mardi 27 janvier 2015

Arabie Saoudite : Les Saoudiens prêtent allégeance à leur nouveau roi sur Twitter

Dans le temps, les Saoudiens traversaient le désert pour prêter allégeance à leur nouveau roi. Aujourd'hui, ils le font sur Twitter d'un simple clic. Suivant une tradition bien établie, des milliers de Saoudiens se sont rués vers le palais du nouveau roi Salman pour lui prêter allégeance après la mort vendredi de son demi-frère Abdallah. D'autres l'ont fait dans des palais royaux disséminés à travers le vaste territoire saoudien. Mais beaucoup ont choisi d'effectuer ce geste virtuellement en utilisant les réseaux sociaux et plus particulièrement Twitter, très populaire dans ce royaume pourtant ultraconservateur, qui censure tout écart.
Le hashtag en arabe "Je prête allégeance au roi Salman" est vite devenu populaire dans la blogosphère saoudienne après l'annonce de la disparition du roi Abdallah. "J'ai prêté allégeance par Twitter, car même si la technologie progresse, nous ne devrions pas oublier notre identité et nos traditions", a indiqué un simple citoyen, Salman al-Otaibi. "Prêter allégeance est un devoir pour tout musulman", a-t-il expliqué à l'AFP. "En toute obéissance, je prête serment à vous, Salman", a tweeté Metaab al-Samiri, un autre Saoudien. Pour les musulmans, ce geste est à la fois une obligation destinée à donner de la légitimité au souverain et un engagement tribal à lui obéir. Le roi Salman a lui-même un compte Twitter, qui a vu le nombre de ceux qui le suivent bondir à 1,6 million depuis qu'il est devenu monarque absolu. "Je prie Dieu pour qu'il m'aide à servir notre cher peuple à réaliser ses aspirations et à préserver la sécurité et la stabilité de notre pays", a écrit le nouveau souverain sur son compte.
L'Arabie saoudite compte plus de cinq millions d'utilisateurs de Twitter, soit l'un des taux les plus élevés au monde. En 2012, Riyad figurait dans les dix premières villes du monde à utiliser ce réseau social. Il est à la fois utilisé par les dignitaires religieux, aussi bien les conservateurs que les libéraux. Mais les plus suivis sont les prédicateurs, à l'instar de Mohammed al-Arefe (salafiste), qui compte 10,8 millions de fidèles sur Twitter. Ce média s'avère être un casse-tête pour les autorités dans les monarchies du Golfe, car il permet facilement de contourner la censure. De nombreux blogueurs sont poursuivis par la justice pour des tweets jugés offensants pour les autorités ou insultants pour l'islam. Les autorités saoudiennes ont bloqué les comptes Twitter de certains militants des droits de l'homme.
Les tweets appelant à des réformes dans le royaume expriment généralement un mécontentement vis-à-vis de la famille royale et demandent des concessions. "Nous voulons un Conseil consultatif qui soit élu par le peuple, capable de voter des lois et de tenir le gouvernement responsable" de sa gestion, souligne un de ces tweets. "De cette manière, les réformes peuvent être réalisées", ajoute le même tweet qui utilise un autre hashtag populaire : "Demandes au roi Salman".
En dépit de timides réformes sous le règne d'Abdallah, l'Arabie saoudite reste un royaume où tout est surveillé et où les conservateurs continuent de jouer un rôle prépondérant. Le cas du blogueur Raef Badaoui, condamné à dix ans de prison pour "insulte à l'islam" et à 1 000 coups de fouet à raison de 50 par semaine, est un exemple des limites mises à la liberté d'expression. Après la première séance de flagellation, l'exécution de cette sentence a été suspendue à deux reprises pour "raisons médicales". En octobre, le plus haut responsable religieux saoudien avait jugé dans une fatwa que Twitter était la source de "tout le mal et de toute dévastation". "Les gens pensent que c'est la source d'informations crédibles, alors que c'est la source de mensonges", avait ajouté cheikh Abdel Aziz al-Cheikh.

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