À la sortie de la grande prière du vendredi, de nombreux Algériens ont
suivi le mot d'ordre des partis islamistes et sont descendus dans les
rues pour clamer leur foi et leur colère face à une énième caricature du
prophète, publiée mercredi en une du "numéro des survivants" de Charlie Hebdo.
Au cri de "Il n'y a Dieu qu'Allah et Mahomet est son messager", le
cortège s'est ébranlé du quartier populaire Belouizdad à la fontaine du 1er
mai. Ali Belhadj, ancienne figure du Front islamique du salut, avait
appelé les Algérois à se rendre à l'une des nombreuses mosquées de
l'ancien quartier Belcourt. Il a été arrêté avec un imam salafiste. Les
arrestations de Belhadj sont assez courantes paradoxalement, depuis que
la concorde civile lui a permis de vivre en dehors des prisons.
Des hommes, des femmes et aussi des enfants, tous étaient rassemblés
pour affirmer leur conviction contre un journal interdit de parution en
Algérie. Le journal satirique n'a en effet été distribué dans aucun
point de vente. La censure d'État a une nouvelle fois bloqué l'hebdo.
Une pratique courante, elle aussi.
Arrivés au 1er mai, à quelques encablures d'un bâtiment
officiel, les manifestants ont été stoppés par un impressionnant
dispositif policier. Les petites rues adjacentes ont été prises d'assaut
et les forces de police pourtant nombreuses ont vite été débordées par
la foule. D'autant que le cortège a été rejoint par des habitants des
hauts quartiers algérois. Après avoir battu le pavé aux sons d'"Allah
Akbar", les manifestants se sont dispersés dans le désordre, mais un
dernier carré se retrouve une dernière fois devant l'Assemblée
nationale. Le slogan a changé. Cette fois, la foule crie : "Kouachi,
martyr !"
Ils sont alors plus d'un millier à faire face aux forces de l'ordre qui
ont pour consigne de défendre le bâtiment officiel. Après un sitting
d'une demi-heure, les policiers chargent, à coup de balles en caoutchouc
et de gaz lacrymogènes, les manifestants qui répliquent avec des
pierres. La manifestation dégénère. Le drapeau français est brûlé. Des
slogans en faveur de l'instauration d'un État islamiste ressurgissent.
C'était précisément un des leitmotive des partis islamistes des années
1990.
Le mouvement "Je suis Mohamed" a, en fait, commencé le jour de la publication du dernier numéro de Charlie.
Les voitures, bus et vitrines se sont parés du slogan religieux. Dans
toute l'Algérie, des personnes se sont senties offensées par les
caricatures du prophète et veulent affirmer leur religion. Dès le soir
de l'attentat, quelques Algériens fêtaient ouvertement l'assassinat des
caricaturistes français. Le ministre des Affaires religieuses avait
lui-même demandé à ce que les prêches du vendredi condamnent les
caricatures du Prophète. Réveillant les vieux démons algériens ? C'est
la crainte aujourd'hui, alors qu'il est difficile de savoir si ce
rassemblement ne fédère que les islamistes les plus radicaux du pays ou,
plus largement, les musulmans modérés.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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