vendredi 16 janvier 2015

Israël/Palestine : Charlie-Hebdo va trop loin pour les caricaturistes palestiniens

Son coeur est avec les morts de Charlie Hebdo mais le caricaturiste palestinien Ramzy Taweel n'hésite pas à comparer, dans son dernier dessin, le journal satirique français à du papier toilette, relayant le malaise de nombreux musulmans face aux nouvelles caricatures de "Mahomet" (nom péjoratif donné en France au Prophète Muhammad
-sws-).
Les dessinateurs de presse palestiniens, y compris M. Taweel, ont apporté tout leur soutien aux 12 victimes de l'attaque menée par des jihadistes contre Charlie Hebdo, publiant aussitôt des images pour défendre la liberté de la presse, et condamnant la violence.
Mais lorsque le magazine a publié en Une de sa nouvelle édition une caricature du prophète Muhammad -sws- , la plupart des caricaturistes sont tombés d'accord: se moquer gratuitement de l'islam, ou de n'importe quelle religion, c'est aller trop loin.
"Mon coeur est avec les familles, ce qui est arrivé est terrible", confie M. Taweel, 36 ans, penché sur une tablette graphique, chez lui à Ramallah.
Dans le Coran, "il est interdit de tuer qui que ce soit pour ses idées", souligne-t-il. "Cela signifie-t-il que j'accepte ce qu'ils dessinent? Non, cela me pose problème".
Son dernier dessin, réalisé alors que la nouvelle édition du Charlie Hebdo s'écoulait en quelques heures mercredi, montre un homme lisant ce journal aux toilettes, et s'exclamant en anglais: "l'industrie du papier toilette est florissante".
"Est-ce qu'insulter un milliard de musulmans, ou de chrétiens, relève vraiment de la liberté?", s'interroge le dessinateur palestinien, qui travaille pour des sites internet.
Pour son compatriote Mohammed Sabaaneh, dessinateur du journal Al-Hayat al-Jadida, "ce qui s'est passé à Paris, surtout dans un pays où il y a une vraie liberté, a été un choc, et nous a touchés particulièrement en tant que caricaturistes". Il rappelle que le Palestinien Naji al-Ali avait "été tué à cause de ses dessins".
Cet illustrateur reconnu, abattu à Londres en 1987, est le créateur d'Handala, un petit réfugié palestinien errant éternellement en observant les injustices, personnage toujours représenté sur les murs de Cisjordanie.
Juste après l'attaque, M. Sabaaneh a dessiné un activiste tirant une roquette sur les bureaux du journal, tandis que le contre-coup du lance-roquette endommage une mosquée située derrière l'assaillant.
Se moquer de la religion, un des ingrédients de base de l'hebdomadaire satirique, est un luxe réservé à des pays épargnés par les crises politiques qui secouent le monde arabe, estime le trentenaire aux lunettes rondes.
"En Palestine, on demande la liberté politique, pour améliorer le sort des citoyens palestiniens" sous occupation israélienne, déclare-t-il à l'AFP. "Nous avons d'autres chats à fouetter que la religion".
M. Sabaaneh, qui s'efforce d'éviter le sujet "sensible" de la foi, souligne la "différence entre la critique constructive et la critique gratuite".
"Personnellement, en tant que caricaturiste et musulman, je rejette les dessins insultant le prophète. Mais il faut réagir à armes égales, caricature contre caricature -- pas en tuant".
Le grand moufti de Jérusalem, s'il a critiqué la caricature de Muhammad -sws - portant un écriteau "je suis Charlie", a condamné, comme nombre d'autres chefs religieux, le recours à la violence contre ceux qui bravent l'interdit de représenter le prophète.
Baha al-Boukhari, caricaturiste de longue date pour le quotidien Al-Ayyam, affirme que l'offense ne mérite pas plus qu'un haussement les épaules.
"D'un point de vue artistique, je ne trouve pas ces dessins amusants. Je pense que ce sont des images insultantes, et alors?", soupire le septuagnéaire.
"Notre arme, c'est le crayon et le sourire", précise-t-il.

(15-01-2015)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire