Près d'un an après le début d'une crise inédite entre Paris et Rabat, le
chef de la diplomatie française Laurent Fabius a annoncé jeudi qu'il se
rendrait "prochainement" au Maroc pour tenter de rétablir une
coopération judiciaire et sécuritaire fondamentale dans le contexte
actuel de menace terroriste.
"Je compte me rendre prochainement personnellement dans ce pays, qui, je
le répète, est l'ami de la France", a déclaré M. Fabius devant les
sénateurs français, affirmant que les deux pays "avançent" pour "trouver
des solutions", et soulignant "la nécessité absolue" de rétablir la
coopération judiciaire entre les deux pays, suspendue depuis février.
C'est la première fois depuis le début de la crise diplomatique que M.
Fabius, qui a rencontré dimanche son homologue marocain Salaheddine
Mezouar à Paris, se rendra dans le royaume.
Le contexte international et la menace terroriste ont sans doute accéléré cette volonté de rétablir au plus vite les relations.
Toute la coopération judiciaire avec le Maroc est suspendue depuis près
d'un an, avec des répercussions au niveau civil pour les dizaines de
milliers de franco-marocains, et au niveau pénal pour toutes les
procédures judiciaires entre la France et son ancien protectorat.
Et la coopération sécuritaire, cruciale entre les deux pays qui ont
chacun des centaines, voire des milliers de ressortissants tentés par le
jihadisme ou enrôlés au sein du groupe Etat islamique (EI), souffre
également de cette dispute, selon des sources à Paris et à Rabat, même
si des canaux officieux demeurent.
Aux racines de la crise entre deux alliés aux relations
traditionnellement bien cadrées, figurent des dépôts de plainte en
France contre de hauts dignitaires marocains, des impairs diplomatiques
et un rapprochement franco-algérien: autant de motifs de ressentiment
qui se sont accumulés à Rabat.
Dans un entretien récent particulièrement offensif à l'hebdomadaire
Jeune Afrique, le chef de la diplomatie marocaine Salaheddine Mezouar a
estimé que la confiance était "ébranlée" et déploré l'absence de
"volonté politique" à Paris pour remettre la relation sur les rails.
Il avait aussi jugé que "le temps de la tutelle" française était révolue
en critiquant le rôle de Paris dans la région sahélo-saharienne.
M. Mezouar était certes présent dimanche à l'Elysée avec les dirigeants
du monde entier venus à Paris pour manifester leur solidarité à la
France endeuillée par les attentats. Mais la délégation marocaine a
refusé au dernier moment de se joindre à la marche dans la capitale,
pour protester contre les "caricatures blasphématoires du prophète"
comme celles de Charlie Hebdo, présentes selon elle dans le défilé
d'hommage aux victimes.
Paris, de son côté, s'est contenté jusqu'à ce jour de répéter sa volonté
de "reprendre au plus vite le cours normal de la coopération". En
réalité, c'est un "froid glacial" qui perdure, selon une source
française.
"La relation s'est distendue. Pendant 20 ans, la France a eu des égards
très particuliers pour le Maroc. Ce n'est plus le cas", décrypte
l'historien spécialiste du Maghreb Pierre Vermeren.
La brouille a été déclenchée le 20 février 2014 par une descente de
police à la résidence de l'ambassadeur marocain à Paris, pour notifier
une demande d'audition de la justice française au patron du
contre-espionnage Abdellatif Hammouchi, accusé de torture par des
opposants marocains.
"Au-delà d'être +une mauvaise manière+, la descente policière chez
l'ambassadeur a marqué le signal que tout un tas de protections dont
bénéficiait le Maroc pouvait désormais tomber", estime M. Vermeren.
La dispute s'est envenimée avec d'autres dépôts de plainte en France,
ainsi qu'une série d'impairs diplomatiques, dont une fouille policière
inopinée de M. Mezouar à l'aéroport parisien de Roissy en mars, ou une
saillie ironique contre le Maroc prêtée à un diplomate français à propos
du Sahara Occidental, cause sacrée dans le royaume.
Même si Paris continue à soutenir Rabat sur cette question, le Maroc
voit d'un très mauvais oeil le rapprochement franco-algérien opéré
depuis l'arrivée au pouvoir du président socialiste François Hollande.
Grand rival du royaume, Alger soutient le Polisario, qui réclame
l'indépendance du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole
majoritairement contrôlée par le Maroc.
"François Hollande a voulu rééquilibrer les relations vers l'Algérie, et
les Marocains l'ont très mal pris. Pour eux, la France est passée du
côté de l'Algérie", selon M. Vermeren.
(15-01-2015)
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