jeudi 8 août 2013

Égypte : le pouvoir décidé à disperser les pro-Morsi

La situation s’envenime en Égypte. Le nouveau pouvoir s’est engagé mercredi à disperser par la force les partisans du président destitué Mohamed Morsi, décidés à poursuivre leur mobilisation au Caire, faisant craindre un nouveau bain de sang après l’échec des médiations internationales. Les États-Unis, dont des émissaires ont tenté en vain ces derniers jours une médiation entre les autorités intérimaires et les Frères musulmans, la confrérie du président déposé par l’armée, ont lancé un nouvel appel aux Égyptiens pour faire des compromis afin de sortir de l’impasse.
À la télévision officielle, le Premier ministre égyptien Hazem Beblawi a assuré que la police, qui a obtenu le feu vert du gouvernement il y a une semaine, n’avait pas dispersé jusqu’ici les milliers de pro-Morsi, barricadés avec femmes et enfants sur les places Rabaa al-Adawiya et Nahda, par "respect du mois sacré du ramadan", qui s’est achevé mercredi soir. Les célébrations de l’Aïd el-Fitr marquant la fin du mois de jeûne musulman commencent jeudi et doivent prendre fin dimanche.
M. Beblawi a ajouté que son gouvernement "ne reviendra pas sur [sa] décision" de déloger les partisans de M. Morsi, déposé et arrêté par l’armée le 3 juillet. En réponse aux sommations du gouvernement mis en place par l’armée, les pro-Morsi ont de nouveau affirmé qu’ils resteraient mobilisés jusqu’au rétablissement dans ses fonctions du premier président égyptien élu démocratiquement. Ce bras de fer fait craindre de nouvelles violences dans le pays où plus de 250 personnes - essentiellement des pro-Morsi - ont déjà péri depuis plus d’un mois dans des affrontements en marge de rassemblements.
Ces dix derniers jours, des émissaires européens, américains, africains et arabes se sont relayés pour tenter à la fois d’amener les autorités à la retenue et de convaincre les Frères musulmans, vainqueurs des législatives de novembre 2012, de se disperser et de participer à la transition. La présidence a accusé la confrérie d’être "responsable de l’échec des efforts internationaux", mais aussi, et surtout, "des conséquences à venir de leurs violations des lois et de leur mise en danger de la sécurité publique".
Alors que la presse quasi unanime et une grande partie de la population voient dans la dispersion des pro-Morsi un moyen de relancer la transition, pour le moment au point mort, les responsables multiplient les déclarations promettant "le moins de pertes possible". À l’occasion de l’Aïd el-Fitr, Ahmed Al-Tayeb, le grand imam d’al-Azhar, principale autorité sunnite d’Égypte, a appelé les Égyptiens à la réconciliation et demandé aux autorités une réunion extraordinaire de sortie de crise après la fête. En soirée, le président par intérim Adly Mansour et M. Beblawi se sont adressés à la nation, renouvelant l’appel à l’union nationale à l’occasion de l’Aïd el-Fitr.
L’Égypte, dont le président Hosni Moubarak a été renversé lors du Printemps arabe début 2011, a connu une nouvelle "révolution" le 30 juin lorsque des millions de manifestants sont descendus dans la rue pour réclamer le départ de M. Morsi, accusé d’avoir accaparé le pouvoir au profit des seuls Frères musulmans et d’avoir achevé une économie déjà exsangue. Depuis, le général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l’armée, est le véritable homme fort du nouveau pouvoir intérimaire qui a promis des élections début 2014.
Les Frères musulmans dénoncent un "coup d’État militaire" et la mise en place d’un "État policier", après l’arrestation de plusieurs de leurs dirigeants. Leur guide suprême, toujours en fuite, doit être jugé à partir du 25 août avec ses deux adjoints, en détention préventive, pour "incitation au meurtre". Les États-Unis ont, eux, peiné à qualifier de "coup d’État" la destitution de M. Morsi, car cela les obligerait légalement à interrompre leur aide de 1,5 milliard de dollars annuels, dont 1,3 pour la seule armée, à leur grand allié arabe.
Alors que le secrétaire d’État John Kerry a surpris en assurant que l’armée avait "rétabli la démocratie" en évinçant M. Morsi, les sénateurs américains John McCain et Lindsey Graham ont toutefois utilisé le terme de coup d’État, déclenchant la fureur du gouvernement et de la presse égyptiens. Après avoir rencontré le général Sissi et des islamistes, les deux sénateurs ont appelé à la libération de M. Morsi. Dans la péninsule du Sinaï, fief de combattants islamistes, un ex-député partisan de l’armée a été abattu par des hommes armés. De leur côté, les militaires ont affirmé avoir tué "60 terroristes" en un mois dans cette région, secouée par des attaques quasi quotidiennes contre les forces de l’ordre.

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