Un nombre croissant de Syriens viennent chercher un moment de sérénité à
l'Opéra de Damas, qui retrouve timidement sa voix après avoir été
réduit au silence par la guerre.
"Quand le concert débute, dès la première note, je m'envole vers un
autre monde, un monde paisible où je peux oublier le vacarme de la
guerre" souligne Darine.
Cette jeune femme vient de Mouadamiyat al-Cham, une banlieue proche de
Damas qui était en proie aux violences avant l'entrée en vigueur d'une
trêve il y a un an.
Avant le conflit, l'institution accueillait des opéras, des ballets et
des concerts de troupes arabes et étrangères, ainsi qu'un festival
international de cinéma.
Désormais, ce sont des groupes locaux, parfois débutants, qui font l'affiche.
"Nous avons soif d'art. Nous avons besoin d'échapper à l'ambiance
négative et de venir prendre un bol d'énergie positive, pour pouvoir
continuer à vivre," ajoute Darine, déambulant parmi les tableaux
d'artistes syriens accrochés sur les murs du bâtiment.
L'Opéra, qui n'a jamais fermé ses portes, ne proposait plus que des
concerts occasionnels. Mais ces dernières semaines, il a multiplié le
nombre de représentations dans une tentative de relancer la vie
culturelle à Damas laminée par la guerre brutale qui fait rage et qui a
coûté la vie à plus de 200.000 personnes.
Le prix des meilleures places a été fixé à 1,5 dollar pour attirer les spectateurs.
En décembre, plus de 5.000 personnes ont assisté à cinq jours de
festival de musique arabe, une fréquentation digne de l'avant-guerre.
"Ceux qui sont morts ont donné leur vie pour que nous puissions vivre,
pour que les théâtres puissent rester ouverts, pas pour que nous
fermions", affirme le directeur de l'opéra, Juan Karajoli.
Deux mois après son entrée en fonctions, M. Karajoli a indiqué à l'AFP
que l'Opéra, qui continue à être financé presque normalement par le
ministère de la Culture, souhaitait organiser "de nombreux festivals
musicaux et séances de cinéma" en 2015, ainsi qu'un salon du livre et
des expositions de peinture.
Récemment étaient ainsi proposés des concerts de musique latino ou
classique, ou encore à des soirées de lecture de poésie par des
amateurs.
En dépit de cet enthousiasme bouillonnant, l'Opéra connait de nombreuses difficultés.
Depuis le début des troubles, près de la moitié de ses employés et une
majorité des musiciens ainsi que la directrice, ont quitté leur poste.
La plupart ont soit fui le pays, soit été appelés à rejoindre l'armée.
Inauguré en 2004 par Bashar al-Assad, l'Opéra est situé sur la place des
Omeyyades, lieu emblématique au coeur de Damas fréquemment visé par des
attaques au mortier, dont certaines meurtrières.
En avril, deux personnes avaient été tuées et huit autres blessées par des obus de mortier, selon les médias officiels.
Mais dans le bâtiment, c'est un autre monde: trois salles, dont la plus
grande peut accueillir 1.200 personnes, et des sièges couverts de
velours rouge.
Baraq Tanari, musicien venu d'Alep, juge essentiel de sauvegarder ce
lieu-clé alors que de nombreux monuments historiques ont été détruits
par les combats.
Il a pour cela contribué à la création du groupe Tarab Dahab, un nom
choisi en référence au tarab, style de musique traditionnelle maîtrisé
par les plus grands interprètes arabes, d'Oum Kalthoum à Abdel Halim
Hafez.
"Nous avons créé notre groupe pour garder en vie notre patrimoine
pendant cette crise" et "transmettre le message de l'art", explique M.
Tanari.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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