L’opposition syrienne a affirmé mercredi que le régime avait tué 1 300
personnes dans une attaque chimique près de Damas, mais la Russie,
alliée de Bashar el-Assad, l’a accusée d’avoir monté une provocation.
Même si le régime a catégoriquement démenti avoir utilisé des armes
chimiques, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a évoqué
un bilan d’au moins 136 morts. L’attaque est l’une des plus violentes du
conflit et a suscité une vague de condamnations internationale.
Réunis mercredi à huis clos, les membres du Conseil de sécurité (France,
États-Unis, Royaume-Uni, Luxembourg et Corée du Sud) veulent "faire la
lumière" sur les accusations d’utilisation d’armes chimiques près de
Damas et "saluent la détermination" de l’ONU à enquêter, a déclaré
mercredi la présidente du Conseil, l’ambassadrice argentine María
Cristina Perceval. Mais ils n’ont pas adopté de déclaration formelle sur
la question, la Russie et la Chine y étant opposées, selon des
diplomates. De nombreux pays ainsi que la Ligue arabe ont demandé que
les experts des Nations unies, arrivés dimanche en Syrie pour enquêter
sur l’usage éventuel de telles armes dans le conflit, se rendent
immédiatement sur les lieux.
Les États-Unis ont également réclamé mercredi un "accès immédiat" de
l’ONU au site d’une attaque chimique à grande échelle dénoncée par
l’opposition en Syrie, mais ont refusé de parler d’une "ligne rouge" qui
aurait été franchie par Damas. Les accusations sur ce massacre présumé,
photos de cadavres de jeunes enfants à l’appui, ont été proférées un an
et un jour après que le président américain Barack Obama eut prévenu
que le recours par le régime de Bashar el-Assad à son stock d’armes
chimiques constituerait une "ligne rouge". Des vidéos diffusées par des
militants montrent des enfants inanimés étendus sur le sol à côté de
corps d’hommes qui ne portent aucune trace de sang. Sur l’une d’elles,
du personnel soignant tente de mettre aux enfants des masques à oxygène
pour les aider à respirer, alors que des médecins essaient de ranimer
d’autres qui semblent inconscients.
Une autre vidéo montre une fillette d’une dizaine d’années étendue sur
une civière et répétant, les mains sur le visage et paniquée : "Je suis
vivante, je suis vivante..." Un des chefs de l’opposition, George Sabra,
a avancé devant la presse à Istanbul le chiffre de 1 300 morts dans
plusieurs localités autour de Damas et a estimé que ce carnage rendait
toute solution politique impossible. Selon lui, "le régime syrien se
moque de l’ONU et des grandes puissances quand il frappe près de Damas
avec des armes chimique alors que la commission d’enquête internationale
se trouve à quelque pas des victimes et des régions sinistrées".
George Sabra a aussi accusé la communauté internationale de complicité :
"L’indécision américaine nous tue. Le silence de nos amis nous tue.
L’indifférence des Arabes et des musulmans, l’hypocrisie du monde que
nous croyions libre nous tuent." Le directeur de l’OSDH, Rami Abdel
Rahman, qui n’a pas confirmé l’usage d’armes chimiques, a fait état
d’au moins 136 morts, tout en assurant ce bilan risquait d’augmenter
compte tenu de la violence du bombardement qui a continué dans la
journée. L’opération s’est concentrée sur Muwadamiya al-Cham, au
sud-ouest de la capitale, que l’armée cherche à reprendre, a précisé
l’OSDH, qui s’appuie sur un large réseau de militants et de sources
médicales.
Plusieurs experts se sont montrés prudents. Paula Vanninen, directrice
de Verifin, l’Institut finnois pour la vérification de la convention des
armes chimiques, a déclaré "n’être pas totalement convaincue" qu’il
s’agisse d’une attaque au gaz innervant. "Les personnes qui aident les
victimes ne portent pas de vêtements de protection ni de masques et si
c’était le cas, elles auraient été contaminées et victimes des mêmes
symptômes", a-t-elle relevé sur les vidéos. Pour Gwyn Winfield,
directeur du magazine CBRNe World, spécialisée dans les armes chimiques,
"il n’existe aucune information indiquant que les médecins ou des
infirmières ont succombé, ce qui laisse à penser que ce n’est pas ce que
nous considérons comme du gaz sarin militaire, mais pourrait être un
gaz sarin dilué", a-t-il indiqué.
Le ministre israélien de la Défense, Moshé Yaalon, a pour sa part
affirmé qu’il s’agissait bien d’une attaque chimique et que ce n’était
"pas la première fois". Les autorités syriennes ont cependant dénoncé
des accusations "nulles et non avenues et totalement infondées", selon
un communiqué de l’armée lu par un officier à la télévision. Le
ministère syrien des Affaires étrangères a estimé que "ces mensonges
visent à faire dévier la commission d’enquête de sa mission".
Le Russie a elle aussi accusé l’opposition d’avoir "planifié à l’avance
une provocation". Le ministre britannique des Affaires étrangères
William Hague a cependant espéré que les alliés de Bashar el-Assad se
"réveillent" et "réalisent sa nature criminelle et barbare", tandis que
le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon se disait "scandalisé" et la
chancelière allemande Angela Merkel évoquait "un crime effroyable".
"Si le gouvernement syrien n’a rien à cacher, il facilitera l’accès
immédiat et sans entraves de l’ONU au site" de l’attaque présumée, a
insisté un porte-parole de la Maison-Blanche. L’accord entre Damas et
l’ONU limite la mission d’enquête à Khan al-Assal (près d’Alep), Ataybé,
près de Damas, et à Homs (centre). Mais selon un porte-parole de l’ONU à
New York, les inspecteurs étaient mercredi "en discussion" avec les
autorités syriennes à propos d’autres accusations, dont celles de
mercredi.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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