Les autorités irakiennes ont ordonné une enquête sur
le massacre présumé de dizaines de sunnites par des miliciens chiites
dans le village de Barwana (centre), après l'expulsion des forces
jihadistes.
Le Premier ministre Haider al-Abadi "a ordonné une enquête sur le
sujet", suite aux témoignages de plusieurs survivants, a indiqué jeudi a
l'AFP son porte-parole, Rafid Jobouri.
Le massacre aurait eu lieu lundi dans le village de Barwana, dans la
province de Diyala (centre), où ont trouvé refuge des familles sunnites
ayant fui l'avancée de l'Etat islamique (EI), une organisation qui
depuis juin contrôle des zones entières du pays et y fait régner la
terreur.
L'armée irakienne, appuyée par des miliciens chiites, a annoncé lundi
avoir chassé les jihadistes de Diyala, après trois jours de combats.
Mais dans l'après midi, selon plusieurs témoins, des miliciens sont
entrés à Barwana. Ils ont appelé les jeunes hommes, vérifié leurs
papiers d'identité, puis les ont alignés. Et les ont abattus, selon les
témoignages.
"Des voitures sont entrées dans le village, des hommes armés à bord. Ils
ont rassemblé tout le monde, même les enfants", a raconté à l'AFP Nahda
al-Daini, une parlementaire de Diyala.
"Ils en ont tué 77", affirme-t-elle. "Ce sont des milices chiites qui
ont perpétré ce massacre, avec la complicité des forces de sécurité".
Ali Jobouri, un jeune père de 27 ans, avait trouvé refuge à Barwana en
juin, après que les jihadistes se sont emparés de son village de Hamada,
non loin.
Quand les miliciens sont rentrés à Barwana, plusieurs hommes ont été
emmenés d'un côté, raconte-t-il. "Ils vérifiaient encore les noms
lorsqu'on a entendu les premiers tirs et les femmes hurler",
poursuit-il, au téléphone avec L'AFP.
"Le Mukhtar (chef de village, ndlr), est allé dans une des maisons. Il a
trouvé 35 corps dans un coin. Un peu plus loin, il y en avait une
quarantaine de plus".
Le chef de village est revenu, "il nous a dit de tout abandonner et de
courir, sinon ils allaient nous tuer. Alors on a couru vers un verger,
on s'est caché, puis on est parti.
Jamal Mohamed, un professeur, a établi une liste des victimes. Il en
connaissait 71 mais, ajoute-t-il, certains habitants manquent encore à
l'appel.
Selon lui, quatre garçons âgés de 9 à 12 ans ont été tués, mais aucune femme ou fille.
La journée de lundi avait pourtant très bien commencé, poursuit le
professeur. "Quand un commandant de l'armée et des responsables sont
arrivés, ils ont été accueillis par des applaudissements. Des femmes ont
distribué des douceurs...On leur a juste dit que nous voulions rentrer
chez nous".
"Ils sont partis, puis les miliciens sont arrivés dans plusieurs
véhicules. Ils avaient des ordinateurs portables avec eux, et ont
commencé à relever les noms".
Plusieurs autres témoins interrogés par l'AFP ont fait état de bilans
légèrement différents, mais les versions des évènements sont très
similaires.
Pour le général Abdulamir al-Zaidi, chef des opérations dans la zone, "aucune balle n'a été tirée à Barwana".
Ses hommes auraient par contre trouvé des preuves selon lesquelles des
jihadistes de l'EI avaient rasé leurs barbes pour, vraisemblablement,
essayer de s'enfuir en se mêlant aux habitants.
Sur les murs du village, racontent Ali et Jamal, les miliciens auraient
laissé des inscriptions en hommage à l'imam Hussein, vénéré par les
chiites. Et sur l'un des murs, "Revanche pour Speicher", en référence au
massacre par l'EI de centaines de jeunes recrues de l'armée le 12 juin
près de Tikrit.
Selon un rapport d'Amnesty International publié à l'automne, des
miliciens chiites alliés aux forces gouvernementales ont commis des
"dizaines" de meurtres de sunnites en Irak, des "exécutions délibérées".
Ces accusations ont rendu furieux les leaders chiites, qui affirment que
ce sont les milices qui ont sauvé Bagdad, et empêché l'intégralité du
pays de tomber aux mains des jihadistes.
Sans prendre position sur les allégations, l'envoyé de l'ONU en Irak,
Nickolay Mladenov, a salué l'ouverture d'une enquête. "Il est de la
responsabilité du gouvernement de s'assurer que toutes les forces armées
sont sous son contrôle, que la loi est respecté, et que les citoyens
sont protégés sur l'ensemble du territoire, même dans les zones
récemment libérées" de l'EI, a-t-il dit dans un communiqué.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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