Dans le temps, les Saoudiens traversaient le désert pour prêter
allégeance à leur nouveau roi. Aujourd'hui, ils le font sur Twitter d'un
simple clic. Suivant une tradition bien établie, des milliers de
Saoudiens se sont rués vers le palais du nouveau roi Salman pour lui
prêter allégeance après la mort vendredi de son demi-frère Abdallah.
D'autres l'ont fait dans des palais royaux disséminés à travers le vaste
territoire saoudien. Mais beaucoup ont choisi d'effectuer ce geste
virtuellement en utilisant les réseaux sociaux et plus particulièrement
Twitter, très populaire dans ce royaume pourtant ultraconservateur, qui
censure tout écart.
Le hashtag en arabe "Je prête allégeance au roi Salman" est vite devenu
populaire dans la blogosphère saoudienne après l'annonce de la
disparition du roi Abdallah. "J'ai prêté allégeance par Twitter, car
même si la technologie progresse, nous ne devrions pas oublier notre
identité et nos traditions", a indiqué un simple citoyen, Salman
al-Otaibi. "Prêter allégeance est un devoir pour tout musulman", a-t-il
expliqué à l'AFP. "En toute obéissance, je prête serment à vous,
Salman", a tweeté Metaab al-Samiri, un autre Saoudien. Pour les
musulmans, ce geste est à la fois une obligation destinée à donner de la
légitimité au souverain et un engagement tribal à lui obéir. Le roi
Salman a lui-même un compte Twitter, qui a vu le nombre de ceux qui le
suivent bondir à 1,6 million depuis qu'il est devenu monarque absolu.
"Je prie Dieu pour qu'il m'aide à servir notre cher peuple à réaliser
ses aspirations et à préserver la sécurité et la stabilité de notre
pays", a écrit le nouveau souverain sur son compte.
L'Arabie saoudite compte plus de cinq millions d'utilisateurs de
Twitter, soit l'un des taux les plus élevés au monde. En 2012, Riyad
figurait dans les dix premières villes du monde à utiliser ce réseau
social. Il est à la fois utilisé par les dignitaires religieux, aussi
bien les conservateurs que les libéraux. Mais les plus suivis sont les
prédicateurs, à l'instar de Mohammed al-Arefe (salafiste), qui compte
10,8 millions de fidèles sur Twitter. Ce média s'avère être un
casse-tête pour les autorités dans les monarchies du Golfe, car il
permet facilement de contourner la censure. De nombreux blogueurs sont
poursuivis par la justice pour des tweets jugés offensants pour les
autorités ou insultants pour l'islam. Les autorités saoudiennes ont
bloqué les comptes Twitter de certains militants des droits de l'homme.
Les tweets appelant à des réformes dans le royaume expriment
généralement un mécontentement vis-à-vis de la famille royale et
demandent des concessions. "Nous voulons un Conseil consultatif qui soit
élu par le peuple, capable de voter des lois et de tenir le
gouvernement responsable" de sa gestion, souligne un de ces tweets. "De
cette manière, les réformes peuvent être réalisées", ajoute le même
tweet qui utilise un autre hashtag populaire : "Demandes au roi Salman".
En dépit de timides réformes sous le règne d'Abdallah, l'Arabie saoudite
reste un royaume où tout est surveillé et où les conservateurs
continuent de jouer un rôle prépondérant. Le cas du blogueur Raef
Badaoui, condamné à dix ans de prison pour "insulte à l'islam" et à 1
000 coups de fouet à raison de 50 par semaine, est un exemple des
limites mises à la liberté d'expression. Après la première séance de
flagellation, l'exécution de cette sentence a été suspendue à deux
reprises pour "raisons médicales". En octobre, le plus haut responsable
religieux saoudien avait jugé dans une fatwa que Twitter était la source
de "tout le mal et de toute dévastation". "Les gens pensent que c'est
la source d'informations crédibles, alors que c'est la source de
mensonges", avait ajouté cheikh Abdel Aziz al-Cheikh.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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