vendredi 30 août 2013

Syrie : que change le retrait britannique ? (Armin Arefi)

C’est une claque qu’a reçue jeudi soir David Cameron. Le Premier ministre britannique, qui avait été l’un des premiers dirigeants occidentaux à évoquer une intervention occidentale en Syrie après l’attaque chimique perpétrée le 21 août à Damas, a essuyé un cinglant revers de la part de la Chambre des communes britannique. Sa motion gouvernementale, qui proposait une action militaire "légale et proportionnée", a été rejetée par 285 députés contre 272.
"Il est clair que le Parlement britannique ne veut pas d’intervention militaire britannique. Je prends note et le gouvernement agira en conséquence", a réagi le chef du gouvernement britannique devant les députés. À l’évidence, le Royaume-Uni ne participera pas à une intervention occidentale en Syrie, annoncée depuis plusieurs jours comme "imminente". Il s’agit de la "pire humiliation de son mandat", titrait ce vendredi le Times de Londres. Contrairement aux États-Unis et à la France, le Royaume-Uni est un régime parlementaire. David Cameron devait donc recevoir l’aval de la Chambre des communes avant toute intervention. Mais ce refus marque un sérieux revers pour la diplomatie occidentale, et pour l’Europe.
C’est que les discours de fermeté affichés à Londres, Paris et Washington, depuis une semaine, ont peu à peu laissé la place à un curieux attentisme. La Maison-Blanche, qui annonçait mardi qu’elle n’avait "aucun doute" quant à la responsabilité de Damas dans le raid chimique, affirmait le lendemain n’avoir toujours pas pris de décision sur une intervention, tout comme elle n’avait pas publié le rapport du renseignement américain contenant, selon elle, les preuves irréfutables de l’implication du régime syrien.
De la même façon, François Hollande, qui avait retrouvé mardi son costume de "chef de guerre", se disant "prêt à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents", a ensuite fait preuve de beaucoup plus de retenue en rappelant jeudi la nécessité "d’une solution politique" en Syrie. Avec le retrait britannique, la coalition perd donc l’un de ses plus fermes alliés, qui avait pourtant déjà dépêché jeudi six avions de chasse à Chypre.
Ce désistement peut-il bouleverser les plans occidentaux ? Cela paraît peu probable, une grande partie des capacités militaires sur cette mission étant assurée par les États-Unis, Londres comme Paris faisant davantage figure d’alliés politiques et stratégiques. D’ailleurs, quelques heures à peine après le rejet britannique de l’opération, la Maison-Blanche a clairement laissé entendre qu’elle ne renoncerait pas à intervenir en Syrie. Le président Obama "pense que des intérêts cruciaux des États-Unis sont en jeu et que les pays qui violent les règles internationales sur les armes chimiques doivent rendre des comptes", a-t-elle ajouté. Vendredi, Washington, qui n’a pas écarté la possibilité d’une action unilatérale, multipliait néanmoins les consultations pour renforcer la coalition internationale appelée à frapper en Syrie.
C’est que Barack Obama joue sa crédibilité sur cet épineux dossier. Le président américain, qui avait menacé il y a un an Bachar el-Assad d’une riposte ferme en cas d’utilisation d’armes chimiques, ne peut se dérober. Et l’escalade verbale de cette semaine le condamne à agir. "Si les pays occidentaux ne sont pas capables de respecter leur propre parole, que vaudront leurs pressions militaires devant le défi posé par le nucléaire iranien ?" s’interroge ainsi le général Vincent Desportes, professeur à HEC et Sciences Po et ancien directeur de l’École de guerre.
Quant à la France, on voit mal François Hollande, en première ligne sur le dossier syrien depuis sa prise de fonction en 2012, manquer une nouvelle fois à ses engagements envers l’opposition syrienne, comme il l’a déjà fait sur la question de la livraison d’armes en début d’année.

(30-08-2013 - Armin Arefi)

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