Sur le pont d'envol, les missions d'entraînement s'enchaînent. Rafale et
Super Etendard décollent l'un derrière l'autre, propulsés par une
catapulte. Dans un mois, ces avions français seront dans le Golfe, prêts
à la guerre contre le groupe Etat islamique en Irak.
Depuis son appareillage mardi de Toulon (sud), le porte-avions Charles
de Gaulle, fleuron de la Marine française, multiplie en Méditerranée les
"échauffements".
"A chaque période de reprise en mer, après plus d'un mois
d'interruption, il y une phase de +warm up+ comme pour un sportif (...)
Cela permet à nos pilotes de desserrer la contrainte", explique le
"pacha" du navire, le capitaine de vaisseau Pierre Vandier.
Au retour de "mission", après une heure et demie de vol, certains
appareils s'y reprennent à deux fois pour réussir un "atterrissage"
parfait sur une piste grande comme un terrain de tennis, en attrapant au
sol un câble métallique, le "brin", qui va les arrêter net dans leur
course.
Dans un vrombissement infernal, qui fait vibrer tout le porte-avions,
ils réussissent la même prouesse technique au catapultage : s'élancer de
0 à 250 km/h en 2,5 secondes, boostés par un mégapiston, et prendre
leur envol sur 75 mètres, là où il leur en faudrait plus de 1.600 à
terre.
Dans quelques jours, la mission montera en puissance, les entraînements
deviendront plus poussés. Le Charles de Gaulle, mastodonte des mers sans
équivalent en Europe, prendra le large et, au rythme de 1.000 à 1.200
km par jour, tracera sa voie vers le canal de Suez où il est attendu fin
janvier.
Une fois Suez franchi, les mitrailleuses lourdes seront armées, la
menace se fera plus précise. Le porte-avions, entouré de sa "cuirasse"
protectrice - un sous-marin, une frégate de défense anti-aérienne et une
frégate anti-sous-marine britannique - rejoindra le Golfe
arabo-persique avant une fin de mission prévue dans l'océan Indien.
- 'On sait pourquoi on part' -
Officiellement, il n'est question que de manoeuvres avec des pays
partenaires, dont l'Arabie saoudite et l'Inde à laquelle la France
espère vendre 126 avions de chasse Rafale dans les prochains mois.
Mais chacun a en tête l'Irak, où le Charles de Gaulle pourrait prêter
main forte aux neuf avions de combat Rafale et six Mirage français déjà
mobilisés sur zone dans le cadre d'une opération internationale dirigée
par les Etats-Unis. Il arrive lui-même avec douze Rafale et neuf Super
Etendard à bord.
"On peut monter à 40/50 sorties par jour, ajuster les missions en
fonction des besoins, mettre des armements air-sol, air-air ou des pods
de reconnaissance. C'est un puzzle, il suffit d'assembler", relève un
pilote de Rafale, chef du groupe aérien embarqué.
Comme le reste du commandement, il refusera d'en dire plus sur une
éventuelle participation aux attaques menées depuis l'été contre le
groupe Etat islamique, auxquelles la France contribue en Irak, laissant à
d'autres les raids en Syrie.
"On se prépare à l'ensemble des options possibles", indique le pilote qui s'exprime sous couvert d'anonymat.
S'il intervient, le porte-avions viendra se positionner, telle une base
aérienne flottante, au plus près de l'Irak, avec ses flottilles
d'avions, ses hangars de réparation embarqués et quelque 1.900 hommes à
bord. Il sera alors intégré au groupe aéronaval américain constitué
autour du porte-avions USS Carl Vinson.
A bord, les écrans des chaînes en continu diffusent en permanence les
dernières informations sur les attentats de Paris et la menace
jihadiste, qui trouve en partie ses racines en Irak.
"Forcément, il y a toujours une appréhension. Après on sait pourquoi on
part et c'est le principal", note sous couvert d'anonymat un opérateur
âgé de 20 ans et qui s'est engagé pour "voir du pays".
(17-01-2015 - Avec les agences de presse)
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