Plus de 200 Irakiens de la minorité yazidie ont été libérés samedi par
le groupe Etat islamique (EI) dans le nord de l'Irak, beaucoup d'entre
eux souffrant de troubles physiques ou mentaux après des mois passés aux
mains des jihadistes.
Il s'agit de la plus importante libération "d'otages" par le groupe
extrémiste sunnite responsable d'atrocités, ont indiqué des responsables
irakiens, s'avouant surpris par cette décision prise selon eux sans
aucune coordination avec les autorités.
L'air épuisé et perdu, les Yazidis libérés, certains en chaise roulante,
d'autres appuyés sur des bâtons de bois, ont été conduits dans un
centre de soin sur la route menant de Kirkouk à Erbil, la capitale du
Kurdistan irakien.
"C'était tellement dur... pas seulement à cause du manque de nourriture,
mais aussi parce que nous avons été longtemps inquiets", raconte l'un
d'eux, un vieil homme assis dans un fauteuil roulant, une écharpe rouge
et blanche nouée autour du cou.
"Ces hommes et ces femmes étaient retenus à Mossoul", deuxième ville
d'Irak prise en juin par l'EI, a affirmé à l'AFP Khodr Domli, un
militant des droits des Yazidis au centre de santé où les ex-otages ont
été conduits, précisant que 196 d'entre eux avaient été identifiés.
Plusieurs rescapés ont raconté avoir été retenus près de Mossoul.
Les jihadistes les ont libérés sur le front, au sud-ouest de la ville de
Kirkouk, où des peshmergas, les combattants kurdes irakiens, sont venus
les accueillir puis les conduire au centre de soin dans la localité de
Altun Kopri.
"Certains sont blessés, certains sont handicapés, et nombreux sont ceux
qui souffrent de problèmes mentaux et psychologiques", a précisé M.
Domli.
Dans la soirée, des dizaines de Yazidis se sont rassemblés devant le
centre de soin, espérant retrouver des proches disparus. A l'intérieur
du bâtiment, médecins et infirmières s'affairaient à prodiguer les
premiers traitements.
"Nous avons envoyé des équipes pour analyser leur sang, contrôler
notamment s'ils n'ont pas contracté la polio ou de possibles maladies
contagieuses", explique Saman Barzanji, directeur du département de la
Santé à Erbil.
"Une autre équipe est là pour gérer leurs besoins immédiats. Nous avons
également mobilisé des ambulances pour emmener les cas les plus graves
vers les hôpitaux".
La minorité Yazidie, considérée comme hérétique par l'EI, a été
particulièrement visée par les exactions du groupe extrémiste qui a
conquis des pans entiers du territoire irakien, notamment les alentours
du mont Sinjar (nord), fief des Yazidis.
Les jihadistes y ont enlevé des centaines sinon des milliers de femmes,
vendues comme épouses pour des combattants jihadistes ou réduites à
l'esclavage sexuel, selon Amnesty International. Plusieurs se sont
suicidées pour échapper à ce destin.
L'EI multiplie les exactions dans les régions sous son contrôle en Irak
comme en Syrie voisine, où il est impliqué dans la guerre depuis 2013.
Les défenseurs des droits de l'Homme et l'ONU ont accusé le groupe de
nettoyage ethnique et de crimes contre l'Humanité.
"L'EI a dû décider qu'il ne pouvait plus nourrir et surveiller (ces
personnes). Ils étaient devenus un fardeau", analyse M. Domli.
Pour Vian Dakhil, une députée yazidie devenue mondialement célèbre après
avoir lancé un appel à l'aide pour sa communauté décimée par les
jihadistes, "l'EI a compris qu'il n'y avait aucun avantage à garder ces
vieillards".
Peu après la prise par l'EI de Sinjar en août, et l'exode dramatique des Yazidis sur le mont éponyme, le président américain Barack Obama a
annoncé la création d'une coalition internationale antijihadistes qui
mène depuis des frappes contre l'EI.
Ces frappes ont permis à l'armée irakienne, totalement dépassée aux
premiers jours de l'offensive jihadiste, et aux peshmergas de regagner
un peu de terrain.
"Le fait que les peshmergas reprennent du terrain chaque jour doit avoir
joué un rôle dans cette libération. L'EI est sous pression, et doit
continuellement se réorganiser", estime Vian Dakhil.
Mais, selon un responsable kurde qui a recueilli le témoignage d'un
rescapé, quelque 3000 yazidis sont encore aux mains de l'EI.
"Il m'a dit qu'il avait entendu ce chiffre dans une conversation entre
jihadistes sur le nombre de repas qu'ils devaient servir".
(17-01-2015)
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