Le Yémen a plongé dans un chaos politique total jeudi soir après la
démission du gouvernement suivie de celle du président, aussitôt rejetée
par le Parlement, alors que la capitale Sanaa était sous le ferme
contrôle d'une milice chiite. Le gouvernement yéménite, nommé il y a
moins de trois mois, a présenté sa démission au président Abd Rabbo
Mansour Hadi, a indiqué le porte-parole de l'exécutif, qualifiant cette
décision d'"irrévocable". Dans la foulée, le président a démissionné,
affirmant que le Yémen était arrivé dans "une impasse totale", selon une
lettre dont l'AFP a obtenu copie.
Mais sa décision a été rejetée par le Parlement qui a convoqué une
réunion extraordinaire de ses membres vendredi matin pour examiner la
crise dans le pays, selon un haut responsable yéménite. Dans sa lettre
de démission, dont l'AFP a obtenu une copie, le Premier ministre Khaled
Bahah a justifié sa décision par le fait qu'"il veut éviter que les
membres de son cabinet puissent être considérés comme responsables de ce
qui se passe et de ce qui se passera au Yémen".
Cet ancien ministre du Pétrole de 49 ans, qui avait été désigné le 13
octobre pour former le gouvernement, évoque son intention de se
démarquer du président Hadi, dont il semble contester les concessions
faites aux miliciens chiites.
Les miliciens d'Ansaruallah, aussi appelés Houthis, qui ont pris en
septembre le contrôle d'une grande partie de Sanaa, réclament plus de
poids dans les institutions de l'État et contestent le projet de
Constitution prévoyant de faire du Yémen un Etat fédéral avec six
régions.
Les miliciens chiites étaient toujours omniprésents autour du palais
présidentiel qu'ils ont pris mardi, en dépit d'un accord par lequel ils
s'engageaient à se retirer de ce secteur et de la résidence du Premier
ministre, et surtout à libérer le chef de cabinet du président, Ahmed
Awad ben Moubarak, enlevé samedi.
En contrepartie, le président Hadi s'était engagé mercredi à amender le
projet de Constitution. En outre, l'accord prévoyait que les Houthis
ainsi que le mouvement sudiste et les autres factions politiques
"privées de représentation équitable dans les institutions de l'État,
auront le droit d'être nommés dans ces institutions".
En dépit de ces concessions de taille, aucun retrait des Houthis n'a été
signalé dans la capitale et le chef du cabinet du président n'a pas été
libéré. L'émissaire de l'ONU Jamal Benomar, accouru à Sanaa jeudi après
la recrudescence des violences qui ont fait au moins 35 morts et 94
blessés, a rencontré des représentants des forces politiques du pays.
Devant la presse, il a appelé les représentants des forces politiques, y
compris ceux des Houthis, à "résoudre toute divergence (...) par le
dialogue et loin de toute violence ou chantage" politique.
Les violences qui secouent le Yémen depuis l'été font craindre à terme
un effondrement total de l'État, comme en Somalie. Or le gouvernement de
Sanaa est considéré par Washington comme un allié stratégique dans la
lutte contre Al-Qaïda. Les Etats-Unis lui fournissent une aide militaire
et utilisent des drones pour des frappes contre des responsables
d'Al-Qaïda.
Le président Hadi avait été élu en 2012 après le départ d'Ali Abdallah
Saleh, chassé du pouvoir par la rue dans la vague des Printemps arabes.
Le gouvernement avait été nommé en vertu d'un accord de paix ayant mis
fin en septembre à des combats après l'entrée des miliciens chiites dans
la capitale. Il avait été rejeté dès sa prestation de serment en
novembre par l'ex-président Saleh et ses alliés de la milice chiite.
Dans ce climat de crise générale, un autre foyer de tension pourrait
provoquer une nouvelle flambée de violences. Jeudi, trois hommes armés
appartenant à des tribus sunnites de la province de Marib, à l'est de
Sanaa, ont été tués dans une embuscade tendue par des miliciens chiites,
qui ont perdu six hommes, selon un nouveau bilan fourni de source
tribale.
Le chef de la milice chiite, Abdel Malek al-Houthi, avait menacé le 4
janvier de prendre cette province riche en pétrole et en gaz naturel,
que ses miliciens convoitent depuis leur entrée dans la capitale en
septembre.
Mais les tribus sunnites de cette région, où Al-Qaïda est également
implanté, n'ont cessé depuis d'affirmer qu'elles s'y opposeraient par la
force.
D'autres tribus sunnites du reste du Yémen ont envoyé des renforts à
Marib. La situation sécuritaire dans cette zone est évoquée dans
l'accord conclu mercredi soir, qui préconise des mesures pour y faire
baisser la tension.
(22-01-2015)
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