Son coeur est avec les morts de Charlie Hebdo mais le caricaturiste
palestinien Ramzy Taweel n'hésite pas à comparer, dans son dernier
dessin, le journal satirique français à du papier toilette, relayant le
malaise de nombreux musulmans face aux nouvelles caricatures de "Mahomet" (nom péjoratif donné en France au Prophète Muhammad
-sws-).
Les dessinateurs de presse palestiniens, y compris M. Taweel, ont
apporté tout leur soutien aux 12 victimes de l'attaque menée par des
jihadistes contre Charlie Hebdo, publiant aussitôt des images pour
défendre la liberté de la presse, et condamnant la violence.
Mais lorsque le magazine a publié en Une de sa nouvelle édition une
caricature du prophète Muhammad -sws- , la plupart des caricaturistes sont
tombés d'accord: se moquer gratuitement de l'islam, ou de n'importe
quelle religion, c'est aller trop loin.
"Mon coeur est avec les familles, ce qui est arrivé est terrible",
confie M. Taweel, 36 ans, penché sur une tablette graphique, chez lui à
Ramallah.
Dans le Coran, "il est interdit de tuer qui que ce soit pour ses idées",
souligne-t-il. "Cela signifie-t-il que j'accepte ce qu'ils dessinent?
Non, cela me pose problème".
Son dernier dessin, réalisé alors que la nouvelle édition du Charlie
Hebdo s'écoulait en quelques heures mercredi, montre un homme lisant ce
journal aux toilettes, et s'exclamant en anglais: "l'industrie du papier
toilette est florissante".
"Est-ce qu'insulter un milliard de musulmans, ou de chrétiens, relève
vraiment de la liberté?", s'interroge le dessinateur palestinien, qui
travaille pour des sites internet.
Pour son compatriote Mohammed Sabaaneh, dessinateur du journal Al-Hayat
al-Jadida, "ce qui s'est passé à Paris, surtout dans un pays où il y a
une vraie liberté, a été un choc, et nous a touchés particulièrement en
tant que caricaturistes". Il rappelle que le Palestinien Naji al-Ali
avait "été tué à cause de ses dessins".
Cet illustrateur reconnu, abattu à Londres en 1987, est le créateur
d'Handala, un petit réfugié palestinien errant éternellement en
observant les injustices, personnage toujours représenté sur les murs de
Cisjordanie.
Juste après l'attaque, M. Sabaaneh a dessiné un activiste tirant une
roquette sur les bureaux du journal, tandis que le contre-coup du
lance-roquette endommage une mosquée située derrière l'assaillant.
Se moquer de la religion, un des ingrédients de base de l'hebdomadaire
satirique, est un luxe réservé à des pays épargnés par les crises
politiques qui secouent le monde arabe, estime le trentenaire aux
lunettes rondes.
"En Palestine, on demande la liberté politique, pour améliorer le sort
des citoyens palestiniens" sous occupation israélienne, déclare-t-il à
l'AFP. "Nous avons d'autres chats à fouetter que la religion".
M. Sabaaneh, qui s'efforce d'éviter le sujet "sensible" de la foi,
souligne la "différence entre la critique constructive et la critique
gratuite".
"Personnellement, en tant que caricaturiste et musulman, je rejette les
dessins insultant le prophète. Mais il faut réagir à armes égales,
caricature contre caricature -- pas en tuant".
Le grand moufti de Jérusalem, s'il a critiqué la caricature de Muhammad -sws -
portant un écriteau "je suis Charlie", a condamné, comme nombre d'autres
chefs religieux, le recours à la violence contre ceux qui bravent
l'interdit de représenter le prophète.
Baha al-Boukhari, caricaturiste de longue date pour le quotidien
Al-Ayyam, affirme que l'offense ne mérite pas plus qu'un haussement les
épaules.
"D'un point de vue artistique, je ne trouve pas ces dessins amusants. Je
pense que ce sont des images insultantes, et alors?", soupire le
septuagnéaire.
"Notre arme, c'est le crayon et le sourire", précise-t-il.
(15-01-2015)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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