Le Parlement britannique a rejeté jeudi l’idée d’une intervention
militaire contre la Syrie, renforçant l’hypothèse d’une éventuelle
action unilatérale des États-Unis. La Chambre des communes britannique a
voté jeudi soir contre la motion présentée par David Cameron qui
défendait le principe d’une intervention militaire en Syrie. Un
véritable camouflet pour le Premier ministre. Ce dernier a immédiatement
indiqué qu’il tirerait les conséquences de ce vote. "Il est clair que
le Parlement britannique ne veut pas d’intervention militaire
britannique. Je prends note et le gouvernement agira en conséquence",
a-t-il réagi.
Rejetée par 285 députés contre 272, la motion gouvernementale proposée
condamnait "l’usage d’armes chimiques en Syrie le 21 août 2013 par le
régime de (Bashar el-Assad" et convenait qu’une réponse humanitaire
forte est "requise de la part de la communauté internationale,
impliquant si nécessaire une action militaire qui soit légale,
proportionnée et destinée à sauver des vies en empêchant tout usage
futur d’armes chimiques en Syrie".
Au Conseil de sécurité de l’ONU, une réunion d’à peine 45 minutes entre
les cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et
France disposant tous d’un droit de veto) s’est achevée sans progrès
apparents. Elle s’est tenue à la demande de la Russie, alliée de la
Syrie et donc farouchement opposée à toute action militaire.
Face à cette poussée de fièvre et malgré le scepticisme qui s’est fait
jour depuis mercredi sur l’opportunité d’une intervention, le président
syrien Bashar el-Assad s’est engagé à "défendre" son pays "contre toute
agression" des Occidentaux. Fort de l’appui de la Russie, Assad, qui
avait déjà démenti les accusations "insensées" de recours aux armes
chimiques, a martelé que la Syrie était "déterminée à éradiquer le
terrorisme soutenu par Israël et les pays occidentaux", assimilant une
nouvelle fois la rébellion à du "terrorisme".
Le président américain Barack Obama, qui avait dit mercredi soir ne pas
avoir pris de décision sur la Syrie - tout en parlant d’un nécessaire
"coup de semonce" - se réserve le droit d’agir unilatéralement, ont
laissé entendre la Maison-Blanche et le département d’État, juste avant
le camouflet infligé par le Parlement britannique à David Cameron. "Le
président doit avant tout rendre des comptes aux Américains qui l’ont
élu pour qu’il les protège. Et le président est fermement convaincu que
les enjeux concernent des mesures nécessaires afin de protéger nos
intérêts cruciaux de sécurité nationale", a expliqué le porte-parole
adjoint de la présidence, Josh Earnest.
Pour son homologue du département d’État, Marie Harf, les consultations
sur la Syrie avec les "alliés" de Washington, comme Londres, sont certes
"extrêmement importantes", mais "nous prenons nos décisions en suivant
notre propre calendrier". Elle a répété que son pays "répondrait" à la
Syrie, mais sans être plus explicite. "L’utilisation d’armes chimiques
par le régime syrien contre son propre peuple constitue une situation
dans laquelle les intérêts de sécurité nationale américains sont
menacés. Il est de notre intérêt (...) que cet usage ne reste pas sans
réponse", a insisté Mme Harf.
Les experts de l’ONU, qui ont récolté quantité d’"éléments" dans la
région de l’attaque chimique, près de Damas, doivent faire un
compte-rendu oral au secrétaire général Ban Ki-moon après leur départ de
Syrie prévu samedi. Les échantillons recueillis seront transmis à des
laboratoires en Europe, conformément à la Convention sur l’interdiction
des armes chimiques, et ces analyses pourraient prendre des semaines,
selon un porte-parole de l’ONU, Farhan Haq. Quoi qu’il en soit, un feu
vert du Conseil de sécurité pour l’usage de la force en Syrie est
hautement improbable compte tenu de l’opposition de la Russie et de la
Chine.
La France, l’autre alliée de Washington au Conseil de sécurité, a
reconnu qu’une riposte militaire était "compliquée à construire". Le
président François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel
ont dit attendre les résultats de l’enquête de l’ONU. Le chef de l’État
français a cependant insisté sur la nécessité de "marquer un coup
d’arrêt par rapport à l’escalade de la violence".
Et le Canada a d’ores et déjà annoncé ne pas envisager de participer à
d’éventuelles frappes. De leur côté, les États-Unis ont rassemblé depuis
une semaine des renseignements et informations sur l’attaque chimique
du 21 août et la Maison-Blanche va communiquer jeudi au Congrès les
éléments en sa possession. Alors que l’invasion de l’Irak en 2003,
construite sur de faux renseignements, est dans toutes les têtes à
Washington, la Maison-Blanche a annoncé une conférence téléphonique
entre l’exécutif et des parlementaires. Il y aura aussi la publication
"avant la fin de la semaine" d’une "version déclassifiée" d’un rapport
des services de renseignement américains.
Le Pentagone a déployé un destroyer supplémentaire face aux côtes
syriennes, portant temporairement à cinq le nombre de navires équipés de
missiles de croisière en Méditerranée orientale. Le Royaume-Uni a
déployé six avions de chasse Typhoon sur l’une de ses bases à Chypre, à
une centaine de kilomètres seulement des côtes syriennes.
À Damas, les forces armées syriennes ont été repositionnées hors de
leurs postes de commandement, et les habitants se préparaient au pire,
certains pliant bagages, d’autres subissant des contrôles renforcés à
des barrages routiers. S’exprimant depuis la Turquie, qui prône une
opération musclée contre le voisin syrien, l’opposition syrienne a
affirmé que les défections s’étaient multipliées dans l’armée syrienne
ces derniers jours.
Dans le camp des alliés de Damas, Moscou a annoncé l’envoi en
Méditerranée d’un bateau de lutte anti-sous-marine et d’un navire
lance-missiles. L’Iran, par la voix de son chef d’état-major Hassan
Firouzabadi, a prévenu qu’une action militaire contre la Syrie aurait
des conséquences sur toute la région et mènerait Israël "au bord des
flammes". Celui-ci a rétorqué qu’il répliquerait "avec toute sa force"
et fait état du déploiement de systèmes d’interception antimissiles.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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