mercredi 28 août 2013

Syrie : réunion du Conseil de sécurité, Damas met en garde l’Occident

Les ambassadeurs des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Chine) examinent mercredi à New York un projet britannique de résolution sur la Syrie.
Cette résolution ouvrirait la voie à un recours à la force contre le régime syrien, accusé d’avoir utilisé des armes chimiques, mais devrait se heurter à l’opposition de Moscou qui exige un rapport des enquêteurs de l’ONU avant toute décision.
Le Premier ministre syrien, Waël al-Halqi, a prévenu les pays occidentaux que son pays serait le "cimetière des envahisseurs" en cas d’intervention militaire.
"La Syrie (...) va surprendre les agresseurs comme elle les a surpris pendant la guerre (israélo-arabe) d’Octobre (1973) et sera le cimetière des agresseurs", a indiqué le Premier ministre cité par la télévision d’Etat.
Selon un haut responsable américain, les Etats-Unis, qui accusent le régime de Bashar al-Assad d’une attaque meurtrière au gaz toxique le 21 août près de Damas, écartent une action militaire unilatérale et ont discuté avec leurs alliés d’éventuelles frappes qui pourraient durer plus d’un jour.
"Le Royaume-Uni a rédigé une résolution condamnant l’attaque à l’arme chimique par (le président) Assad et autorisant les mesures nécessaires pour protéger les civils", a annoncé le Premier ministre britannique David Cameron sur Twitter.
Mais la Russie, qui a bloqué avec la Chine par le passé plusieurs résolutions menaçant de sanctions le régime syrien, a jugé "inopportun" une telle réunion avant que les inspecteurs de l’ONU en Syrie n’aient présenté leur rapport sur l’attaque chimique présumée.
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a également mis en garde contre une frappe, évoquant un risque de "déstabilisation supplémentaire de la situation dans le pays et la région", tandis que le Guide suprême iranien Ali Khamenei, dont le pays est un autre allié de Damas, jugeait qu’une action militaire "serait un désastre pour la région".
Ces dernières heures, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne notamment s’étaient déclarés prêts à agir, non pas pour renverser le régime syrien, mais pour le "dissuader" d’avoir de nouveau recours à des gaz toxiques.
Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague avait même estimé lundi qu’une action serait possible sans aval du Conseil de sécurité. Mais plusieurs pays, dont l’Italie et la Norvège, se sont dits opposés à toute intervention en l’absence de mandat de l’ONU.
L’envoyé spécial de la Ligue arabe et de l’ONU, Lakhdar Brahimi, a lui-même averti que le feu vert du Conseil était nécessaire.
Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a appelé de son côté les membres du Conseil de sécurité "à s’unir afin d’agir pour la paix" en Syrie, en condamnant l’utilisation en général des armes chimiques mais sans se prononcer sur l’opportunité d’une frappe.
M. Cameron et le président américain Barack Obama n’ont "aucun doute sur la responsabilité du régime" syrien dans l’"attaque chimique" meurtrière, a déclaré Downing Street, pour justifier une éventuelle intervention.
Le gouvernement américain doit rendre publique cette semaine une partie d’un rapport des services de renseignement étayant la responsabilité du régime.
Selon le magazine américain Foreign Policy, la conviction américaine se base notamment sur l’interception de conversations téléphoniques entre un responsable du ministère syrien de la Défense et le chef de l’unité des armes chimiques.
Un haut responsable américain a souligné que si les Etats-Unis n’intervenaient pas militairement, cela enverrait un dangereux signal aux autres régimes disposant de stocks d’armes chimiques, notamment la Corée du Nord. Il n’a néanmoins pas voulu préciser si le plan d’attaque prévoyait d’aller au-delà de l’utilisation de missiles de croisière et s’il nécessiterait d’envoyer des avions de combat dans l’espace aérien syrien.
Le président français François Hollande s’est dit lui aussi "prêt" à intervenir militairement pour "punir" Damas qui a "gazé" son peuple. Le Parlement français est convoqué mercredi prochain pour une session extraordinaire.
Selon Ahmad Ramadan, dirigeant de la Coalition de l’opposition, une éventuelle frappe est une "question de jours" et parmi "les cibles éventuelles" figurent des aéroports, bases militaires et dépôts d’armes. Des discussions ont eu lieu à ce sujet selon lui entre la Coalition, les rebelles et des "pays alliés".
Le régime syrien, qui affirme n’avoir "jamais utilisé d’armes chimiques", a averti qu’il se défendrait en cas de frappe. "Nous avons des moyens de défense qui vont surprendre", a affirmé le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem.
Mais à Damas, la perspective d’une intervention a semé la peur. "Ma mère est terrifiée, car nous vivons tout près du siège de l’état-major et ça, c’est une vraie cible", a déclaré à l’AFP Mohammad, 35 ans.
Le représentant de la Syrie à l’ONU, Bashar al-Jaafaria, a accusé les rebelles d’avoir "utilisé des armes chimiques dans le but d’entraîner une intervention militaire étrangère".
Sur le terrain, après une suspension de leur mission la veille pour des raisons de sécurité, les experts de l’organisation ont repris leur travail mercredi matin dans la Ghouta orientale, près de Damas, selon le conseil militaire local des rebelles qui a assuré qu’ils étaient sous sa protection.
Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a indiqué mercredi que les experts nécessitaient quatre jours pour achever leur travail sur place. Selon l’opposition, le régime a utilisé le 21 août des gaz toxiques à Muwadamiyat al-Cham et dans la Ghuta orientale, deux régions contrôlées par les rebelles à l’ouest et à l’est de Damas, tuant des centaines de personnes.
Lundi, les experts s’étaient rendus à Muwadamiyat al-Cham, où ils avaient effectué, selon l’ONU, une collecte "productive" de preuves, malgré des conditions de travail "difficiles", leur convoi ayant dans un premier temps essuyé des tirs de snipers.
Les rebelles ont pour leur part affirmé mercredi avoir tiré des roquettes sur le centre de Damas, ajoutant qu’il s’agit de "représailles" à l’attaque chimique imputée au régime, alors que des combats violents faisaient rage près de la capitale.
L’armée israélienne continuait par ailleurs à se préparer à l’éventualité d’une intervention militaire en Syrie qui pourrait déborder à la frontière nord d’Israël.

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L’Otan condamne les armes chimiques, mais reste en marge d’une éventuelle opération
L’Otan a jugé mercredi "inacceptable" l’usage d’armes chimiques en Syrie par le régime de Bashar el-Assad et a estimé qu’il ne pouvait pas rester sans réponse, même si une intervention directe de l’Alliance atlantique n’est pas à l’ordre du jour, selon une source diplomatique. "Nous condamnons dans les termes les plus forts les attaques scandaleuses" survenues le 21 août dans la région de Damas, a déclaré dans un communiqué le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen.
"Les informations disponibles, issues d’un grand nombre de sources, désignent le régime syrien comme responsable de l’utilisation d’armes chimiques lors de ces attaques", a ajouté Anders Fogh Rasmussen, qui s’exprimait à l’issue d’une réunion à Bruxelles des ambassadeurs de l’Otan consacrée à la situation en Syrie. Il a aussi souligné que le régime de Damas "dispose d’un stock d’armements chimiques".
"Tout usage de telles armes est inacceptable et ne peut pas rester sans réponse. Ceux qui en sont responsables devront rendre des comptes", a ajouté le secrétaire général de l’Otan, alors que Paris, Londres et Washington, trois des membres les plus importants de l’Otan, semblent préparer une action armée contre Damas. "Nous considérons l’utilisation d’armes chimiques comme une menace pour la paix et la sécurité internationales", ajoute Anders Fogh Rasmussen, ce qui pourrait justifier une intervention étrangère au regard du droit international.
"Nous continuerons les consultations et à examiner de très près la situation en Syrie", a ajouté le secrétaire général de l’Otan. Toutefois, la discussion mercredi des ambassadeurs des 28 États membres est restée très générale et n’a pas porté sur une éventuelle implication de l’Otan dans une opération en Syrie, a indiqué un diplomate. "Ce n’est clairement pas à l’ordre du jour", a assuré cette source ayant requis l’anonymat.

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La Syrie accuse l’Occident d’avoir encouragé les rebelles à utiliser du gaz sarin
Le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Meqdad a accusé l’Occident d’avoir encouragé les rebelles à utiliser du gaz sarin à plusieurs reprises en Syrie. "Les groupes terroristes (terme désignant les rebelles dans la terminologie officielle) ont fait usage de gaz sarin dans plusieurs points du pays (...), avec les encouragements américain, britannique et français", a-t-il dit aux journalistes.
Parlant aux journalistes à la fin de son entretien à l’hôtel Four Seasons de Damas avec la responsable de l’ONU pour le désarmement Angela Kane, le ministre syrien a mis ces pays en garde. "Il faut que cessent les encouragements de ces pays occidentaux, car en défendant ces terroristes et en adoptant leurs propos, ces groupes retourneront prochainement les armes chimiques contre les peuples d’Europe."
Angela Kane se trouve à Damas en compagnie d’experts des Nations unies qui enquêtent sur une attaque présumée aux armes chimiques le 21 août près de Damas. Auparavant, l’ambassadeur de Syrie à l’ONU Bashar el-Jaafari avait affirmé dans une interview reprise mercredi par l’agence Sana que "beaucoup de données (tendaient) à prouver l’innocence du gouvernement syrien" et avait dénoncé "une accusation fallacieuse".
Ces données prouvent également que les "groupes armés ont utilisé des armes chimiques dans le but d’entraîner une intervention militaire étrangère et une agression contre la Syrie", a assuré l’ambassadeur.

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