Entre les intérêts de l'État d'Israël et les siens,
Benyamin Netanyahou semble avoir tranché. En campagne féroce pour les
élections législatives anticipées du 17 mars prochain, le Premier
ministre israélien n'a pas hésité à s'inviter, coup sur coup, en France
et aux États-Unis, quitte à heurter ses hôtes qui ne souhaitaient pas sa
venue. Sa première "infraction" a lieu à Paris, le 11 janvier 2015. Au
lendemain des attentats de Paris, l'Élysée fait savoir à Tel-Aviv qu'il
serait préférable que Benyamin Netanyahou ne participe pas à la marche
de solidarité du 11 janvier en hommage aux victimes.
Paris craint en effet que la venue du Premier ministre israélien,
pourtant légitime au regard de la confession juive de quatre des
victimes, ne vienne exacerber les tensions entre musulmans et juifs
français. François Hollande n'a pas oublié non plus que le 31 octobre
2012, sept mois après la tuerie de l'école juive d'Ozar-Hatorah,
Benyamin Netanyahou avait invité lors d'une conférence de presse à
l'Élysée les juifs français à venir s'installer en Israël, infligeant un
sévère camouflet au président français.
Cette fois, la présidence française décide donc d'"éconduire" selon les
usages diplomatiques le Premier ministre israélien. S'exécutant tout
d'abord, Benyamin Netanyahou fait pourtant brusquement volte-face le
soir du 10 janvier en s'invitant tout seul à la grand-messe. Il a en
effet appris la veille la venue sur place de deux de ses ministres
Avigdor Lieberman (Affaires étrangères) et Naftali Bennett (Économie), à
la tête chacun d'une liste (d'extrême droite) concurrente à la sienne
pour les législatives anticipées du 17 mars prochain.
Hors de question pour le chef du gouvernement israélien de laisser les
deux hommes, aujourd'hui rivaux pour les prochaines élections, occuper
le terrain de l'émotion à sa place. Passablement énervée par ce grave
manquement aux usages diplomatiques, la présidence française invite
alors, en plus du Premier ministre israélien, le président palestinien
Mahmoud Abbas. Les images des deux hommes défilant dans les rues de
Paris à une demi-douzaine de mètres l'un de l'autre feront le tour du
monde.
Pourtant, d'autres clichés moins glorieux, rapportés par le quotidien
israélien Haaretz, montrent le Premier ministre israélien jouer des
coudes à Paris pour se faire une place au premier rang. L'étonnante
scène, allègrement reprise sur les réseaux sociaux en Israël, a même
donné naissance à un jeu vidéo intitulé "Push Bibi". Mais provoque tout
autant l'exaspération de ses rivaux. "Le comportement du Premier
ministre à Paris montre au monde l'image d'un Israélien mal élevé et
arrogant et c'est malheureux", fustigera depuis Tel-Aviv son ancien
ministre de centre droit Yaïr Lapid.
Ces "écarts diplomatiques" répétés ne semblent pourtant pas avoir
dérangé outre mesure le principal intéressé. Preuve en est, à peine dix
jours plus tard, le Premier ministre israélien récidive en provoquant un
nouvel incident diplomatique, cette fois avec l'indéfectible allié
d'Israël : les États-Unis. Déterminé à faire échouer la politique de
Barack Obama à l'égard de l'Iran - le président américain ne veut pas
que le Congrès américain vote de nouvelles sanctions pouvant faire
échouer les négociations sur le dossier nucléaire - le Premier ministre
israélien réussit la prouesse de se faire inviter au Congrès le 3 mars
prochain pour s'exprimer sur la menace que représente l'Iran.
Un honneur rarissime pour un dirigeant étranger - à l'exception de
Netanyahou qui s'exprimera devant le Congrès américain pour la troisième
fois en 19 ans -, mais surtout une ingérence dans les affaires
américaines aux yeux de la Maison-Blanche. D'autant plus qu'elle n'a pas
du tout été prévenue. "Le protocole classique est que le dirigeant d'un
pays prenne contact avec le dirigeant du pays dans lequel il se rend", a
ainsi rappelé Josh Earnest, porte-parole de Barack Obama, peinant à
cacher son agacement. "Cet événement semble donc être un écart au
protocole."
À l'origine de ce "camouflet anti-Obama", le président républicain de la
Chambre des représentants, John Boenher, qui a présenté son invitation
comme "la marque de notre engagement sans faille en faveur de la
sécurité et du bien-être de son peuple (de Benyamin Netanyahou)". Les
observateurs y voient davantage la réponse du camp républicain aux
menaces du président américain d'opposer son veto à toute sanction
américaine.
Un précédent "dangereux et toxique", s'est alarmé jeudi le quotidien
israélien Yedioth Ahronoth. "Le Parti républicain américain se mêle des
élections ici (en Israël) et, en retour, un parti israélien se mêle de
politique là-bas." Et le journal de droite de conclure : "Ils aident
Netanyahou à battre ses adversaires ici et lui les aide à humilier leurs
rivaux." Fait rarissime, le Mossad s'est également invité dans les
débats.
Conscients qu'un échec des négociations avec l'Iran relancerait la
course à la bombe, ce qui n'est certainement pas dans l'intérêt
d'Israël, les services de renseignements extérieurs israéliens se sont
lancés dans un intense lobbying à Washington, visant à convaincre les
sénateurs américains du danger que représenteraient de nouvelles
sanctions contre la République islamique. "Cela reviendrait à lancer une
grenade dans le processus", a résumé le secrétaire d'État John Kerry,
affirmant rapporter les propos d'un haut responsable israélien du
renseignement. En réaction, le Mossad s'est fendu d'un démenti.
Barack Obama s'est abstenu de tout commentaire. En revanche, la
Maison-Blanche a indiqué qu'il ne rencontrerait pas Benyamin Netanyahou
en mars "en raison de la proximité des élections en Israël". Netanyahou,
lui, persiste et signe. "J'irai partout où je serai invité pour faire
entendre la position d'Israël et pour protéger son avenir et son
existence", a-t-il insisté dimanche.
(26-01-2015 - Armin Arefi)
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