Le gouvernement tunisien a accusé mardi le mouvement djihadiste Ansar
Ashariaa, longtemps toléré, de liens avec al-Qaida et d’être responsable
des actes de "terrorisme" qui déstabilisent le pays depuis la
révolution de janvier 2011, notamment les assassinats d’opposants.
Ce mouvement "est responsable des assassinats de [l’opposant de gauche
Chokri] Belaïd et [du député Mohamed] Brahmi ainsi que de nos martyrs de
la police et de l’armée nationale", a déclaré, sans détailler les
preuves, Ali Larayedh, le Premier ministre issu d’Ennahda, le parti
islamiste au pouvoir. "Nous avons décidé de classer Ansar Ashariaa
[Partisans de la loi islamique en arabe, NDLR] comme organisation
terroriste", a-t-il ajouté au cours d’une conférence de presse, alors
que son gouvernement est très critiqué face à l’essor des groupes
djihadistes. "Ansar Ashariaa est en liaison avec Aqmi et d’autres
personnalités terroristes", a encore dit M. Larayedh, assurant que la
Tunisie luttera contre ce groupe, "quels que soient les sacrifices".
L’assassinat en février de Chokri Belaïd avait entraîné la chute d’un
premier gouvernement dirigé par Ennahda.
Celui de Mohamed Brahmi le 25 juillet a aussi provoqué une profonde
crise politique toujours en cours, l’opposition réclamant la mise en
place sans délai d’un cabinet apolitique, ce que les islamistes refusent
pour éviter un vide institutionnel, le pays n’ayant ni Constitution ni
loi électorale.
Si les autorités avaient déjà indiqué que des membres d’Ansar Ashariaa
avaient participé à ces crimes, elles n’avaient jamais accusé
l’organisation d’en être responsable. Une large partie de l’opposition
et de la société civile tunisienne réclamait depuis des mois le
démantèlement de ce groupe dirigé par Abou Iyadh, un vétéran d’al-Qaida
en Afghanistan accusé d’avoir organisé l’attaque en septembre 2012 de
l’ambassade des États-Unis à Tunis. Les dirigeants d’Ennahda s’y sont
refusés, indiquant ne pas vouloir lancer une chasse aux sorcières comme
celle dont ils avaient été victimes sous le régime de Zine el-Abidine
Ben Ali, renversé par la révolution de janvier 2011.
Ali Larayedh a par ailleurs accusé Ansar Ashariaa d’être derrière la
cellule armée que les forces tunisiennes pourchassent à la frontière
avec l’Algérie, au mont Chaambi, depuis décembre. Une quinzaine de
militaires y ont été tués. "Cette organisation est impliquée dans les
opérations terroristes commises en Tunisie", a-t-il ajouté. "Elle est
responsable d’un réseau de stockage d’armes, elle est responsable de la
planification d’assassinats, d’attaques contre des postes des forces de
sécurité, de l’armée", a-t-il assuré, indiquant qu’il se basait sur des
preuves et des "aveux de suspects". "Toute personne appartenant à cette
organisation doit assumer la responsabilité entière de son appartenance à
une organisation terroriste", a encore déclaré le chef de gouvernement.
La loi antiterroriste adoptée en 2003 sous le régime de Ben Ali est
toujours en vigueur bien qu’elle soit décriée en raison des atteintes
aux droits de l’homme qu’elle permet, selon les ONG.
Ansar Ashariaa, fondée peu après la révolution de 2011, revendique
quelque 40 000 partisans en Tunisie. Cette organisation a toujours
démenti toute participation à des actions armées en Tunisie, considérant
le pays comme une terre de prédication. Abou Iyadh, contre qui a un
mandat d’arrêt international a été lancé, selon M. Larayedh, avait
cependant menacé le gouvernement de "guerre" en mai dernier à la suite
de l’interdiction du congrès annuel du mouvement. Aqmi a pour sa part
publié plusieurs communiqués de soutien à cette organisation.
En fuite depuis septembre 2012 et l’attaque de l’ambassade américaine,
Abou Iyadh, de son vrai nom Saif Allah Bin Hussein, a été emprisonné de
2003 à 2011 en Tunisie. Avant son arrestation, il était l’un des deux
chefs du Groupe combattant tunisien en Afghanistan, la cellule
d’al-Qaida qui avait organisé l’attentat-suicide ayant coûté la vie deux
jours avant les attentats du 11 septembre 2001 au commandant Massoud,
le chef de la résistance aux talibans.
Depuis l’assassinat de l’opposant Mohamed Brahmi, l’opposition réclame
le départ d’Ennahda du pouvoir, soulignant que le gouvernement avait
avant tout failli sur le plan sécuritaire face à l’essor de la mouvance
djihadiste.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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