samedi 17 janvier 2015

Algérie : les islamistes relèvent la tête contre "Charlie"

À la sortie de la grande prière du vendredi, de nombreux Algériens ont suivi le mot d'ordre des partis islamistes et sont descendus dans les rues pour clamer leur foi et leur colère face à une énième caricature du prophète, publiée mercredi en une du "numéro des survivants" de Charlie Hebdo. Au cri de "Il n'y a Dieu qu'Allah et Mahomet est son messager", le cortège s'est ébranlé du quartier populaire Belouizdad à la fontaine du 1er mai. Ali Belhadj, ancienne figure du Front islamique du salut, avait appelé les Algérois à se rendre à l'une des nombreuses mosquées de l'ancien quartier Belcourt. Il a été arrêté avec un imam salafiste. Les arrestations de Belhadj sont assez courantes paradoxalement, depuis que la concorde civile lui a permis de vivre en dehors des prisons.
Des hommes, des femmes et aussi des enfants, tous étaient rassemblés pour affirmer leur conviction contre un journal interdit de parution en Algérie. Le journal satirique n'a en effet été distribué dans aucun point de vente. La censure d'État a une nouvelle fois bloqué l'hebdo. Une pratique courante, elle aussi.
Arrivés au 1er mai, à quelques encablures d'un bâtiment officiel, les manifestants ont été stoppés par un impressionnant dispositif policier. Les petites rues adjacentes ont été prises d'assaut et les forces de police pourtant nombreuses ont vite été débordées par la foule. D'autant que le cortège a été rejoint par des habitants des hauts quartiers algérois. Après avoir battu le pavé aux sons d'"Allah Akbar", les manifestants se sont dispersés dans le désordre, mais un dernier carré se retrouve une dernière fois devant l'Assemblée nationale. Le slogan a changé. Cette fois, la foule crie : "Kouachi, martyr !"
Ils sont alors plus d'un millier à faire face aux forces de l'ordre qui ont pour consigne de défendre le bâtiment officiel. Après un sitting d'une demi-heure, les policiers chargent, à coup de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes, les manifestants qui répliquent avec des pierres. La manifestation dégénère. Le drapeau français est brûlé. Des slogans en faveur de l'instauration d'un État islamiste ressurgissent. C'était précisément un des leitmotive des partis islamistes des années 1990.
Le mouvement "Je suis Mohamed" a, en fait, commencé le jour de la publication du dernier numéro de Charlie. Les voitures, bus et vitrines se sont parés du slogan religieux. Dans toute l'Algérie, des personnes se sont senties offensées par les caricatures du prophète et veulent affirmer leur religion. Dès le soir de l'attentat, quelques Algériens fêtaient ouvertement l'assassinat des caricaturistes français. Le ministre des Affaires religieuses avait lui-même demandé à ce que les prêches du vendredi condamnent les caricatures du Prophète. Réveillant les vieux démons algériens ? C'est la crainte aujourd'hui, alors qu'il est difficile de savoir si ce rassemblement ne fédère que les islamistes les plus radicaux du pays ou, plus largement, les musulmans modérés.

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