La situation s’envenime en Égypte. Le nouveau pouvoir s’est engagé
mercredi à disperser par la force les partisans du président destitué
Mohamed Morsi, décidés à poursuivre leur mobilisation au Caire, faisant
craindre un nouveau bain de sang après l’échec des médiations
internationales. Les États-Unis, dont des émissaires ont tenté en vain
ces derniers jours une médiation entre les autorités intérimaires et les
Frères musulmans, la confrérie du président déposé par l’armée, ont
lancé un nouvel appel aux Égyptiens pour faire des compromis afin de
sortir de l’impasse.
À la télévision officielle, le Premier ministre égyptien Hazem Beblawi a
assuré que la police, qui a obtenu le feu vert du gouvernement il y a
une semaine, n’avait pas dispersé jusqu’ici les milliers de pro-Morsi,
barricadés avec femmes et enfants sur les places Rabaa al-Adawiya et
Nahda, par "respect du mois sacré du ramadan", qui s’est achevé mercredi
soir. Les célébrations de l’Aïd el-Fitr marquant la fin du mois de
jeûne musulman commencent jeudi et doivent prendre fin dimanche.
M. Beblawi a ajouté que son gouvernement "ne reviendra pas sur [sa]
décision" de déloger les partisans de M. Morsi, déposé et arrêté par
l’armée le 3 juillet. En réponse aux sommations du gouvernement mis en
place par l’armée, les pro-Morsi ont de nouveau affirmé qu’ils
resteraient mobilisés jusqu’au rétablissement dans ses fonctions du
premier président égyptien élu démocratiquement. Ce bras de fer fait
craindre de nouvelles violences dans le pays où plus de 250 personnes -
essentiellement des pro-Morsi - ont déjà péri depuis plus d’un mois dans
des affrontements en marge de rassemblements.
Ces dix derniers jours, des émissaires européens, américains, africains
et arabes se sont relayés pour tenter à la fois d’amener les autorités à
la retenue et de convaincre les Frères musulmans, vainqueurs des
législatives de novembre 2012, de se disperser et de participer à la
transition. La présidence a accusé la confrérie d’être "responsable de
l’échec des efforts internationaux", mais aussi, et surtout, "des
conséquences à venir de leurs violations des lois et de leur mise en
danger de la sécurité publique".
Alors que la presse quasi unanime et une grande partie de la population
voient dans la dispersion des pro-Morsi un moyen de relancer la
transition, pour le moment au point mort, les responsables multiplient
les déclarations promettant "le moins de pertes possible". À l’occasion
de l’Aïd el-Fitr, Ahmed Al-Tayeb, le grand imam d’al-Azhar, principale
autorité sunnite d’Égypte, a appelé les Égyptiens à la réconciliation et
demandé aux autorités une réunion extraordinaire de sortie de crise
après la fête. En soirée, le président par intérim Adly Mansour et
M. Beblawi se sont adressés à la nation, renouvelant l’appel à l’union
nationale à l’occasion de l’Aïd el-Fitr.
L’Égypte, dont le président Hosni Moubarak a été renversé lors du
Printemps arabe début 2011, a connu une nouvelle "révolution" le 30 juin
lorsque des millions de manifestants sont descendus dans la rue pour
réclamer le départ de M. Morsi, accusé d’avoir accaparé le pouvoir au
profit des seuls Frères musulmans et d’avoir achevé une économie déjà
exsangue. Depuis, le général Abdel Fattah al-Sissi, chef de l’armée, est
le véritable homme fort du nouveau pouvoir intérimaire qui a promis des
élections début 2014.
Les Frères musulmans dénoncent un "coup d’État militaire" et la mise en
place d’un "État policier", après l’arrestation de plusieurs de leurs
dirigeants. Leur guide suprême, toujours en fuite, doit être jugé à
partir du 25 août avec ses deux adjoints, en détention préventive, pour
"incitation au meurtre". Les États-Unis ont, eux, peiné à qualifier de
"coup d’État" la destitution de M. Morsi, car cela les obligerait
légalement à interrompre leur aide de 1,5 milliard de dollars annuels,
dont 1,3 pour la seule armée, à leur grand allié arabe.
Alors que le secrétaire d’État John Kerry a surpris en assurant que
l’armée avait "rétabli la démocratie" en évinçant M. Morsi, les
sénateurs américains John McCain et Lindsey Graham ont toutefois utilisé
le terme de coup d’État, déclenchant la fureur du gouvernement et de la
presse égyptiens. Après avoir rencontré le général Sissi et des
islamistes, les deux sénateurs ont appelé à la libération de M. Morsi.
Dans la péninsule du Sinaï, fief de combattants islamistes, un ex-député
partisan de l’armée a été abattu par des hommes armés. De leur côté,
les militaires ont affirmé avoir tué "60 terroristes" en un mois dans
cette région, secouée par des attaques quasi quotidiennes contre les
forces de l’ordre.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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