du
gouvernement", a souligné Mahmoud Baroudi du parti Massar.
La Tunisie ne cesse d’être déstabilisée par l’essor de groupes
islamistes violents mais aussi par des conflits sociaux nourris par la
misère, un des facteurs clé de la révolution de 2011.
L’ANC s’est réunie mardi matin, malgré le boycott d’une soixantaine de députés, pour débattre de la menace "terroriste".
Outre la traque des assassins des opposants, une opération militaire
"aérienne et terrestre" d’ampleur est en cours au Mont Chaambi depuis
jeudi, à la frontière algérienne, pour "éradiquer" un groupe armé lié à
Al-Qaïda responsable de la mort de dix militaires depuis le 29 juillet.
La police a mené ces derniers jours une série d’opérations contre des
cellules préparant, selon les autorités, des attentats. Un "terroriste",
le second depuis vendredi, a été tué mardi par les forces de l’ordre en
banlieue de Tunis.
Le Premier ministre Ali Larayedh a de son côté dénoncé les
manifestations, estimant qu’elles minaient les efforts des forces de
sécurité.
"La multiplication des manifestations et des sit-in perturbe les agents
des forces de sécurité qui sont obligés d’être dans les rues alors
qu’ils devraient participer à des opérations de lutte contre le
terrorisme", a-t-il déclaré.
"Nous étions les initiateurs du Printemps arabe, soyons les initiateurs
d’un état démocratique par des moyens pacifiques", a dit le chef du
gouvernement.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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