Alors que l’intervention de Washington en Syrie se précise, le chef
de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a averti qu’une solution militaire
en Syrie déstabiliserait le pays et le Moyen-Orient, a indiqué mercredi
dans un communiqué le ministère des Affaires étrangères. Lors d’une
conversation téléphonique mardi avec l’envoyé spécial de la Ligue arabe
et de l’ONU, Lakhdar Brahimi, "Sergueï Lavrov a insisté sur le fait
qu’il n’y avait pas d’alternative à une solution politico-diplomatique
en Syrie, en remarquant que les tentatives de solution militaire ne
mèneraient qu’à une déstabilisation supplémentaire de la situation dans
le pays et la région".
Les deux hommes "ont convenu que dans ce moment critique, toutes les
parties prenantes, y compris les acteurs étrangers, devaient agir de
manière extrêmement responsable et ne pas répéter les erreurs du passé",
selon le communiqué. Dans un autre communiqué publié mardi soir, la
diplomatie russe a indiqué que Sergueï Lavrov avait, lors d’un entretien
téléphonique avec son homologue américain John Kerry, rejeté les
arguments de ce dernier selon lesquels le gouvernement syrien serait
derrière l’attaque aux armes chimiques.
Lors de cette discussion, "M. Kerry a exposé des opinions prétendument
fondées sur des informations de sources fiables, selon lesquelles la
responsabilité des incidents au cours desquels ont probablement été
utilisées des armes chimiques reposait sur le gouvernement syrien".
Sergueï Lavrov a rejeté cette vision des choses, en exposant les
arguments de la partie russe", a indiqué le communiqué. "Moscou est
toujours particulièrement préoccupé par la ligne dangereuse et qui
semble déjà évidente de plusieurs pays visant à torpiller consciemment
les prémices d’un règlement politico-diplomatique du conflit", a-t-il
ajouté.
L’attaque chimique présumée du 21 août près de la capitale syrienne, qui
a causé la mort de plusieurs centaines de personnes, a aggravé les
divisions russo-occidentales sur le conflit syrien. Les Occidentaux ont
accusé le régime syrien alors que la Russie estime que ce sont des
rebelles qui ont utilisé des armes chimiques pour discréditer le
gouvernement.
***
Washington et ses alliés prêts à frapper la Syrie
Les États-Unis et leurs alliés étaient prêts mercredi à mener une action
militaire contre la Syrie qu’ils ont accusée d’avoir perpétré le 21
août un massacre aux armes chimiques, mais Damas a promis de répondre à
des frappes.
Pour préparer le terrain de cette opération armée, Washington a pour la
première fois explicitement montré du doigt Damas, le vice-président Joe
Biden déclarant que "les responsables de cet usage effroyable d’armes
chimiques en Syrie ne font aucun doute : c’est le régime syrien".
"Le président (Barack Obama) pense et je pense que ceux qui utilisent
des armes chimiques contre des hommes, des femmes et des enfants sans
défense doivent rendre des comptes", a martelé le numéro deux de la
Maison Blanche.
Son gouvernement doit rendre publique cette semaine une partie d’un
rapport des services de renseignement étayant la responsabilité
syrienne.
Selon le magazine Foreign Policy, les services de renseignement
américains ont écouté un responsable du ministère syrien de la Défense
"paniqué" au cours "de conversations téléphoniques avec le chef de
l’unité des armes chimiques", après l’attaque de la semaine dernière.
Ce responsable a demandé "des réponses sur une frappe à l’agent
neurotoxique qui a tué plus de 1.000 personnes", affirme le magazine,
ajoutant que cet enregistrement est la principale raison pour laquelle
les Etats-Unis se disent convaincus de l’utilisation d’armes chimiques
par la Syrie.
La perspective d’une opération militaire s’est faite plus précise.
D’après le secrétaire à la Défense Chuck Hagel, les Etats-Unis ont
"positionné des éléments pour être capables de répondre à toute option
choisie par le président" : "Nous sommes prêts à y aller".
L’intervention serait limitée à une campagne ponctuelle de quelques
jours de tirs de missiles de croisière Tomahawk depuis les quatre
destroyers croisant au large de la Syrie, ont affirmé à l’AFP des
responsables de l’administration Obama.
Toutefois, "le président n’a pas encore pris sa décision" formelle, ont insisté la Maison Blanche et le département d’Etat.
Cette montée de fièvre à Washington s’accompagne de consultations
diplomatiques à tout-va menées par le président Obama et son secrétaire
d’Etat John Kerry : ils ont téléphoné en cinq jours à une trentaine de
dirigeants des pays alliés européens —notamment le Royaume-Uni et la
France— de pays arabes, du Canada et d’Australie.
M. Kerry a aussi appelé les secrétaires généraux de l’ONU, de l’Otan et
de la Ligue arabe et même ses homologues russe et syrien.
Après un premier appel samedi, le président Obama et le Premier ministre
britannique David Cameron ont de nouveau parlé mardi "des réponses
possibles de la communauté internationale au recours aveugle aux armes
chimiques le 21 août", selon la Maison Blanche.
Dans la palette d’options militaires dont dispose M. Obama, le
gouvernement américain a d’ores et déjà exclu l’envoi de "troupes au
sol". Washington souligne aussi que "les possibilités que nous examinons
ne sont pas destinées à renverser le régime" du président Bashar
al-Assad.
De fait, l’objectif de cette opération ne serait pas de modifier le
rapport de forces entre la rébellion et les forces syriennes, mais de
"dissuader" Damas de recourir de nouveau à son stock d’armes chimiques,
ont expliqué des responsables américains.
Il s’agit bien, a confirmé David Cameron, de "réduire les capacités d’utilisation" de cet arsenal.
Les forces armées britanniques se préparent d’ailleurs aussi à une
action militaire, Londres assurant également qu’il "n’essaierait pas de
renverser" le président Assad. M. Cameron a convoqué le Parlement jeudi
pour voter "la réponse du Royaume-Uni aux attaques à l’arme chimique".
Paris s’est dit tout aussi "prêt" à intervenir militairement pour
"punir" Damas qui a "gazé" son peuple. La France prendra sa décision
"dans les prochains jours", a déclaré le président François Hollande,
qui recevra jeudi le président de la Coalition nationale syrienne
(opposition), Ahmad al-Jarba.
Une éventuelle frappe contre la Syrie est effectivement une "question de
jours", a renchéri Ahmad Ramadan, dirigeant de cette Coalition de
l’opposition.
Il a fait état de "rencontres entre la Coalition, l’Armée syrienne libre
(rébellion) et les pays alliés, où ont été discutées les cibles
éventuelles", dont des aéroports, bases militaires et dépôts d’armes.
"Nous avons deux options : soit nous rendre, soit nous défendre (...) Le
seconde alternative est la meilleure", a affirmé le ministre des
Affaires étrangères Walid Mouallem : "Nous avons des moyens de défense
qui vont surprendre".
Selon lui, une intervention militaire "servira les intérêts d’Israël et
en deuxième lieu du Front al-Nosra", groupe armé jihadiste combattant
avec les rebelles et qui a prêté allégeance à Al-Qaïda.
Mouallem a aussi "mis au défi" les pays prêts à frapper "de montrer
ce qu’ils ont comme preuves" du recours à des armes chimiques.
Allié de Damas, Moscou a haussé le ton contre Washington, prévenant
qu’une action armée aurait des conséquences "catastrophiques" pour le
Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Cela menacerait "la sécurité et la
stabilité de la région", a ajouté l’Iran, qui soutient aussi la Syrie.
Dans le camp opposé, l’Arabie saoudite, qui appuie les rebelles, a
appelé à une action "ferme et sérieuse" contre Damas, que la Ligue arabe
a accusé d’être derrière l’attaque chimique du 21 août.
Enfin, Israël, voisin de la Syrie, lui a promis une riposte "violente" si elle l’attaquait.
Lors d’une réunion à Amman de hauts responsables militaires occidentaux
et de la région, le représentant jordanien a averti que son pays ne
servirait pas de "rampe de lancement" à une opération armée.
Le quotidien du Vatican, l’Osservatore Romano, a de son côté déploré la
préparation d’une intervention sans attendre les résultats de la mission
de l’ONU en cours en Syrie.
De fait, des experts des Nations unies sont près de Damas et enquêtent
sur l’attaque chimique, qui, selon l’opposition, a tué des centaines de
personnes le 21 août à Muwadamiyat al-Cham et dans la Ghuta orientale,
deux régions contrôlées par les rebelles à l’ouest et à l’est de Damas.
Malgré des tirs sur leur convoi, ils se sont rendus lundi à Muwadamiyat
al-Cham, où ils ont effectué, selon l’ONU, une collecte "productive" de
preuves.
Ils devaient continuer mardi, mais leur mission a été repoussée à
mercredi faute, selon Mouallem, de garanties des rebelles sur leur
sécurité. Les insurgés ont nié ces accusations.
Dans la capitale syrienne, la perspective d’une intervention militaire imminente a semé la peur.
"Ils vont frapper Mazzé, j’en suis sûre, c’est une cible sensible", a
affirmé Jihane, une femme résidant près de l’aéroport militaire de
Mazzé, le plus important de Syrie, qui a décidé de plier bagage.
Les cours du pétrole ont bondi à New York, les investisseurs craignant
qu’une action militaire en Syrie ne perturbe la production et le
transport d’or noir au Moyen-Orient.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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