jeudi 15 août 2013

Somalie : MSF se retire de Somalie à cause de graves problèmes de sécurité

Une clinique de Médecins Sans Frontières (MSF) à Afgooye, dans le sud de la Somalie (Photo Francois Ausseill. AFP)

L’organisation humanitaire Médecins sans frontières (MSF) a annoncé mercredi son retrait de Somalie, après 22 ans de présence continue dans ce pays en état permanent de guerre civile, invoquant de graves problèmes de sécurité rendant impossible sa mission d’aide aux populations.
MSF, qui était l’une des rares ONG internationales encore présente en Somalie, «entame la fermeture de toutes ses activités humanitaires en Somalie (...) à partir d’aujourd’hui,» a annoncé le président de MSF-International, Unni Karunakara, à la presse à Nairobi.
MSF quitte la Somalie «en raison du déséquilibre insoutenable entre les risques auxquels nos équipes sont confrontées, les compromis que nous devons faire et notre capacité à fournir une assistance aux victimes somaliennes», a-t-il ajouté.
«Le respect des principes humanitaires, toujours fragile dans les zones de conflit, n’existe plus en Somalie aujourd’hui,» a-t-il estimé, soulignant que l’organisation, qui se retire très rarement entièrement d’un pays, continue d’opérer dans des zones aussi dangereuses que la Syrie et l’Afghanistan.
Dans un communiqué, MSF dit avoir pris sa décision «à la suite d’agressions extrêmement graves sur les équipes dans un contexte où les groupes armés et les autorités civiles tolèrent, voire soutiennent les assassinats, les enlèvements et les attaques à l’encontre des travailleurs humanitaires.»
En octobre 2011, deux employées espagnoles de MSF avaient été enlevées dans les camps de réfugiés somaliens de Dadaab, dans le nord-est du Kenya, avant d’être emmenées en Somalie, où elles ont été retenue 21 mois. Elles ont été libérées en juillet dernier, dans des circonstances non dévoilées.
En décembre 2011, deux membres de MSF avaient été assassinés à Mogadiscio. MSF affirme que leur agresseur, qui avait été condamné, a bénéficié d’une libération anticipée.
Le récent enlèvement «n’est pas le seul incident qui nous a conduits à prendre cette décision», a assuré le Dr Karunakara, «c’est la goutte qui a fait déborder le vase; au cours des 22 dernières années, 16 de nos employés ont été tués et des dizaines d’attaques contre des personnes, des véhicules et des hôpitaux» recensées.
«Nous avons atteint un point où nous ne sommes plus en mesure de délivrer de l’aide humanitaire et des soins médicaux de façon efficace et c’est la raison pour laquelle nous partons», a expliqué le patron de l’ONG.
De son côté, le département d’Etat américain s’est dit «découragé par les circonstances qui ont forcé Médecins sans frontières à se retirer de Somalie».
«Nous condamnons toute action qui freine les efforts de l’action humanitaire, notamment les attaques contre les travailleurs humanitaires et ceux qu’ils tentent d’aider», a déclaré la porte-parole Jennifer Psaki.
Elle a montré du doigt le mouvement islamiste Al-Shabaab qui » a continué à montrer son intention de perturber les efforts des travailleurs humanitaires».
La Somalie est en état de guerre civile et privé de réelle autorité centrale depuis la chute du président Siad Barre en 1991.
Chefs de guerres, de clans, groupes criminels et de pirates ou insurgés islamistes se battent pour le contrôle de portions de territoire. Les combats, auxquels s’ajoutent des sécheresses chroniques, ont fait des millions de réfugiés et déplacés depuis deux décennies.
L’élection en septembre dernier du président Hassan Cheikh Mohamoud, au terme d’un processus soutenu par la communauté internationale, et les revers militaires des islamistes Shebaab ont suscité l’espoir -depuis progressivement entamé- d’une stabilisation du pays.
Le Dr Karunakara, qui a indiqué «ne pas partager l’optimisme» général sur la Somalie, a mis en cause, sans les citer, certaines autorités locales, des chefs de communautés, chefs de clans ou de groupes armés «qui soutiennent, approuvent tacitement ou ferment les yeux sur les attaques, enlèvements ou attaques contre les personnels humanitaires».
«Notre sécurité ne dépend pas du gouvernement (somalien), nous dépendons d’accès négociés, d’assurances sur notre sécurité obtenues via la médiation de communautés (...) donc si des chefs, des parties (au conflit) et des groupes armés ne reconnaissent pas la valeur de l’action humanitaire et n’agissent pas pour garantir que nos équipes puissent fournir de l’aide en toute sécurité (...) il nous est très difficile d’avoir accès aux gens qui ont besoin de soins», a-t-il expliqué.
MSF, dont plus de 1.500 employés, essentiellement somaliens, «assuraient des soins de santé gratuits», ferme ses activités dans l’ensemble du territoire somalien, y compris le territoire auto-proclamé indépendant du Somaliland (nord) et de la région autonome du Puntland (nord-est), où la sécurité est réputée meilleure.
Le personnel expatrié a été évacué de Somalie au cours des dernières semaines et plus aucun employé étranger de MSF n’est présent en Somalie.
L’ONG, dont les activités allaient des soins de base aux chirurgies lourdes, a soigné plus de 300.000 Somaliens au cours du premier semestre 2013.
«En définitive, ce sont les civils somaliens qui vont payer le prix fort,» a déploré le Dr Karunakara, «dans certains endroits, les gens que nous laissons derrière nous n’auront plus de soins médicaux».
S’il s’est dit prêt à discuter des conditions nécessaires à un retour de l’ONG en Somalie, le Dr Karunakara a affirmé qu’une reprise des activités était exclue à court terme.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire