Le gouvernement tunisien s’est engagé jeudi à résoudre par le dialogue
la crise déclenchée par l’assassinat d’un opposant, après le gel des
travaux de l’Assemblée constituante en raison d’un bras de fer entre
islamistes au pouvoir et opposition.
Après une manifestation de dizaines de milliers d’opposants mardi soir,
la contestation semblait pour sa part marquer le pas jeudi à l’occasion
de l’Aïd el-Fitr, le premier de quatre jours chômés en Tunisie pour
marquer la fin du mois de ramadan.
Le Premier ministre islamiste Ali Larayedh, dans un communiqué, a noté
que "le dialogue est le meilleur moyen de surmonter les difficultés et
de résoudre les problèmes existants".
"Le gouvernement ne ménagera aucun effort pour soutenir le processus de dialogue", a-t-il encore dit.
Il s’agit de sa première réaction depuis que les travaux de l’Assemblée
nationale constituante (ANC) ont été suspendus mardi, à la surprise
générale, par son président Mustapha Ben Jaafar, jusqu’à l’ouverture de
négociations entre pouvoir et opposition. Cet allié laïque des
islamistes espère ainsi forcer la main des deux camps pour résoudre la
crise politique ayant débuté il y a deux semaines après l’assassinat du
député d’opposition Mohamed Brahmi, attribué à la mouvance jihadiste.
Deux jours après cette annonce et une manifestation de dizaines de
milliers de détracteurs du pouvoir à Tunis qui répondait à un
rassemblement de masse pro-islamiste samedi, aucune date ni accord de
principe sur la tenue de pourparlers n’a été annoncé.
Le parti islamiste Ennahda a pour sa part accepté mercredi à
contre-coeur la suspension de l’ANC, se disant ouvert à des
négociations.
Son groupe parlementaire a vivement critiqué jeudi dans un communiqué le
gel des travaux de la Constituante, qualifiant d’"illégale et
inconstitutionnelle" cette décision prise "unilatéralement et sans
consultation".
"Malgré ces réserves, (les élus islamistes) espèrent que cette
initiative contribuera à soutenir le dialogue pour parvenir à des
solutions de compromis", a-t-il néanmoins ajouté.
Sur le front de la contestation, l’hétéroclite coalition d’opposition,
qui organise des manifestations quotidiennes pour arracher la démission
du gouvernement, a prévu de maintenir durant les jours fériés ses
rassemblements devant l’ANC mais l’affluence avait largement baissé dès
mercredi soir.
Plusieurs dizaines de détracteurs du pouvoir ont néanmoins participé
jeudi à une prière publique marquant la fin du ramadan. Ils se sont
ensuite rendus au cimetière où ont été inhumés le député Brahmi, et
l’opposant Chokri Belaïd tué le 6 février. Les veuves des deux hommes
étaient présentes. Une petite manifestation avait aussi lieu dans
l’après-midi devant l’ANC.
Les différents partis d’opposition, allant du centre-droit à l’extrême
gauche, réclament la démission du cabinet dirigé par Ennahda, la mise en
place d’un gouvernement de salut national formé de personnalités
indépendantes, ainsi que la dissolution de la Constituante.
Les islamistes ont proposé de leur côté une nouvelle fois mercredi un
gouvernement d’union nationale regroupant tous les partis politiques et
des élections en décembre. Par le passé, ils ont souligné qu’ils ne
renonceraient pas au poste de Premier ministre et n’accepteraient pas de
dissolution au nom du respect de la légitimité électorale.
La puissante organisation syndicale UGTT, forte de 500.000 membres et
capable de paralyser le pays, milite pour sa part pour un gouvernement
de technocrates et souhaite le maintien de l’ANC, une position partagée
par le patronat, Utica.
M. Ben Jaafar a lui appelé la centrale syndicale à parrainer les négociations entre les forces politiques.
L’opposition juge Ennahda responsable de l’essor de la mouvance
salafiste depuis la révolution de 2011, et dont les attaques ne cessent
de déstabiliser la Tunisie. Une opération militaire est d’ailleurs en
cours depuis une semaine dans le Mont Chaambi (à la frontière
algérienne) pour tenter d’y neutraliser un groupe armé qui serait lié à
Al-Qaïda et accusé d’être responsable de la mort de 14 soldats depuis
décembre — dont 10 depuis fin juillet.
Près de deux ans après l’élection de l’ANC, aucun consensus n’a été
trouvé sur la future Constitution et une législation électorale, ce qui
paralyse la mise en place d’institutions pérennes.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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