jeudi 29 janvier 2015

Irak : Des survivants accusent des milices chiites d'un massacre au centre de l'Irak

Les autorités irakiennes ont ordonné une enquête sur le massacre présumé de dizaines de sunnites par des miliciens chiites dans le village de Barwana (centre), après l'expulsion des forces jihadistes.
Le Premier ministre Haider al-Abadi "a ordonné une enquête sur le sujet", suite aux témoignages de plusieurs survivants, a indiqué jeudi a l'AFP son porte-parole, Rafid Jobouri.
Le massacre aurait eu lieu lundi dans le village de Barwana, dans la province de Diyala (centre), où ont trouvé refuge des familles sunnites ayant fui l'avancée de l'Etat islamique (EI), une organisation qui depuis juin contrôle des zones entières du pays et y fait régner la terreur.
L'armée irakienne, appuyée par des miliciens chiites, a annoncé lundi avoir chassé les jihadistes de Diyala, après trois jours de combats.
Mais dans l'après midi, selon plusieurs témoins, des miliciens sont entrés à Barwana. Ils ont appelé les jeunes hommes, vérifié leurs papiers d'identité, puis les ont alignés. Et les ont abattus, selon les témoignages.
"Des voitures sont entrées dans le village, des hommes armés à bord. Ils ont rassemblé tout le monde, même les enfants", a raconté à l'AFP Nahda al-Daini, une parlementaire de Diyala.
"Ils en ont tué 77", affirme-t-elle. "Ce sont des milices chiites qui ont perpétré ce massacre, avec la complicité des forces de sécurité".
Ali Jobouri, un jeune père de 27 ans, avait trouvé refuge à Barwana en juin, après que les jihadistes se sont emparés de son village de Hamada, non loin.
Quand les miliciens sont rentrés à Barwana, plusieurs hommes ont été emmenés d'un côté, raconte-t-il. "Ils vérifiaient encore les noms lorsqu'on a entendu les premiers tirs et les femmes hurler", poursuit-il, au téléphone avec L'AFP.
"Le Mukhtar (chef de village, ndlr), est allé dans une des maisons. Il a trouvé 35 corps dans un coin. Un peu plus loin, il y en avait une quarantaine de plus".
Le chef de village est revenu, "il nous a dit de tout abandonner et de courir, sinon ils allaient nous tuer. Alors on a couru vers un verger, on s'est caché, puis on est parti.
Jamal Mohamed, un professeur, a établi une liste des victimes. Il en connaissait 71 mais, ajoute-t-il, certains habitants manquent encore à l'appel.
Selon lui, quatre garçons âgés de 9 à 12 ans ont été tués, mais aucune femme ou fille.
La journée de lundi avait pourtant très bien commencé, poursuit le professeur. "Quand un commandant de l'armée et des responsables sont arrivés, ils ont été accueillis par des applaudissements. Des femmes ont distribué des douceurs...On leur a juste dit que nous voulions rentrer chez nous".
"Ils sont partis, puis les miliciens sont arrivés dans plusieurs véhicules. Ils avaient des ordinateurs portables avec eux, et ont commencé à relever les noms".
Plusieurs autres témoins interrogés par l'AFP ont fait état de bilans légèrement différents, mais les versions des évènements sont très similaires.
Pour le général Abdulamir al-Zaidi, chef des opérations dans la zone, "aucune balle n'a été tirée à Barwana".
Ses hommes auraient par contre trouvé des preuves selon lesquelles des jihadistes de l'EI avaient rasé leurs barbes pour, vraisemblablement, essayer de s'enfuir en se mêlant aux habitants.
Sur les murs du village, racontent Ali et Jamal, les miliciens auraient laissé des inscriptions en hommage à l'imam Hussein, vénéré par les chiites. Et sur l'un des murs, "Revanche pour Speicher", en référence au massacre par l'EI de centaines de jeunes recrues de l'armée le 12 juin près de Tikrit.
Selon un rapport d'Amnesty International publié à l'automne, des miliciens chiites alliés aux forces gouvernementales ont commis des "dizaines" de meurtres de sunnites en Irak, des "exécutions délibérées".
Ces accusations ont rendu furieux les leaders chiites, qui affirment que ce sont les milices qui ont sauvé Bagdad, et empêché l'intégralité du pays de tomber aux mains des jihadistes.
Sans prendre position sur les allégations, l'envoyé de l'ONU en Irak, Nickolay Mladenov, a salué l'ouverture d'une enquête. "Il est de la responsabilité du gouvernement de s'assurer que toutes les forces armées sont sous son contrôle, que la loi est respecté, et que les citoyens sont protégés sur l'ensemble du territoire, même dans les zones récemment libérées" de l'EI, a-t-il dit dans un communiqué.

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